Tunisie, Youssef Chahed, cible de la grève du 22 Novembre

La grève générale du 22 novembre 2018, déclenchée en Tunisie par le puissant syndicat l’UGTT, apparait comme une tentative du président Beji Caïd Essebsi de déstabiliser son Premier ministre, Youssef Chahed, soutenu par une majorité au Parlement tunisien.

A la Kasbah, siège du jeune et ambitieux chef du gouvernement, Youssef Chahed, il n’est plus permis d’en douter. D’après des sources citées par le site marocain « Maghreb Intelligence », le staff du Premier ministre a les idées bien claires sur le véritable instigateur de la grève générale annoncée dans la fonction publique pour ce jeudi 22 novembre. Les regards des conseillers de Youssef Chahed et des principaux ministres se tournent vers le palais de Carthage. « Noureddine Taboubi, secrétaire général de l’UGTT a été reçu par le président de la république plus de quatre fois ces dernières semaines, ils jouent une partie commune », explique un des proches de Youssef Chahed.

Les islamistes, maitres du jeu

De là à prétendre que le patron de la centrale syndicale roule pour le clan Essebsi, il n’y a qu’un petit pas que beaucoup dans l’entourage de Youssef Chahed n’hésitent pas à franchir. Ces derniers mois, l’UGTT a ouvertement milité en faveur du départ du chef du gouvernement, dont le Président de la République, Beji Caïd essebsi, voulait également se débarrasser. Seul l’appui des islamistes d’Ennahdha, premier groupe parlementaire actuellement, lui a permis de se maintenir au pouvoir.

Le procès public fait au chef de gouvernement s’appuie essentiellement sur une situation économique désastreuse qui a vu, ces derniers jours, le dinar tunisien dégringoler encore un peu plus. « Il est vrai que la situation socio-économique est assez préoccupante », concède un membre du gouvernement, contacté par nos confrères de « Maghreb Intelligence ». « Mais déclencher une grève générale n’est pas le meilleur moyen pour aider la Tunisie à s’en sortir », ajoute la même  source.

L’axe Taboubi/Beji

Entre Noureddine Taboubi, chef de l’UGTT, et Beji Caïd Essebssi, le vieux bourguibiste usé et malade, les relations sont plus qu’excellentes. Les deux hommes se parlent régulièrement et sont unis dans une même volonté d’écarter définitivement du pouvoir les islamistes de Rached Ghannouchi, alliés des amis de Youssef Chahed et force d’appoint parlementaire déterminante. « Face à l’atonie et à la régression de Nidae Tounès, le parti présidentiel tenu par le fils du chef de l’Etat, le président a besoin d’une force politique qui puisse faire contrepoids à la fois à Ennahada et à Youssef Chahed », affirme un familier du Palais de Carthage.

Cette coalition entre le vieux bourguibiste et des forces syndicales traditionnellement progressistes et laïques, sera-t-elle suffisante pour mettre fin aux ambitions du jeune premier ministre? Tout dépend de la force du ressentiment populaire qui pourrait embraser l’équilibre précaire qui est celui d’une Tunisie ravagée par la crise et où l’Etat profond sécuritaire cherche à tout prix à reprendre les rênes du pouvoir.

Chahed, une (ir)résistible ascension

La grève générale du jeudi 22 novembre est considérée par beaucoup comme un arbitre décisif de cla compétition acharnée pour le pouvoir qui paralyse totalement la fameuse transition démocratique tunisienne.

Une réussite de la mobilisation populaire, qui s’était déja manifestée avec force en janvier 2018, fragilisera Youssef Chahed. Surtout si des débordements habilement orchestrés perturbent l’ordre public. L’échec de la grève  permettra en revanche au Premier ministre et à ses alliés islamistes de franchir une nouvelle étape vers les élections présidentielles de 2018 . A condition naturellement que l’entente entre les composantes de la majorité parlementaire de Chahed résiste à l’approche d’échéances électorales décisives

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)

1 COMMENTAIRE

  1. D’autant plus que l’ITES, Think Tank de la Présidence, publie aujourd’huie un rapport sur le pouvoir d’achat des Tunisiens. Superbe Timing !

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