Gabon: Casimir Oye Mba, un destin contrarié 

Casimir Oye Mba, ancien premier ministre du Gabon (1990-1994)  est mort le 16 septembre 2021 à Paris. Retour sur la vie d’un homme qui fut un technocrate brillant mais un acteur politique controversé.

Une chronique de Jocksy Ondo-Louemba

Casimir Oyé Mba restera dans l’Histoire du Gabon comme le premier gouverneur « natif » de la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC) qui est la descendante de la Banque Centrale qui gérait le Franc des colonies d’Afrique Centrale  (CFA, originel) ; mais surtout comme le premier 1er ministre du Gabon post parti unique.

Études brillantes en France

Casimir Oye Mba naît le 20 Avril 1942 à Nzamaligue dans la grande périphérie de Libreville. Issu du groupe ethnique fang, il appartient à un clan qui a fourni au Gabon  des cadres illustres. Après des études au Gabon et l’obtention de son baccalauréat, il va comme le veut « la tradition » faire des études en France. Casimir Oye Mba étudie d’abord à l’Université de Rennes où il obtient avec brio une Licence de Droit et de Sciences politiques ; puis à Paris où il obtient un diplôme d’Études Spécialisé (DESS) en Droit et soutient en 1969 une thèse de doctorat en Droit  sur Les problèmes juridiques posées par l’exploitation du sous-sol au Gabon  ; Casimir Oye Mba complète enfin son cursus en suivant une formation diplômante en Finances au Centre d’Etudes financières, économiques et bancaires (CEFEB) de la Caisse centrale de coopération économique qui deviendra l’Agence Française de Développement (AFD).

Recruté à la Banque des Etats de l’Afrique Centrale, Casimir Oye finit par en être le gouverneur en 1978.

Premier Ministre post parti unique

En 1990, un soulèvement populaire contraint Omar Bongo à renoncer au régime de parti unique dont il avait clairement affirmé qu’il ne cesserait jamais tant qu’il serait au pouvoir. Pressé par les évènements et guidé par son instinct de conservation du pouvoir, Omar Bongo décide le 03 de nommer ce technocrate non issu des rangs du Parti unique et dont le profil technique et neutre rassure tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du Gabon.

Pendant les années de braise (1990-1994), il gère à la fois le climat social particulièrement tendu, le processus de démocratisation dans lequel se tiendront les élections législatives en 1991 et présidentielles en 1993. Casimir Oye Mba sera enfin en première ligne dans la gestion de la dévaluation du Franc CFA.

Après 1994, il perd son poste de premier ministre mais reste au gouvernement en occupant plusieurs portefeuilles ministériels jusqu’ à la mort d’Omar Bongo en Juin 2009.

Opposant modéré à Ali Bongo

Après la mort d’Omar Bongo, Casimir Oye Mba est candidat à sa succession et se présente à l’investiture du Parti Démocratique Gabonais.  Selon certaines informations, il est le choix du bureau politique du Parti Démocratique Gabonais mais qu’Ali Bongo aurait fait pression sur le bureau notamment sur le Secrétaire général du Parti Démocratique Gabonais (PDG, au pouvoir) Faustin Boukoubi. Toujours est-il que Casimir Oye Mba démissionne du Parti Démocratique Gabonais pour être candidat indépendant à l’élection présidentielle anticipée de 2009 avec un slogan particulièrement évocateur : «  Le vrai Candidat du consensus ».  

Alors qu’il a mené une campagne correcte mais sans réelle adhésion populaire (André Mba Obame et Pierre Mamboudou faisant nettement mieux) , Casimir Oye Mba pose alors un acte qui déboussole tout le monde : la veille du scrutin il annonce son retrait du scrutin pour des raisons particulièrement énigmatiques. Il parle dans son allocution « d’informations de premières mains » qui  » laissaient entrevoir des risques graves pour les gabonais »…

L’impossible retour
Casimir Oye Mba s’engage ensuite dans la création du parti d’opposition Union Nationale avec entre autres Zacharie Myboto, Pierre Claver Zeng Ebome et Andre Mba Mba Obame. Prônant un dialogue avec le pouvoir d’Ali Bongo qui l’avait reçu au Palais Rénovation au motif que les gabonais devaient se parler, Casimir Oye Mba tentera de se présenter à l’élection présidentielle d’Août 2016.
Là aussi, il se désiste pour soutenir l’ancien président de la commission de l’Union Africaine (UA)  Jean Ping.  Casimir Oye Mba laissera sans doute dans la mémoire des gabonais deux images : la première celle  d’un brillant technocrate dont l’expertise l’avait conduit – entres autres – à animer une conférence à L’ecole polytechnique X en région parisienne ; et la deuxième,  celle d’un politicien qui n’a jamais voulu aller au bout de ses ambitions. 

La cohabitation entre Frédéric Bongo et la Présidence gabonaise