Le Hezbollah libanais se déchaine contre Emmanuel Macron

Dans le but de rester seul maître du jeu au Liban, au seul profit du pouvoir iranien, le parti chiite tire à boulets rouges sur les efforts franco-américainsvisant à aider la population libanaise à faire face à la crise.

Michel TOUMA

Peu d’informations ont filtré, vendredi 9 juillet, sur les résultats des nouvelles concertations américano-franco-saoudiennes que les ambassadrices de France et des Etats-Unis à Beyrouth, Anne Grillo et Dorothy Shea, ont effectuées jeudi 8 juillet en Arabie Saoudite au sujet de la crise libanaise.

Lors d’une visite conjointe impromptue à Ryad, les deux ambassadrices ont eu avec de hauts responsables saoudiens des entretiens qui s’inscrivent dans le cadre du suivi de la réunion tripartite que les ministres des Affaires étrangères des trois pays avaient tenue le 29 juin dernier à Rome, en marge de la conférence du G 20.

Objectif de cette coordination accrue franco-saoudo-US portant sur le Liban : d’une part, assurer une aide directe à l’armée libanaise et à des secteurs vitaux touchés de plein fouet par la grave crise socio-économique qui frappe le pays depuis près de deux ans – une aide sans passer par les autorités officielles, accusées par les instances internationales de faire obstruction à tout déblocage politique au niveau de la formation d’un nouveau gouvernement – ; et d’autre part, amener l’Arabie Saoudite à opérer un retour politique sur la scène libanaise. La politique, comme la Nature, ayant horreur du vide, Paris et Washington chercheraient à mettre un terme au repli saoudien au Liban dans le but d’y rétablir un équilibre stratégique en évitant de laisser le champ libre au Hezbollah, et donc à l’Iran.

« La France joue avec le feu »

Ce dernier objectif – vital pour la sauvegarde de l’identité du pays du Cèdre – explique la violente réaction du parti chiite libanais pro-iranien à l’action conjuguée de la France et des Etats-Unis en faveur du Liban et de la population libanaise. Se livrant à une subite attaque frontale contre la France et le président Emmanuel Macron, le quotidien local reflétant la ligne de conduite du Hezbollah titrait en « une » dans son édition du jeudi 8 juillet : « La France joue avec le feu » (sic !). Et le média pro-Hezbollah de s’élever, dans son édition de vendredi 9 juillet, contre ce qu’il a qualifié de « tentative de la part de la France (et de l’Occident en général) de faire revivre le mandat français au Liban » (qui était en vigueur au cours de la première moitié du XXe siècle).

La position du Hezbollah sur ce plan a provoqué une flopée de réactions sur les réseaux sociaux de la part d’activistes libanais qui ont relevé, non sans ironie, que si le parti chiite pro-iranien est tellement soucieux de préserver la souveraineté et l’indépendance du Liban, il devrait commencer par mettre un terme à son allégeance inconditionnelle et aveugle – inscrite noir sur blanc dans sa charte politique – à l’égard du Guide suprême de la Révolution islamique iranienne, de même qu’il devrait cesser d’être totalement tributaire de l’aide militaire, financière, économique, politique, sociale, logistique et en Renseignements que lui fait parvenir chaque mois et sur toute l’année le pouvoir des mollahs iraniens.

Vieilles tactiques syriennes 

Certains milieux de l’opposition libanaise relèvent sur ce plan que la réaction fiévreuse du Hezbollah concernant l’action franco-américaine, doublée d’une coordination avec Ryad, en faveur du Liban n’est pas sans rappeler la tactique qu’appliquait le régime de Damas lors de sa tutelle qu’il imposait sur le Liban avant 2005. Le pouvoir syrien se déchaînait alors contre tout pays qui tentait d’opérer une médiation ou de jouer un rôle autonome sur la scène libanaise sans passer par la Syrie.

De la même façon, l’actuelle campagne du Hezbollah contre la France vise manifestement à torpiller les efforts relancés par Paris et Washington en vue de placer le Liban sur la voie d’une solution, ou tout au moins d’une détente socio-économique attendue depuis des mois par la population. Pour le parti chiite, il s’agit ainsi de défendre les positions avancées de l’Iran dans la région et de permettre à Téhéran de monopoliser la carte libanaise dans un contexte moyen-oriental en pleine mutation, même si ce diktat iranien se fait au détriment des intérêts vitaux de la population du pays du Cèdre.

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