Le sultan d’Oman Haltham bin Tariq, l’ intermédiaire incontournable

Haitham bin Tariq, sultan d’Oman a rencontré le président iranien Ebrahim Raisi à Téhéran les 28 et 29 mai dernier pour s’entretenir avec lui de questions liées à la sécurité. Cette visite a pris une signification particulière dans la mesure où, juste quelques jours auparavant, Brett McGurk, conseiller principal de Joe Biden pour le Moyen-Orient, s’est rendu à Oman pour discuter du programme nucléaire iranien.

 

Oman a un historique de médiation bien établi entre les États arabes et l’Iran mais aussi entre l’Iran et l’Occident. Oman a ainsi aidé à l’échange de prisonniers entre l’Iran et la Belgique : Olivier Vandecasteele, travailleur humanitaire belge condamné à 40 ans de prison en Iran pour espionnage a été libéré contre Assadollah Assadi, un diplomate iranien, condamné à 20 ans de prison en Belgique pour avoir fomenté un attentat à la bombe contre des dissidents iraniens. Mascate a aussi reconnu avoir aidé à la libération de deux citoyens autrichiens et d’un citoyen danois détenus en Iran. En outre, Oman a joué un rôle dans la libération d’Américains détenus en Iran.  L’année dernière, lors d’une réunion entre les gouverneurs des banques centrales d’Iran et d’Oman, l’ancien gouverneur de la Banque centrale d’Iran, Ali Saleh Abadi, a déclaré qu’Oman avait aidé l’Iran à récupérer 500 millions de dollars bloqués au Royaume-Uni. 

L’axe entre Oman et Téhéran

Oman a les faveurs de l’Iran pour autant qu’il contribue à sortir l’Iran de l’isolement économique dans lequel Donald Trump l’a plongé. Début mai, les deux pays ont signé des accords pour renforcer leur coopération dans l’énergie, et le commerce. Le Forum des affaires Iran-Oman s’est tenu à Téhéran le mois dernier et les deux pays affirment vouloir accroître leur coopération dans les domaines de l’agriculture, de la construction, de la médecine et des produits alimentaires, notamment en facilitant les interactions entre les entreprises commerciales respectives.

Le commerce bilatéral entre l’Iran et Oman dépasse 1,88 milliard de dollars. Au cours de l’exercice 2022-2023, les exportations iraniennes vers Oman ont atteint 1,08 milliard de dollars, enregistrant une augmentation de plus de 50 % par rapport à l’année précédente. 

L’Iran et Oman ont également décidé d’exploiter en commun le champ pétrolier d’Hengam situé dans le détroit d’Ormuz. Les sanctions américaines ont bloqué toute coopération au sujet de cette réserve pétrolière de 288 kilomètres carrés située à 80% en territoire iranien. Mais les Etats Unis ont semble-t-il assoupli leur position. La frontière entre l’Iran et Oman est entièrement maritime mais elle est d’importance stratégique pour l’accès à la Mer Rouge.

À l’instar du Qatar

Comme le Qatar, Oman est tenté de rendre service à son puissant voisin pour se protéger de lui. Ce serait donc pour complaire à Téhéran qu’Oman a refusé que les avions commerciaux israéliens survolent son territoire. Et pour complaire à Téhéran encore que le Parlement d’Oman a voté en  2022 l’élargissement du boycott d’Israël aux domaines sportif, culturel ou économique. L’amendement interdit aussi spécifiquement toute interaction en personne ou en ligne avec des Israéliens.

Dans le dossier nucléaire, Oman joue d’autant plus volontiers les avocats … que les Iraniens refusent tout contact direct avec les Américains. Lors de la visite du sultan d’Oman en Iran, certains observateurs ont noté, dans la délégation iranienne qui a accueilli le sultan omanais, la présence du principal négociateur nucléaire iranien Ali Bagheri Kani. Une partie des messages adressés aux Iraniens transite donc par Oman.

Les sanctions contournées

Selon certaines observateurs, Oman aide volontiers Téhéran à contourner les sanctions pour écouler son pétrole. Abdolali Rahimi Mozaffar, membre de la commission de l’énergie du Parlement iranien, a déclaré qu’Oman contribuait à promouvoir la « diplomatie énergétique » du pays. 

Enfin, dans la phase nouvelle qui s’est ouverte après le retrait américain du Moyen Orient, Oman est tout désigné pour jouer les monsieur-bons-offices. Depuis son rapprochement avec l’Arabie Saoudite, l’Iran affiche clairement son intention de désamorcer les tensions avec les pays arabes voisins. Dans cette phase tactique nouvelle, Oman apparait comme un médiateur fiable pour aider à divers rapprochements. Oman passe aussi pour avoir joué un rôle dans le rapprochement entre l’Iran et l’Égypte. 

Indépendant, mais pragmatique

En jouant les intermédiaires, un pays comme Oman garde son indépendance. Si une nouvelle configuration d’alliances prenait forme au Moyen Orient, Oman pourrait sans trop de difficultés retrouver une place centrale

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