La maigre troupe des « blancs » qui conseillent Eric Zemmour sur l’Afrique

Par tradition en France, aucun postulant à la fonction suprême ne peut faire campagne et encore moins franchir le perron de l’Elysée, sans connexions africaines. Malgré son plaidoyer anti immigration, le candidat Éric Zemmour s’est entouré d’une petite troupe parfois bien introduite auprès des palais présidentiels africains.

Une chronique d’Olivier Delagarde

« Oui je pense que nous devons quitter le Mali » Eric Zemmour

 Entre petites phrases polémiques, positions plus que tranchées et analyses parfois éventées, le candidat à la Présidence de la République française, Éric Zemmour, aime à commenter l’actualité africaine avec un ton toujours fort condescendant.

En janvier 2021, et alors qu’il officiait encore comme chroniqueur sur la chaine française CNEWS, Éric Zemmour proférait longuement son point de vue sur la politique africaine de la France. Sur le plateau de l’émission « Face à l’info » et concernant l’opération militaire Barkhane au Mali, le fin analyste déclarait : « oui je pense que nous devons quitter le Mali ». Ce qui, avouons le, n’était pas totalement absurde!

Les provocations de Zemmour à Dakar

Le polémiste affiché de la droite identitaire française, adopte volontiers une posture de spécialiste imprévisible de la vie politique africaine. Durant les événements à Dakar en mars 2021, rappelle la lettre confidentielle « Africa Intelligence », le polémiste avait ainsi expliqué que, selon « ses sources », le président français Emmanuel Macron imaginait une intervention militaire au Sénégal. Bien évidemment, cette allégation ne fut pas prise au sérieux !

Rebelote en juin dernier, Éric Zemmour avait provoqué la colère du ministre sénégalais de la communication Abdoulaye Diop, après que le trublion ait déclaré « que tous les trafiquants de crack à Paris sont sénégalais ».

« Pas assez de masques ? Vous vous rendez compte de la situation, nous sommes devenus quel pays ? Le Gabon ? C’est un scandale ! ».Eric Zemmour

Quelques mois auparavant, le même Zemmour de s’exclamer face à la pénurie de masques chirurgicaux en France : « Pas assez de masques ? Vous vous rendez compte de la situation, nous sommes devenus quel pays ? Le Gabon ? C’est un scandale ! ». Là encore, réaction immédiate des autorités de Libreville, celles-ci exigeant de la direction de CNEWS des excuses publiques.

 En première et bonne place parmi les conseillers Afrique, le fidèle ami et avocat d’Eric Zemmour, Olivier Pardo

Olivier Pardo, bon connaisseur de l’Afrique

Faute d’une réelle culture africaine et d’un réseau sur le continent, le candidat doit recruter Malgré une abondance de commentaires et de pseudo certitudes, Éric Zemmour est éloigné des affaires subsahariennes, territoires où il ne s’est quasiment jamais rendu et où il est peu connu du paysage politique. Pour compenser cette carence non négligeable dans sa course à l’Elysée, le candidat Zemmour a dû recruter en puisant notamment dans un carnet d’adresses humant bon le souffre. En première et bonne place : son fidèle ami et avocat Olivier Pardo. Et ce dernier, en revanche, connait bien l’Afrique. Notamment, en étant la première robe noire à défendre la Guinée Equatoriale dans l’inextricable dossier desdits des « biens mal acquis ».

L’avocat avait été dépêché  afin d’empêcher la saisie du très luxueux 42 avenue Foch à Paris, propriété du fils du dirigeant de Malabo. Plus récemment, l’avocat est réapparu dans les parages de Kinshasa, où la présidence congolaise l’a mandaté dans une affaire d’arbitrage contre l’homme d’affaires israélien Dan Gertler

Loïk Le Floch Prigent décoré par le Président français d’alors, François Mitterand

Seconde tête pensante du candidat Zemmour proche des présidences africaines : Loïk Le Floch-Prigent. Ce nom bien connu des français, fût PDG successivement de Rhône-Poulenc, du groupe Elf Aquitaine de 1989 à 1993, puis de la SNCF jusqu’en 1996, année de sa mise en examen dans le très volumineux et encombrant dossier dit de « l’affaire Elf », jugé huit ans plus tard. A l’instar d’Éric Zemmour qu’il conseille également sur les questions économiques, Le Floch-Prigent n’est pas issu de grandes écoles formant aux services de l’Etat. Loïk Le Floch-Prigent, longtemps l’un des principaux artisans de la politique africaine de la France et sous différents gouvernements, reste très actif sur le continent, intervenant tantôt comme consultant, tantôt comme apporteur d’affaires dans de nombreux dossiers économiques. Au Congo, au Mali, en RDC ou encore au Bénin.

Troisième couteau du « staff africain » d’Éric Zemmour : Olivier Ubeda. Chargé des événements de la campagne du candidat, Olivier Ubéda à lui-même écumé l’Afrique en quête de juteux contrats au profit de sa société UB Consultants, notamment en Tunisie. Ancien acteur de l’UMP, parti politique français ayant permis l’élection de Nicolas Sarkozy à l’Elysée, il fût l’organisateur de divers événements sur le continent. Proche d’Ousmane Baldé avec lequel il s’associa dans une structure de conseil dédiée à l’Afrique, Olivier Ubéda n’a pas eu toutefois le succès escompté en affaires, hormis quelques missions peu lucratives à Conakry. Au sein de l’équipe de « Reconquête » (NLDR : la formation politique faite et pour Éric Zemmour), Olivier Ubéda est piloté par un visage bien connu du continent africain : le général Bertrand de La Chesnais.

Lorsqu’Eric Zemmour se trouvait en décembre en Cote d’Ivoire, c’était surtout pour envoyer un message aux forces armées françaises alors qu’Emmanuel Macron avait annoncé le départ des troupes tricolores du Mali.

Quelques militaires en renfort

Retraité de l’armée française depuis 2017, général quatre étoiles de l’armée de terre, Bertrand de La Chesnais a durant quarante années sous le drapeau tricolore, été déployé à plusieurs reprises sur le continent africain, au Tchad ainsi qu’au Gabon notamment. Un an après avoir raccrocher l’uniforme lourd de nombreuses distinctions, Bertrand de La Chesnais avait été tenté de s’intéresser au business africain en créant son cabinet de conseil BLC Impact Consulting, notamment avec pour objet social : « faciliter les relations institutionnelles à l’international en Afrique et au Moyen-Orient ».

Dès 2018, on le remarque opérant en qualité de conseiller spécial du PDG d’Arquus (anciennement Renault Trucks Défense), entreprise française particulièrement active sur les marchés d’armement sur le continent avec une dernière livraison de cinquante véhicules blindés Bastion aux forces du G5 Sahel.

Bertrand de La Chesnais avait notamment « ouvert » à Eric Zemmour la porte du salon international d’équipements de défense Milipol organisé en France. Manifestation à laquelle participaient de nombreuses délégations africaines, et où Éric Zemmour s’était illustré en pointant une arme de combat sur des journalistes, défrayant la chronique… Un autre ancien militaire vient compléter la garde de campagne du candidat Zemmour : Michel LOUSSOUARN. Moins gradé, l’ex-officier un temps en poste au sein de l’Etat-major des armées françaises, est lui aussi reconverti sur le créneau de l’intelligence économique. Sa mission ? Recueillir et traiter les notes blanches rédigées par plusieurs officiers retraités de la grande muette à l’attention du polémiste, notamment sur les questions sahéliennes.

Parmi eux figureraient deux anciens colonels membres de la fédération bretonne de l’association des « Amis d’Éric Zemmour ». A l’heure où nous rédigeons, nous n’avons pu les identifier.

Charles Millon donne volontiers quelques conseils sur la politique africaine à ses amis de LR comme au clan d’Eric Zemmour

Des réseaux clairsemés

Côté diplomatie, les soutiens se montrent plus discrets Le candidat Zemmour semble à la peine sur le versant du corps diplomatique. Et ce, malgré les efforts ininterrompus de sa directrice stratégique de campagne, Sarah Knafo. Pourtant l’énarque compte un carnet d’adresses plutôt fourni depuis son stage à l’ambassade de France en Libye, délocalisé un temps à Tunis. Beaucoup des diplomates rencontrés alors sont tous aujourd’hui au Quai d’Orsay.

Afin d’étoffer son équipe « relations internationales », le candidat Zemmour s’est en outre tourné vers une figure de plateaux de télévision : Caroline Galacteros. Collaboratrice assidue de la revue tricolore  » Front populaire », la docteure en sciences politiques est moins experte du continent africain que des pays de l’Est. Avant sa nomination, elle pilotait un petit club aux airs de think-tank dénommé Geopragma, en tentant d’émettre quelques analyses peu convaincantes sur la situation sécuritaire en Afrique de l’Ouest, à dominante critique notamment sur l’opération Barkhane.

S’agissant des « affaires sahéliennes », Éric Zemmour peut aussi compter, parmi les visiteurs du soir de son quartier général de campagne, sur l’ancien ministre de la Défense de Jacques Chirac, Charles Millon, très proche des réalités africaines et aux jugements souvent pertinents, mais aussi sur le soutien du très médiatique Jean Messiha. Après avoir claqué la porte d’une manière tonitruante du Rassemblement national de Marine Le Pen en 2020, ce haut fonctionnaire du Quai d’Orsay a cherché à se faire connaitre comme un fin analyste du Sahel. Pour l’instant, seuls les téléspectateurs du truculent talk-show de l’animateur Cyril Hanouna, Touche pas à mon poste ! bénéficient de son expertise de haut vol.

Selon nos sources, d’autres météorites gravitent dans l’espace du candidat Zemmour, tels que le théoricien natif de Meknès Bernard Lugan, ancien membre d’Action française et patron de la revue l’Afrique réelle. Magnat du « grand remplacement », Renaud Camus s’affiche avec Eric Zemmour.

Côté finances, Éric Zemmour par l’intermédiaire de Bernard Lugan, s’appuie sur le millionnaire Charles Gave, ce dernier étant à la tête notamment de l’Institut des libertés où là encore, gravitent les mêmes. Reste à savoir, si tout ce petit monde aura l’influence requise au moins sur le territoire français, afin de permettre au candidat Zemmour, de réunir les cinq cents signatures réglementaires afin de poursuivre son aventure, au-delà des frasques médiatiques quotidiennes. Enfin, le candidat anti-immigration afficionado du grand « renvoi dans leur pays d’origine », prêt à remplir sur on ne sait quel budget et encore moins sur quelle base juridique, des kirielles d’avions à destination de l’Afrique emplis d’indésirables, semble omettre un détail de poids : l’Afrique est un partenaire commercial et de coopération majeur pour la France.