Le désastre centrafricain, miroir d’une Afrique centrale impuissante

La Communauté économique des Etats d’Afrique centrale (CEEAC), où on compte un grand nombre d’autocrates assiste indifférente au naufrage de la Centrafrique. 

Une chronique signée Francis Sahel

En Afrique de l’Est, l’Autorité intergouvernementale pour le développement de l’Afrique de l’Est (IGAD) avait pris la main dans la gestion de la crise au Soudan du Sud, imposant un accord entre le président sud-soudanais  Salva Kiir et son rival Riek Machar. De d’autre côté du continent, en Afrique de l’Ouest, c’est la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui a mené de bout en bout la sortie de la crise partie au Mali du coup d’Etat qui a renversé le 18 août 2020 le régime du président IBK.  

Dans les deux cas, les communautés économiques régionales (CER) ont agi au nom d’une tradition qui veut qu’elles soient en première ligne et que l’Union africaine, l’organisation continentale, n’intervienne qu’en appui à leurs efforts. 

 En république centrafricaine (RCA), plongée depuis décembre 2013 dans une grave crise, « la magie africaine » de résolution des crises par les Communautés économiques régionales est totalement en panne. Alors que le pays s’enfonce chaque jour un peu plus, la Communauté économique des Etats d’Afrique centrale (Angola, Burundi, Cameroun, Centrafrique, République du Congo, République démocratique du Congo, Gabon, Guinée équatoriale, Tchad, Sao Tomé-et-Principe) ne s’est contentée que de quelques timides communiqués. Pas de sommet ad hoc des chefs d’Etat sur la crise centrafricaine, pas de projet d’envoi à Bangui d’une délégation spéciale des présidents, pas de menaces de sanctions contre les groupes armés qui menacent la paix. 

L’impuissance de l’Afrique centrale

Sanctuaire des dictateurs 

Cette paralysie de l’organisation sous-régionale face à la crise centrafricaine n’est pas surprenante. L’Afrique centrale est la partie d’Afrique subsaharienne qui héberge les présidents qui battent les records mondiaux de longévité au pouvoir.

L’Equato-guinéen Obiang Nguema totale 40 ans au pouvoir, le Camerounais Paul Biya 36 années, le Congolais Dénis Sassou N’guesso 36 années, le Tchadien Idriss Déby 30 ans. Ces dirigeants, qui bafouent pour la plupart la démocratie et les droits de l’homme, ne pensent qu’à leur maintien au pouvoir. Que la Centrafrique brûle n’est donc pas aussi urgent que la survie quotidienne de leur régime !

Derrière cette indifférence, se cache aussi la volonté de ne pas voir demain la CEEAC venir se mêler de leurs affaires intérieures. Compter sur la CEEAC pour s’impliquer davantage dans la résolution de la crise en RCA, c’est sans doute la surestimer. Les Etats membres de cette organisation sous-régionale n’ont même pas été capables de convenir de la libre circulation des personnes et des biens. Ce qui explique les expulsions régulières des Congolais par l’Angola, le maintien du régime des visas entre les pays de la CEEAC.

Un bel avenir pour les Russes en Centrafrique

Abandonnés par la solidarité sous-régionale, les Centrafricains accueillent à bras ouverts toutes les manifestations de soutien, y compris les plus intéressées. Les Russes qui ont compris qu’il y a une place à prendre et des intérêts à défendre dans ce pays sont arrivés en renfort au président centrafricain Faustin Archange Touadéra, fournissant à son pays matériel militaire et assistance technique. Avec la réélection, même controversée, de Faustin Archange Touadéra, le bail de la Russie devrait se prolonger en RCA.

En attendant qu’un jour la CEEAC se réveille !  

Francis Sahel