Centrafrique/Russie, les révélations de Mondafrique sur la rencontre de Sotchi

Le 7 Octobre 2017, le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra et son Directeur de cabinet Firmin Ngrébada, devenu depuis son Premier ministre, conduisaient une délégation qui rencontrait Sergueï Lavrov, Ministre russe des Affaires étrangères à Sotchi en Russie. Mondafrique publie le compte rendu resté secret de cette rencontre qui va sceller l’alliance entre la Russie et la Centrafrique

Peu de jours avant le sommet de Sotchi, le président Touadéra, en rentrant de l’Assemblée générale de l’ONU, était reçu, le 25 septembre 2017, à l’Élysée par Emmanuel Macron. Au cours de cette rencontre, le président français expliquait à Touadéra que des armes avaient été saisies au large de la Somalie par la marine française en mars 2016 et que celles ci pourraient être livrées à la Centrafrique malgré l’embargo. Encore fallait-il une dérogation du Conseil de Sécurité qui autorise une telle livraison. Ce qui supposait que la Russie ne s’y oppose pas,.

Suite à cette rencontre de Sotchi du 7 Octobre 2017, Moscou obtiendra de l’ONU une levée partielle de l’embargo sur les armes qui pèse sur la République Centrafricaine et permettra la cession d’un stock d’armes au gouvernement centrafricain.

Le clan présidentiel à la manoeuvre

La délégation Centrafricaine qui devait sceller la nouvelle alliance entre les deux pays comprenait Rameaux-Claude Bireau, cousin du Président Touadéra et ministre-conseiller économique à la Présidence Centrafricaine, le colonel Noël Bienvenu Selesson, ministre délégué pour le désarmement, la démobilisation, la réinsertion et le rapatriement (DDRR) et parent du Président Touadéra, Thierry Oronfei, conseiller à la présidence, chargé des Nouvelles technologies et Issa Bourma, collecteur de diamants dans la localité de Bria, lié au mouvement Séléka.

Un compte rendu hautement confidentiel

Mondafrique a pu obtenir un compte-rendu de cette rencontre de Sotchi du 7 Octobre 2017 qui va bien plus loin que cette simple livraison d’armes de la France à la Centrafrique. L’accord porte plus largement sur des questions sécuritaires, minières, politiques et sociales.

La traduction de ce document qui figure ci-dessous détaille la coopération russo-Centrafricaine aujourd’hui bien avancée..o

Voici le Compte rendu de réunion entre représentants de la République Centrafricaine et la Fédération de Russie

Fait à Sotchi, le 7 Octobre 2017

Participants partie centrafricaine:

ü  Firmin Ngrebada

ü  Rameaux-Claude Bireau

ü  Thierry Oronfei

ü  Noël Selesson

ü  Issa Bourma

Firmin Ngrebada, Premier ministre depuis le 25 février, passe pour les avoir introduits auprès de Faustin-Archange Touadéra (FAT), dont il a épousé une cousine.

Ordre du jour :

I.              Création d’une société minière et organisation de travail.

1      Création d’une société minière en RCA.

2      Obtention du permis de recherche.

3      Système bancaire en RCA.

4      Organisation et optimisation des procédures douanières.

5      Adoption de la feuille de route pour la mise en œuvre du projet.

6      Établissement d’un groupe de travail.

7      Établissement des missions géologiques dans les territoires libérés.

II.            Questions de sécurité.

1      Conclusion du contrat d’exploitation de l’aéroport.

2      Création des conditions de protection par le libre passage au Soudan.

3      Fixation d’une date et conditions d’envoi de spécialistes affectés à la sécurité du président.

4      Création de la Garde Nationale et établissement d’un centre de formation militaire à  l’aéroport.

5      Problèmes de l’interaction avec l’ONU et la MINUSCA, y compris l’entrée de forces armées et leur légalisation sur le territoire Centrafricain.

III.            Questions de politique sociale et d’information.

1      Sensibilisation de la population sur le programme du Président de la République centrafricaine, renforcement d’une image positive pour améliorer le climat des investissements.

2      Organisation des projets de création d’emplois.

I.              Création d’une société minière et organisation de travail.

1      Création d’une société minière en RCA.

Tenant compte des instructions du Président de la République pour le Présidium, de quelque manière que ce soit, afin de faciliter la mise en œuvre du projet proprement dit, la partie centrafricaine s’est engagée à accélérer et simplifier autant que possible toutes les procédures administratives. Les parties conviennent que, dans le cadre de la création de la société, un groupe d’experts, comprenant des juristes, des géologues, des politologues et le chef du groupe, sera envoyé sur le territoire de la République centrafricaine le 16.10.2017. Les parties conviennent que la durée de la création de la société ne devrait pas dépasser 20 jours.

2      Obtention du permis de recherche.

La partie centrafricaine a confirmé que cette société étrangère (qui opère et est située sur le territoire de la Fédération de Russie) recevrait à la fois une licence et un permis d’exploration sur le terrain. Par la suite, si la licence expire, la société russe peut la transférer à la succursale locale de la société dès son établissement.

Selon la législation actuelle, le plan suivant est en place depuis mars 2016 pour obtenir un permis d’exploration et de prospection de gisements :

– La société soumet une demande de licence et les documents nécessaires au Ministère des Mines de la République Centrafricaine ;

– Le Ministère des Mines de la République Centrafricaine prépare les dossiers et les soumet à l’Assemblée Nationale de la République Centrafricaine pour obtenir une licence ;

– Une fois approuvé par l’Assemblée, le Président de la République centrafricaine signe un décret accordant la licence/le permis.

La partie centrafricaine a assuré que la durée totale de toutes les procédures formelles d’obtention d’un permis ne dépasserait pas 30 jours ouvrables.

En outre, la partie centrafricaine a confirmé que les géologues russes pouvaient commencer l’exploration primaire des gisements avant d’obtenir une licence, à condition qu’ils soient accompagnés de spécialistes du Ministère des mines de la République centrafricaine.

Les parties se sont entendues sur un calendrier de planification pour l’organisation de l’exploration et de la production :

– Au plus tard le 26.11.2017 – obtention d’une licence ;

– Au plus tard le 15.01.2018 – obtention d’un permis de recherche et d’exploration de gisements ;

– Au plus tard le 10.02.2018 – début de la production.

3      Système bancaire de la RCA.

Actuellement, toutes les banques de la République centrafricaine effectuent des virements par l’intermédiaire de comptes correspondants en France, ce qui empêche la partie russe d’effectuer des virements bancaires. Les parties conviennent que, dans cette situation, la partie russe a le droit d’effectuer des paiements en espèces. De l’avis de la partie centrafricaine, la livraison en espèces n’est possible que par jet privé. La partie centrafricaine s’est également déclarée disposée à examiner avec le Ministère des finances de la République centrafricaine d’autres options pour les transactions en espèces.

4      Organisation et optimisation des procédures douanières.

La partie centrafricaine a indiqué que le Président de la République centrafricaine demandera aux services douaniers centrafricains de simplifier l’importation des équipements industriels. A cette fin, la partie russe devra:

– Demander au Ministère des Finances de la République Centrafricaine une réduction maximale des droits de douane ;

– S’adresser au ministère des Douanes pour obtenir une réduction maximale des droits de douane.

En outre, la Partie centrafricaine a souligné qu’en vertu du Code minier, l’importation de matériel d’exploration et de développement minier n’est pas assujettie aux droits de douane.

5      L’adoption de la feuille de route de la mise en œuvre du projet.

Les parties ont convenu qu’une « feuille de route » devrait être créée pour la mise en œuvre du projet. La partie centrafricaine devra soumettre ses souhaits sur la « feuille de route » à la partie russe au plus tard le 16.10.2017.

6      Établissement du groupe de travail.

La partie centrafricaine a reconnu la nécessité de créer un groupe de travail sous les auspices de l’Administration présidentielle de la République centrafricaine, ce qui contribuera à accélérer la réalisation des objectifs fixés.

7      Établissement des missions géologiques sur les territoires libérés.

D’un commun accord, les parties ont choisi les zones prioritaires pour les activités d’exploration et de production sont les préfectures de Lobaye et Haute-Kotto. La partie centrafricaine a également noté que l’une des principales zones contenant un grand nombre de gisements de diamants se trouve autour de la ville de Ouadda. La partie centrafricaine a indiqué qu’une fois que la demande d’autorisation d’étudier ces régions aura été soumise au Ministère des mines de la République centrafricaine, toutes les informations sur leurs caractéristiques géologiques seront communiquées à la partie russe. Jusqu’à présent, la totalité du volume de production a été réalisée de manière artisanale. A cet égard, la proposition de la partie russe de développer industriellement les gisements contribuera à accélérer l’obtention des permis nécessaires.

II.            Questions de sécurité.

1      Conclusion du contrat d’exploitation de l’aéroport.

Du point de vue de la partie centrafricaine, la région la plus prometteuse pour le projet d’aérodrome est la localité de Ouadda. Du point de vue de la partie russe, les spécifications de la piste doivent permettre décollage et atterrissage d’avions lourds (tels que Boeing et l’Il-76). La partie centrafricaine s’engage à clarifier les informations relatives à l’état de l’aérodrome sélectionné au Ministère de l’aviation civile de la République centrafricaine et à connaître les caractéristiques techniques de l’aérodrome sélectionné et à en informer la partie russe au plus tard le 16.10.2017. Dans le même temps, la partie centrafricaine s’engage à fournir des informations sur les termes de la procédure et les termes du contrat d’exploitation de l’aérodrome sélectionné par la partie russe.

2      Création de conditions pour la protection par le libre passage au Soudan.

Au cours de la discussion, les parties conviennent que la présence de spécialistes armés d’origine étrangère pouvait se justifier dans ce contexte aux fins de la protection des zones minières. Ces spécialistes pourraient être déguisés en employés d’une société soudanaise de sécurité.

3      Fixation d’une date et des conditions de l’envoi des spécialistes affectés à la sécurité de président.

La Fédération de Russie estime qu’il est absolument nécessaire de commencer sans délai à introduire des changements dans l’organisation pour assurer la sécurité du Président de la République centrafricaine. A cette fin, il est nécessaire d’accélérer l’envoi en République Centrafricaine d’experts en matériel moderne de surveillance et de protection des tireurs d’élite et autres méthodes modernes pour assurer la sécurité.

La Fédération de Russie estime également qu’il est nécessaire de procéder à la sélection préliminaire et au recyclage du personnel de sécurité du Président de la République centrafricaine.

A cet égard, la Fédération de Russie est prête à fournir un véhicule blindé et du matériel de sécurité moderne, ainsi qu’à envoyer une équipe d’experts pour organiser la protection personnelle du Président de la République centrafricaine.

La partie centrafricaine s’engage à répondre à cette proposition au plus tard le 16 octobre 2017.

4      Création de la Garde Nationale et établissement d’un centre de formation militaire à l’aéroport.

Pour la réalisation de cette tâche, les parties ont décidé de créer un groupe de travail, ainsi qu’un centre de formation secret sur le territoire de l’aérodrome sélectionné. La partie centrafricaine a admis la nécessité de la création du centre de formation de soldats de la garde nationale compose des ressortissants de la République centrafricaine.La partie centrafricaine a également noté que l’aérodrome, proposée comme la base principale du projet est à égale distance des 3 lieux ou sont déployés les contingents de MINUSCA (200-300 km).  La mise en œuvre de cette tâche devrait commencer après la décision de légaliser l’utilisation de l’aérodrome et de préparer les documents de sécurité nécessaires.

5      Problèmes de l’interaction avec l’Onu et la MINUSCA, y compris l’entrée de forces armées et leur légalisation sur le territoire Centrafricain.

Selon la résolution de l’ONU n° 2127 du 05.12.2013, l’introduction des forces armées et leur utilisation à des fins de protection et de sécurité n’est possible qu’avec l’autorisation du Comité de sécurité de l’ONU. Les termes de l’autorisation exigent que le Président de la République centrafricaine soumette au Comité de sécurité de l’ONU une demande d’acquisition des troupes nécessaires pour renforcer la sécurité de la République centrafricaine. La partie centrafricaine a noté qu’il faut environ 3 (trois) mois pour obtenir ce type d’autorisation pour les pratiques. La partie centrafricaine ne voit aucun obstacle à la mise en place de l’Unité de la Garde présidentielle tant que l’autorisation nécessaire n’aura pas été obtenue. Si l’ONU et la MINUSCA ont des questions sur la situation, le Gouvernement de la République centrafricaine s’occupera de la justification de la présence du personnel des forces armées d’origine russe. La partie centrafricaine a noté qu’il existe des sociétés de sécurité des forces armées chinoises à leur disposition, qui assurent la sécurité des installations sensibles ou des sociétés chinoises à exploiter. En tout état de cause, la partie centrafricaine s’engage à fournir des informations sur le statut et la légalité des sociétés de sécurité susmentionnées à la partie russe au plus tard le 16.10.2017. Ainsi, d’ici là, la partie centrafricaine aura fourni des informations sur les capacités de la partie russe à mener à bien la même procédure de légalisation des formations militaires sur la sécurité et l’armement que les entreprises chinoises.

III.           Questions de politique sociale et d’information

1      Sensibilisation de la population au programme du Président de la République centrafricaine, renforcement d’une image positive pour améliorer le climat des investissements.

Les parties conviennent qu’il est nécessaire d’établir un groupe de travail pour mettre en œuvre le projet de sensibilisation du public. D’ici la fin novembre 2017, un plan de mise en œuvre du projet sera élaboré et devrait être lancé en décembre 2017. Il est nécessaire de le développer pendant la période de préparation :

– méthodes ;

– moyens;

– outils de sensibilisation de la population;

-programme visant à sensibiliser la population aux initiatives prises par le Président pour améliorer la situation économique et sociale.

La partie russe est prête à former des spécialistes de l’information.

En conséquence, les parties conviennent que la tâche principale est de travailler avec les jeunes afin de les inclure dans l’activité positive dans les domaines social, économique et patriotique.

2      Organisation des projets de création d’emplois

La partie centrafricaine a attiré l’attention sur le fait que le chômage est actuellement un problème, en particulier chez les jeunes de la capitale de la République centrafricaine. A cet égard, la partie centrafricaine a demandé que la question de la création d’emplois soit examinée. Le projet de création d’emplois pourrait être mis en œuvre dans le cadre du programme social proposé par la partie russe dans le cadre de l’engagement pris avec la République centrafricaine concernant l’exploitation minière. Les parties conviennent que la stratégie pour de tels projets devrait être fondée sur le principe « petits investissements – résultats rapides ». La partie centrafricaine mettra en place un groupe de travail spécial pour mettre en œuvre ces projets. L’un des projets possibles mentionnés par les parties était la possibilité de créer de petites entreprises d’exploitation forestière et de transformation. En outre, la partie centrafricaine a demandé qu’une attention particulière soit accordée aux groupes de jeunes qui sont déjà prêts à participer à de petits projets (incubateur d’entreprises). La partie centrafricaine estime qu’il est nécessaire d’attirer des spécialistes russes pour évaluer les processus commerciaux.