Les raisons de la popularité de Laurent Gbagbo

Les chercheurs d’International Crisis Group se penchent dans un rapport qui vient d’être rendu public  sur les raisons de la popularité persistance de Laurent Gbagbo qui vient de rentrer en Côte d’ivoire le jeudi 17 juin. Extraits.

« Trois facteurs ont concouru à cette popularité. Premièrement, Laurent Gbagbo fut l’un des opposants emblématiques au système de parti unique instauré par Félix Houphouët-Boigny après l’indépendance. Son nom reste associé au combat pour la démocratie et à la création du multipartisme, pour lequel il s’est battu. Deuxièmement, dans une société très inégalitaire, il a été le porte-voix des couches populaires et des régions mises à l’écart du développement post-indépendance, dont la sienne, le centre-ouest, et le grand ouest, frontalier du Libéria. Tribun hors pair, il a su, en outre, capter puis stimuler le sentiment nationaliste d’un pays qui accueille une très forte communauté d’immigrés ouest-africains. A mesure que le pays s’enfonçait dans la stagnation économique, de nombreux Ivoiriens ont considéré que cette immigration était la cause de tous leurs problèmes et les responsables politiques, dont Gbagbo, ont joué sur ce sentiment xénophobe pour se faire élire.

« Le retour d’un homme providentiel » »

Cette popularité a ensuite été renforcée par les élections de 2010, la décision de la CPI et la composition de son électorat. En novembre 2010, lors du second tour de la présidentielle, Laurent Gbagbo est parvenu à réaliser un score très honorable de 46 pour cent des votes, contre 54 pour cent pour son rival Alassane Ouattara, allié au Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI – l’ancien parti unique). Même si les dix années de boycott électoral du FPI de Gbagbo, qui ont suivi la crise de 2010-2011, rendent difficile la lecture de l’évolution de son électorat, il est tout à fait raisonnable d’avancer que le noyau dur de l’électorat du FPI lui est resté fidèle.
 
La décennie qu’il vient de passer à la CPI constitue également un capital symbolique qu’il ne faut pas négliger. Désormais innocenté, Gbagbo peut se présenter comme la victime d’une erreur de la justice internationale. Enfin, une partie importante de son électorat le plus fervent provient des milieux évangéliques et voit à la fois son acquittement comme l’accomplissement d’un miracle et son retour comme une manifestation messianique, le retour d’un homme providentiel. »