Niger, l’internationalisation de la crise embrase l’Afrique de l’Ouest

Les chefs d’état-major d’Afrique de l’Ouest sont actuellement réunis à Abuja, au Nigeria, pour décider du sort qu’ils réserveront à la junte au pouvoir à Niamey depuis le renversement du Président Mohamed Bazoum, le 26 juillet.

Sous l’impulsion du Président nigérian, qui tente d’imposer son leadership dans la région à la faveur de cet événement, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) s’est ralliée à des sanctions économiques très dures contre le Niger et menace ce pays d’une intervention militaire pour restaurer le Président déchu dans son fauteuil. La situation se dénouera dimanche à l’expiration de l’ultimatum d’une semaine décrété par les chefs d’Etat d’Afrique de l’Ouest.

Jamais dans leur histoire, la CEDEAO et l’UEMOA (l’Union économique et monétaire d’Afrique de l’Ouest), n’ont été aussi près d’imploser. Au-delà de l’autorité des deux instances régionales, c’est leur légitimité politique qui se joue désormais, avec un risque d’effet domino potentiellement mortel pour la région, à l’instar de l’onde de choc provoquée par la guerre en Libye en 2011.

En effet, les textes de la CEDEAO ne prévoient pas le moindre pouvoir de sanction contre ses membres. La suspension ou l’exclusion de l’organisation sont ses seuls moyens d’action en cas de litige. Pour contourner cette limite, la CEDEAO se rallie aux sanctions économiques et monétaires prises par l’UEMOA par solidarité politique. Ces deux organisations, désormais perçues par la foule africaine comme des syndicats de chefs d’Etat de plus en plus vomis, risquent bien de ne pas survivre à la crise actuelle.

Une région profondément divisée

Les autres pays de la région dirigés par des militaires, le Mali, le Burkina Faso et la Guinée ont déjà haussé le ton, déclarant publiquement qu’une intervention militaire au Niger serait interprétée par eux comme une déclaration de guerre.

Les Etats côtiers, plus au sud, restent apparemment dans le giron «démocratique» mais cette acception recouvre une réalité de façade. Le vrai sujet qui se débat dans les bureaux climatisés des présidences ouest-africaines n’est pas la démocratie et encore moins le droit des peuples. C’est plutôt leur inscription dans un rapport de force ultra-polarisé imposé de l’extérieur.   

Alassane Ouattara serait l’âme de cette dynamique, mobilisé par Paris d’autant plus facilement que la Côte d’Ivoire, cette fois, n’est pas touchée par les sanctions, faute de frontière commune avec le Niger, contrairement au Burkina Faso à l’endroit duquel Alassane Ouattara n’a jamais proposé de sanctions.  «Alassane Ouattara en fait une affaire personnelle», a déclaré un ancien dirigeant de la région évoquant les coups d’Etat du Mali et du Niger. «Pourtant, il n’y a aucun contentieux entre le peuple ivoirien et les peuples malien et nigérien. Il n’agit qu’au service des intérêts de la France.»

Le Bénin, qui constitue un corridor très actif du commerce de la côte vers le Niger et le nord du Nigéria, sera la première victime des sanctions économiques. C’est peut-être la raison pour laquelle Patrice Talon s’est éclipsé de la médiation qui lui avait été confiée par la CEDEAO.

Le Niger est, par ailleurs, voisin de deux des pays parias de l’UEMOA, le Mali et le Burkina Faso, avec lesquels il vient de rouvrir ses frontières. Il est bordé, au nord, par l’Algérie et la Libye et à l’est, par le Tchad, des pays qui n’appartiennent pas à l’organisation ouest-africaine et avec lesquels il continue à commercer librement.

L’Algérie hostile à une intervention militaire

La plus grande puissance militaire de la région, l’Algérie, a d’ailleurs exprimé ces dernières heures son refus d’une intervention militaire étrangère, tout en appelant les protagonistes au retour à l’ordre constitutionnel.

Dans un communiqué publié hier par le ministère des Affaires étrangères et de la Communauté nationale à l’étranger, Alger «renouvelle son profond attachement au retour à l’ordre constitutionnel au Niger et au respect des exigences de l’Etat de droit», mais insiste sur le fait que «le retour à l’ordre constitutionnel doit impérativement s’accomplir par des moyens pacifiques qui éviteront au Niger frère et à l’ensemble de la région un surcroît d’insécurité et d’instabilité et à nos peuples un surcroît d’adversité et d’épreuves.»

«En conséquence, l’Algérie met en garde et appelle à la prudence et à la retenue face aux intentions d’interventions militaires étrangères qui sont, malheureusement, considérées comme des options envisageables et utilisables alors qu’elles ne sont que des facteurs de complication et d’aggravation de la crise actuelle.»

Sans la nommer, Alger vise la France, dont chacun voit la main derrière le plan funeste en train de se dessiner.

Le contingent français en position délicate

La position de Paris est d’autant plus intenable que le contingent militaire français est déployé au Niger à l’invitation express des autorités de ce pays dans le strict cadre de la lutte contre le terrorisme. On voit mal l’armée française rester sur place après des menées hostiles contre l’armée nigérienne supposée être sa partenaire dans la fraternité d’armes chantée à longueur de journée par les généraux français.

«C’est à cause de cette troupe sur le sol nigérien que la France est enragée. Au lieu d’arranger ses affaires, la France est en train de se mettre à dos toute l’Afrique. Car la lecture que font les Africains d’un bout à l’autre du continent, c’est que la France joue les perturbateurs», regrette un leader politique nigérien.

Si l’option militaire de la France persiste, dissimulée derrière une intervention ouest-africaine, il faut craindre un embrasement général de la région, une destabilisation complète de l’Afrique de l’Ouest. «Ils ne pourront pas bombarder Niamey et tuer des gens sans qu’il y ait de réaction des peuples de la région», poursuit la même source. Une agression militaire de la France contre une armée africaine signerait la rupture durable du continent avec les Occidentaux. 

Une opération militaire vouée à l’échec

En effet, une intervention militaire à Niamey contre le Palais présidentiel ultra-bunkérisé n’a, de surcroît, aucune chance de réussir. Au contraire, elle mettra immédiatement en danger la vie du Président Bazoum qui y est retenu et déclenchera des mouvements de foule hostiles contre les représentations des pays impliqués avec les conséquences sanglantes qu’on peut imaginer.

Quelle que soit leur appartenance ethnique et politique, les Nigériens sont résolument patriotes et soutiennent l’armée nationale. Les organisations syndicales et politiques du Niger, ces dernières heures, ont toutes dénoncé l’approche militaire de la crise et appellent au sursaut patriotique. Seuls les caciques du parti rose renversé défendent encore un règlement par la force, sans sembler se rendre compte qu’ils seront les premières cibles de la foule en cas d’attaque. 

Niger : Les pressions s’accentuent sur les militaires

 

1 COMMENTAIRE

  1. Ce coup d’état a le soutien de la population et d’après ce que je sais, il s’est fait sans tueries. Je ne comprends pas cette réaction d’autres pays pour declancher une guerre (sanglante) au Niger. J’espère que tout ces intrus, laisseront les Nigériens suivre leur choix et ils verront d’eux mêmes si c’est mieux.

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