Alger demanderait à Paris l’extradition d’une vingtaine de réfugiés politiques

D’après le site Algérie Part, les autorités algériennes réclameraient à Paris l’extradition d’une vingtaine d’opposants politiques qui, compte tenu de la répression brutale existant en Algérie, ont fait de la France un refuge de l’opposition au régime. Voici le texte de cet article 

La Direction de la Documentation et de la Sécurité Extérieure (DDSE), le renseignement extérieur algérien, ainsi que la Direction générale de la Sécurité Nationale (DGSN), à savoir la Police nationale algérienne, ont envoyé officiellement à la mi-septembre de cette année une liste officielle contenant les noms d’une vingtaine de personnes de nationalité algériennes établies en France et qui sont activement recherchées par la Justice algérienne. Cependant, cette vingtaine de personnes n’est guère composées de délinquants, voyous, oligarques en fuite après avoir détourné des sommes colossales en Algérie ou des dirigeants politiques et militaires corrompus comme le général Ghali Belkecir, l’ex-commandant de la Gendarmerie nationale. Non, cette liste officielle obtenue par Algérie Part au cours de ses investigations, contient uniquement les noms de journalistes, militants et activistes du Hirak ou de quelques partisans du Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie (MAK). 

En effet, sur cette liste, nous avons trouvé les noms du journaliste et opposant Hichem Aboud, né le le 15-06-1955. Le nom d’Amir Dz, Youtubeur et Facebooker recherché et réclamé par les autorités algériennes depuis 2018/2019, est également clairement mentionné. Il s’agit d’Amir Boukhors, né le 30-06-1983 à Oran. Le rédacteur en chef du site Algérie Part, Abdou Semmar, est également cité dans cette liste des personnes dont l’Algérie réclame l’extradition ou l’expulsion du territoire français.

Plusieurs autres militants politiques sont recherchés par les services de sécurité algériens. Il s’agit de Yahia Mekhiouba, membre actif du mouvement Rachad, né le 27-12-1969 à El-Harrach. C’est le cas aussi de Nait Ouslimane Karim né le 02 août 1984 à Ain El Hammam, présenté par les services de sécurité algériens comme l’un des responsables du mouvement Rachad. Nazim Taleb, né le le 25-08-1978 à Tlemcen, est lui-aussi recherché par les autorités algériennes pour son militantisme au sein du mouvement Rachad.

Le Youtubeur Mohamed Ilyes Rahmani, né le 27-12-1969 à Annaba, figure sur cette liste expédiée par les services de sécurité algériens aux autorités françaises. Force est de constater que cette liste contient les noms de plusieurs autres activistes politiques comme Chawki Benzehra, né le 23-03-1991 à Jijel,  un activiste politique algérien qui vit à Lyon, en France. Depuis le début du mouvement du Hirak, il s’est distingué par ses interventions sur les réseaux sociaux.

Il y a aussi le nom de  Mourad Bouakaz, né le 22-08-1990 à Oran,  présenté comme un ancien informateur des services secrets algériens. Il avait témoigné en décembre 2014 au cours d’un reportage télévisé en France dans l’affaire de l’assassinat des moines de Tibhirine en 1995. Il avait mis en cause certains responsables des services secrets algériens.

Notons que plusieurs militants et cadres du MAK sont dans le collimateur des services de sécurité algériens. Sur cette liste récemment communiquée aux autorités françaises, il y a le nom de Hanafi Ferhouh, né le 02-02-1991 à Tizi-Ouzou, qui avait été en 2019 nommé Chargé de l’organique auprès du président du MAK.

Des sources sécuritaires bien introduites au sein de la DGSN ont certifié à Algérie Part que des documents ont été joints à cette liste remise officiellement aux autorités françaises. Ces documents détaillent et énumèrent des accusations graves d’atteinte à la sûreté de l’Etat algérien et de complots contre la sécurité nationale. Certaines de ces personnes recherchées sont tout bonnement accusées par les autorités algériennes de « terrorisme » ou de participation active à une  » action terroriste ».  Les services de sécurité algériens ont demandé, par ailleurs, à leurs homologues français des informations précises et des renseignements détaillés sur les activités professionnelles ou privées, les adresses de domiciles et les modes de vie de ces personnes activement recherchées par l’Algérie.

Les informations du site Algérie Part que Mondafrique n’a pas pu recouper pour l’instant s’inscrivent dans les nouvelles orientations répressives du régime algérien. La volonté des militaires est aujourd’hui de criminaliser le mouvement social du Hirak qui, depuis plus de deux ans maintenant ,a fait descendre dans les rues d’Algérie des millions de manifestants qui réclament désormais « un État civil et non militaire ».

Il s’agit pour les autorités algériennes de convaincre leurs interlocuteurs étrangers, notamment français, que les activistes du Hirak sont de simples « terroristes ». La plupart des réfugiés politique dont l’Algérie demande l’extradition se réclament du mouvement islamiste « Rachad », fort influent aujourd’hui au sein des mobilisations populaires et dont plusieurs centaines de militants sont emprisonnés en Algérie, souvent torturés, sans pour autant être traduits devant des tribunaux.

Il reste que ce mouvement héritier d’une partie du Front Islamique de Salut (FIS), légalisé après Octobre 1988 puis écrasé sous la décennie noire (1992-198), ne revendique pas la violence comme levier pour mettre fin au régime en place et tente un compromis avec d’autres forces politiques non religieuses. Les dirigeants de ce mouvement, souvent très éduqués, tentent une synthèse entre certaines formes de modernité, des valeurs islamiques traditionnelles et une forme de fidélité au nationalisme algérien. 

La propagande des services algériens qui présente tout opposant comme un « terroriste » en puissance est à l’image d’un régime qui a perdu toute véritable légitimité, y compris dans les casernes où une partie des officiers de catégorie intermédiaire n’est plus vraiment solidaire avec le haut commandement, lui même très divisé. Le journal « El Watan » a recensé pas moins d’une trentaine de généraux placés en détention depuis la fin de la présidence d’Abdelaziz Bouteflika en 2019. Ce qui témoigne des fractures au sein d’une institution militaire qui est la seule aujourd’hui à représenter ce qui reste de l’État. 

Le gouvernement espagnol a cédé, au mépris de l’état de droit, aux pression du pouvoir algérien en extradant un ancien officier de gendarmerie devenu opposant qui avait dénoncé sur les réseaux sociaux les trafics divers auxquels se livre une partie des gradés algériens. Il faut souhaiter que le gouvernement français ne suivra pas ce mauvais exemple en prenant le risque de se couper d’une grande majorité du peuple algérien et de ses relais au sein de la diaspora, qui ne se reconnaissent plus dans les pratiques autoritaires d’un autre âge.

                                    La rédaction de Mondafrique   

*Source : Algerie Part

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