Sahel - Mondafrique https://mondafrique.com/tag/sahel/ Mondafrique, site indépendant d'informations pays du Maghreb et Afrique francophone Mon, 12 Aug 2024 01:29:48 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.2 https://mondafrique.com/wp-content/uploads/2017/11/logo_mondafrique-150x36.jpg Sahel - Mondafrique https://mondafrique.com/tag/sahel/ 32 32 La coke à tous les étages au Sahel https://mondafrique.com/economie/sahel-coke-a-tous-les-etages/ Mon, 12 Aug 2024 00:29:00 +0000 http://www.mondafrique.info/?p=3431 Un tiers de la cocaïne mondiale transite par l’Afrique. Sans que les occidentaux, pour l’instant, ne s’en soucient vraiment. A l’exception des Américains, qui veillent au grain notamment en Guinée Bissau et au Sénégal. Le Sahara a toujours représenté une formidable zone de passage pour d’innombrables négoces. Depuis les indépendances africaines, les produits de première […]

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Un tiers de la cocaïne mondiale transite par l’Afrique. Sans que les occidentaux, pour l’instant, ne s’en soucient vraiment. A l’exception des Américains, qui veillent au grain notamment en Guinée Bissau et au Sénégal.

Le Sahara a toujours représenté une formidable zone de passage pour d’innombrables négoces. Depuis les indépendances africaines, les produits de première nécessité, subventionnés par les Etats pétroliers libyen et algérien, étaient revendus au marché noir dans le reste de l’Afrique. Plus récemment, les routes de la contrebande ont été utilisées pour acheminer les armes, les pneus, les pièces détachées et les cigarettes. Les Touaregs ont été à l’avant-garde de ces convois qui leur permettaient d’assurer leur survie. Les mêmes pistes ancestrales sont empruntées aujourd’hui par les trafiquants de stupéfiants. A l’image des banlieues françaises les plus délaissées, gangrenées par le marché noir des drogues, mais à l’échelle d’une région semi-désertique de 8 millions de kilomètres carrés, ce commerce illicite constitue un formidable palliatif pour une économie en faillite.

Ces trafics juteux en direction de l’Europe, mais aussi de l’Egypte, du Moyen-Orient et jusqu’en Asie, représentent le fléau le plus grave de la zone sahélienne. Les cartels de la drogue bénéficient d’immenses complicités au sein d’administrations délabrées. Jusqu’à l’entourage de certains chefs d’Etat de la région, que cet argent facile a définitivement éloigné des réalités vécues par leurs peuples.

Premières alertes

Obsédée par les seuls djihadistes, la France n’a jamais pris la mesure de cette menace. Successivement ministre mauritanien des Affaires étrangères, ambassadeur de son pays aux Etats-Unis puis représentant de l’ONU en Afrique de l’Ouest en 2002 puis en Somalie en 2007, le Mauritanien Ahmedou Ould-Abdallah est catégorique :

« Les trafics de stupéfiants vont faire sauter le Sahel. Les rapports de l’ONU ont donné l’alerte dès le début des années 2000. Les Américains considéraient que les Européens Papa Hollande au Mali devaient agir. Mais ces derniers détournaient les yeux. »

Sollicité par les militaires français ou encore consulté par Elisabeth Guigou, alors présidente de la commission des Affaires étrangères, cet expert respecté avait été invité, à la fin du mois d’août 2012, à la traditionnelle Conférence des ambassadeurs qui réunit à Paris l’ensemble des représentants français à travers le monde.

Lors d’une discussion à bâtons rompus, quelques diplomates français l’interrogent sur les périls qui guettent l’Afrique.« La drogue, assène Ahmedou Ould Abdallah, est bel et bien le problème numéro 1 de la région. – Que voulez-vous dire ? Que faites-vous du problème terroriste au Sahel ? », s’étonne Jean-Félix Paganon, un vieux routier du Quai d’Orsay chargé du Sahel depuis le mois de juin 2012 jusqu’à sa mise à l’écart par Laurent Fabius qui le nomme ambassadeur au Sénégal.

« Naturellement, répond le diplomate mauritanien, les combattants d’Aqmi qui ont investi le nord du Mali représentent un véritable danger, mais les trafics de stupéfiants, qui financent le terrorisme, constituent la principale menace pour le Sahel. » Ces derniers mois, des mises en cause judiciaires se sont multipliées contre quelques très hauts dirigeants africains, notamment en Guinée-Bissau et au Sénégal. La pression de la Drug Enforcement Administration (DEA), la puissante administration américaine de lutte contre la drogue, a provoqué plusieurs arrestations spectaculaires. Le 18 avril 2013, Antonio Indjal, le chef d’état-major des armées de Guinée-Bissau, un pays livré aux mafias de la drogue, est inculpé par les Etats-Unis de complot de narcoterrorisme. Ce gradé est accusé par la DEA d’avoir conspiré pour stocker puis transporter des stupéfiants.

Deux semaines auparavant, l’ancien chef de la marine de Guinée, José Bubo Na Tchuto, avait été arrêté par la DEA au Cap-Vert, un autre pays africain connu pour accueillir de gros chargements de cocaïne, puis inculpé aux Etats-Unis. Enfin, le 25 juillet 2013, le chef de la police du Sénégal, Abdoulaye Niang, est relevé de ses fonctions par les autorités de son pays suite aux accusations d’un trafiquant notoire.

Du hash au crack-cocaïne

Les routes de la drogue évoluent en permanence. Les voies d’accès sont sans cesse modifiées. Autant hier, les ports africains de l’Atlantique et des aéroports improvisés dans le Sahara étaient privilégiés, autant aujourd’hui, le transport des stupéfiants se fait via des containers, par plus petites quantités. La première des drogues à transiter par le Sahel aura été le haschich. Le Maroc, avec 7,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 10% de son PIB, en est le principal fournisseur. Une partie de cette production prend la direction de l’Espagne, par des convois de trois ou quatre voitures baptisés « go-fast », pour gagner les banlieues françaises à vive allure. Le reste de la résine marocaine se dirige vers le sud du pays, puis vers le Mali, le Niger et le Bénin, pour rejoindre les destinations lointaines comme le Golfe et le Moyen-Orient.

En 2005, la cocaïne sud-américaine fait une entrée spectaculaire dans la région. Les cartels colombiens contournent les ports européens, trop contrôlés, pour transiter par l’Afrique sahélienne. La région présente plusieurs avantages : une population locale peu solvable et donc non consommatrice de cocaïne, des routes déjà tracées pour transporter des marchandises illicites, des Etats faillis qui ferment les yeux. Les trafiquants de Colombie et du Pérou ont racheté des îles entières en Guinée-Bissau, un Etat totalement mafieux où les trafiquants évoluent comme chez eux. Leurs avions chargés de drogue gagnent les pistes d’atterrissage que les Américains avaient construites pendant la Seconde Guerre mondiale. Le Nigeria et la Guinée-Conakry offrent également de nombreux ports d’accès hospitaliers pour les mafias en tous genres.

Rien qu’entre 2005 et 2008, 46 tonnes de cocaïne sont saisies en Afrique de l’Ouest. Ces chiffres ont quadruplé aujourd’hui. 40 tonnes de cocaïne sont destinées chaque année à l’Europe, qui représente 26% de la consommation mondiale et 34 milliards de dollars de chiffre d’affaires.

Après le haschich et la cocaïne, l’héroïne produite en Afghanistan commence à envahir, depuis 2009, les pays du Sahel. Cette fois, c’est l’Afrique de l’Est qui reçoit les containers venus d’Asie, d’après Pierre Lanaque, représentant de l’Office de l’ONU contre la drogue et le crime (ONUDC). D’après ce spécialiste, « des échanges héroïne contre cocaïne » se produisent « entre les groupes basés en Afrique de l’Est et ceux d’Afrique de l’Ouest ».

L’Afrique n’est plus seulement une zone de transit, mais aussi une zone de production. Cinq laboratoires de fabrication d’amphétamine à destination de l’Asie du Sud-est ont été démantelés au Nigeria, pays préféré des gangs de trafiquants.

La mondialisation de la voyoucratie précède de loin la prise de conscience des Etats démocratiques. Or le commerce de la drogue, avec les ressources occultes qu’il draine, est un terreau favorable au développement de mouvements violents. Ce n’est pas un hasard si c’est dans le premier pays africain producteur de drogues dures, le Nigeria, que le péril djihadiste, sous la forme du mouvement Boko Haram (« l’Education à l’occidentale est un péché »), est le plus palpable.

Des Etats passoires

Face à cette gangrène, les Occidentaux restent passifs. Lorsqu’un officier chargé de la lutte antidrogue raconte que Bamako est devenu la plaque tournante mondiale de la drogue lors d’un déjeuner à l’ambassade de France en 2007, personne ne réagit.

« Il nous faisait un tableau sidérant, explique Danièle Rousselier, à l’époque attachée culturelle à l’ambassade, les informations me paraissaient capitales, mais j’étais la seule à m’en émouvoir. Les télégrammes diplomatiques ne reprenaient guère ces informations. »

Du moins jusqu’à l’affaire connue, en 2009, sous le nom d’« Air cocaïne ».Un Boeing 727 avait décollé du Venezuela pour atterrir à Tarkint, au nord de la ville de Gao. L’avion aurait transporté entre deux et dix tonnes de cocaïne et sera détruit en plein désert après avoir été vidé de sa cargaison. Les Maliens soupçonnés sont immédiatement blanchis par la présidence. Certains sont même promus au Haut Conseil territorial, l’équivalent de notre Sénat. En 2011, deux ans après les faits, un malheureux français est arrêté, sans preuve. Son tort est de s’être rendu à l’aéroport de Bamako et de s’être intéressé à l’heure d’arrivée de ce fameux avion, qui devait finalement être détourné. La diplomatie française s’est mobilisée pour faire relâcher ce bouc émissaire.

Personne ne peut ignorer que des passerelles existent au Mali entre les plus hautes autorités des Etats, les cartels de trafiquants et les « narcoterroristes » qui financent leur djihad avec la dîme qu’ils prélèvent sur ces convois clandestins.

Un document des douanes maliennes fort instructif datant de 2012 illustre bien, à lui seul, les connivences de l’administration locale avec les trafics. Le bilan des saisies de stupéfiants, tel qu’il a été transmis à l’Organisation mondiale des douanes, n’est pas lourd. En une année, seize saisies seulement ont été effectuées, dont onze de cannabis et une seule de cocaïne, pour un poids total de 784 kilos.

Après les interpellations, la moitié seulement des trafiquants a été retenue. Ce bilan est dérisoire lorsqu’on sait que désormais, près d’un tiers de la cocaïne mondiale transite par le Sahel.« Le trafic a érodé le système douanier en raison de la corruption et de la collusion entre les contrebandiers et les officiels », écrit Wolfram Lacher dans une passionnante étude de la Fondation Carnegie datant de septembre 2012.

Sur le territoire algérien que sillonnent de nombreuses cargaisons de stupéfiants, les contrôles sont légers et la répression rare. Les trafiquants s’approvisionnent en carburant pas cher en traversant la frontière qui sépare le Mali et la Mauritanie de l’Algérie, sous l’œil bienveillant de militaires algériens.« Nous infiltrons les réseaux de trafiquants aussi bien en Mauritanie qu’au Mali, explique un diplomate algérien. Il faut éviter que les trafiquants ne s’érigent en contre-pouvoir face aux Etats. Le deal est clair : vous ne faites pas de politique, et nous fermons les yeux sur vos trafics.»Accessoirement, le partage des profits permet aux militaires relégués dans le Sud algérien d’arrondir leurs fins de mois. Dans son roman policier « Panique à Bamako », le corrosif inventeur des SAS, Gérard de Villiers, est un des rares à lâcher le morceau avec l’humour qui est le sien.

Une Algérienne généreuse de ses charmes, Malika Ahmar, constitue le lien entre les trafiquants de drogue et les militaires algériens. Le célèbre héros de son livre, Malko, tombe sous le charme de cette correspondante du DRS (services algériens). Le créateur de SAS puise ses informations, depuis des années, auprès d’éminentes personnalités des services français. Le rôle des Algériens dans ces trafics n’est pas le seul fruit de son imagination.

Complicités mauritaniennes

La Mauritanie profite des retombées de l’économie de la drogue davantage encore que l’Algérie. L’implication des plus hauts dirigeants dans de telles mafias ne date pas d’aujourd’hui. Durant la dictature d’Ould Taya, qui régna de 1984 à 2005, le pouvoir prélevait sa dîme sur l’ensemble des trafics qui avaient lieu en territoire mauritanien, haschich, armes et cigarettes. Cet « impôt » alimentait une cagnotte secrète qui permettait au chef de l’Etat d’acheter la paix sociale lorsque certaines tribus commençaient à bouger.

Dès la fin des années 90, des accords s’étaient dessinés entre des représentants du régime mauritanien, les djihadistes algériens, regroupés à l’époque au sein du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), et les combattants du Polisario, las de cette guerre sans fin avec le Maroc pour la reconquête du Sahara.

Après le coup d’Etat en 2005 contre le dictateur corrompu qu’était Ould Taya, les arrestations de trafiquants se sont multipliées. Trois ans plus tard, l’arrivée au pouvoir du général Aziz, qui fit ses classes à l’époque de la dictature, se solde par l’élargissement des principaux suspects.

« Durant l’année 2010, écrit le chercheur Simon Julien, les autorités mauritaniennes ont opéré près de 276 arrestations de trafiquants de drogue, dont 202 ressortissants étrangers. Pourtant les 103 opérations de police menées n’ont permis la saisie que de 20 kilogrammes de cocaïne et de 1,2 tonne de chanvre indien. »

C’est peu ! Les « mafias d’Etat », comme les appelle notre chercheur, sont constituées « de segments venus du monde des affaires, de la haute administration, de la parentèle et du premier cercle d’amitié du président et de personnes issues du monde politique ». Ces réseaux sont pour beaucoup dans l’impunité générale qui se manifeste à Nouakchott. Le 15 février 2011, Aziz libère par décret plusieurs trafiquants, dont Eric Walter Amegan, extradé du Sénégal vers Nouakchott où il devait être jugé. Le décret présidentiel du 15 février 2011, fait étrange, n’est jamais paru au Journal officiel.

Un autre trafiquant notoire, Sidi Ahmed Ould Taya, officiellement commissaire de police chargé de la coordination avec Interpol, est lui aussi relâché, à la demande de la présidence.

Interrogé sur la situation au Sahel sur la chaîne Arte, le député écologiste Noël Mamère affirmait que le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz était impliqué dans des affaires de trafic de drogue :« Est-ce que vous imaginez que les djihadistes vont disparaître et qu’ils ne vont pas se réfugier en Mauritanie, où il y a un président qui est le parrain d’un trafic de drogue par exemple ? »Cette déclaration fracassante a fait l’effet d’une bombe en Mauritanie. Interrogé par le site mauritanien d’information Mauriweb, le député français réitère ses accusations :« Les propos que j’ai tenus concernant le président de la Mauritanie ne font que confirmer ce qui est de notoriété publique. » Ainsi par exemple les relations du président mauritanien avec Hamdi Boucharaya, consul général de Guinée-Bissau, plaque tournante du trafic de la région, sont avérées.« On ne compte plus, poursuit Noël Mamère, les visites de ce dernier au palais présidentiel de Nouakchott. C’est véritablement un secret de polichinelle que de savoir qu’il a pignon à la présidence mauritanienne et que le président Aziz ne lésine pas sur les marchés publics attribués en sa faveur. »Et ce n’est pas tout. Le 15 décembre 2010, Aziz avait reçu officiellement Antonio Indjai, l’actuel chef d’état-major des armées de Guinée-Bissau, inculpé officiellement par la DEA le 18 avril 2013 pour trafic de drogue et d’armes.

Si la France s’était intéressée un peu au marché de la drogue au Sahel, l’ignorance des services de l’Etat serait moins grande sur l’acheminement de stupéfiants sur le marché hexagonal.

« Au fond, reconnaît un des patrons des douanes à Bercy, nous ignorons comment les drogues parviennent d’Afrique vers leur destination finale en Europe. Nous savons que le Sahel est approvisionné depuis le Maroc ou l’Amérique du Sud. Il faudrait chercher par quelles voies ces cargaisons arrivent sur le marché européen via l’Espagne, les Balkans, la Grèce, à l’exception du haschich marocain qui est bien tracé. Le port de Marseille, par exemple, est une véritable boîte noire. »

Dans la cité phocéenne, la plupart des règlements de compte sanglants (vingt-quatre victimes pour la seule année 2012, un nombre équivalent d’assassinats pour l’année 2013) sont dus à des guerres de territoires entre gangs de trafiquants. La fin de l’impunité pour les assassins qui courent les rues marseillaises commence par le renforcement de la lutte contre les grandes mafias sahéliennes, dont la France est un des débouchés.

Encore faudrait-il connaître les routes que prend la drogue. Or, confronté à la rigueur budgétaire, le ministère de l’Intérieur stabilise les effectifs de l’Office central de répression du trafic illicite de stupéfiants (OCTRIS) et réoriente les enquêteurs vers le travail de terrain dans les banlieues. La décision, voici deux ans, d’envoyer un douanier français dans chacune des capitales du Sahel, Bamako, Niamey et Nouakchott, constitue une initiative dérisoire face à l’ampleur des trafics et à l’impuissance des États concernés. Le gouvernement français doit admettre l’idée simple que les stupéfiants n’arrivent pas de nulle part.

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Le Niger franco-américain, un fantasme déçu https://mondafrique.com/libre-opinion/le-niger-franco-americain-un-fantasme-decu/ Tue, 02 Apr 2024 20:40:12 +0000 https://mondafrique.com/?p=107192 Dans cette tribune, l’économiste Olivier Vallée observe, à travers la main tendue marocaine aux Etats du Sahel, l’échec de l’offre occidentale à ces pays et le retour d’une dynamique géographique très ancienne. Un journal français reconnu (« L’Opinion ») publiait le 19 mars 2024 un article sur la fin de la coopération militaire entre le Niger et […]

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Dans cette tribune, l’économiste Olivier Vallée observe, à travers la main tendue marocaine aux Etats du Sahel, l’échec de l’offre occidentale à ces pays et le retour d’une dynamique géographique très ancienne.

Un journal français reconnu (« L’Opinion ») publiait le 19 mars 2024 un article sur la fin de la coopération militaire entre le Niger et les Etats-Unis d’Amérique. Le titre et le sous-titre sont sensationnels : «Comment les Etats-Unis ont subi une humiliation sans précédent au Niger. La junte au pouvoir a mis fin à sa coopération avec l’armée américaine. Washington, qui doit évacuer ses bases militaires locales, accuse Niamey de vouloir fournir de l’uranium à l’Iran. » A la suite de cette version dramatique d’une rencontre mal préparée par la partie américaine, l’article rappelle la clairvoyance française sur le nouveau pouvoir nigérien, clairvoyance dont auraient dû s’inspirer les diplomates et généraux américains.

Hors les camouflets et le gâchis, essayons de regarder sans pathos postcolonial la cessation de la coopération militaire entre le Niger et les Etats-Unis d’Amérique (EUA). Le rappel et la prise en compte de son contexte peuvent aider. La décision de l’exécutif nigérien a été communiquée suite à la visite à Niamey d’une délégation à laquelle étaient associés le chef du commandement militaire américain pour l’Afrique (Africom), le général Michael Langley, et la secrétaire adjointe à la Défense pour les affaires de sécurité internationale, Celeste Wallander. Le 16 mars, le colonel Amadou Abdramane, porte-parole de la junte, a annoncé que Niamey venait de décider, « en toute responsabilité » et en «prenant en compte les aspirations et les intérêts de son peuple» de «dénoncer avec effet immédiat l’accord relatif au statut du personnel militaire des États-Unis et des employés civils du département américain de la Défense sur le territoire du Niger ».

Le nouveau pouvoir à Niamey attendait l’incident que les Américains leur offriraient tôt ou tard pour exprimer leur mécontentement. Le Niger disposait depuis plusieurs mois de tous les éléments sur l’implication franco-américaine dans la tentative d’évasion du Président déchu Mohamed Bazoum, en octobre. Il a également présenté au général américain Michael Langley, pendant qu’il faisait son numéro antiterroriste au tableau, le relevé des vols américains non déclarés dans l’espace aérien du Niger.

Ces survols du Niger et du Bénin sans autorisation de Niamey inaugurent peut-être la future mutualisation des bases africaines entre Français et Américains, un projet pilote qui réunit les deux Etats membres de l’OTAN responsables de l’attaque contre la Libye ayant abouti il y a treize ans à la déstabilisation de l’ensemble du Sahel.

Cette alliance franco-américaine peut être d’autant plus considérée comme une menace directe contre le Niger et l’Alliance des Etats du Sahel que la France a implanté une base dans le nord du Bénin.

La précieuse base d’Agadez 

L’effort financier américain négocié pour la base d’Agadez restait bien en dessous de qui est dépensé par l’US Department of Defense (US DOD) à Djibouti. Pourtant, cette base militaire américaine dans le nord du Niger permettait de couvrir l’espace aérien de tout le Soudan central, de la Libye à la Mauritanie. Ce dernier pays, comme le Bénin, devrait recevoir des éléments franco-américains, d’autant plus que la fermeture attendue de la base française de Dakar donnera à la Mauritanie un poids décisif dans le domaine aéro-naval. Le souci des Etats-Unis quant à l’uranium que Niamey pourrait fournir à l’Iran rappelle les accusations américaines, il y a plus de vingt ans, de livraisons d’uranium enrichi à l’Irak. Fantaisie ou mauvaise foi, quand on sait qu’à l’époque toute la production était sous le contrôle d’Areva. L’uranium nigérien est encore exploité par des compagnies étrangères. Après le départ d’Areva, exigé à présent, il sera pertinent peut-être d’observer les destinations de l’uranium nigérien.

Les furieux du côté français proclament que l’uranium nigérien n’est pas nécessaire à la France. Pourquoi alors serait-il indispensable à Téhéran qui enrichit le minerai depuis plus d’une dizaine d’années ?

Le divorce consommé entre l’AES et le tandem franco-américain n’est pas un incident diplomatique dont découleraient toutes les aventures. Comme tout divorce, il s’agit d’un échec de la relation entre les partenaires et de la découverte d’autres perspectives plus prometteuses. L’OTAN a échoué à répéter l’agression contre la Libye de 2011. La machine infernale de la belligérance à travers la CEDEAO n’a pas fonctionné en 2023.

OTAN : out of Africa ?

La fin de la base 201 signale l’échec de l’OTAN à établir un pacte réel de sécurité avec les pays africains. Toute association militaire de deux États, quelle que soit l’asymétrie de puissance, demande des objectifs stratégiques communs. Ni l’OTAN ni l’UE ne dévoilent leurs objectifs et ne partagent réellement leurs moyens avec les pays africains. Cela explique d’ailleurs l’incapacité franco-américaine à définir doctrine et tactique en matière de contre-insurrection.

Si la Russie et la Turquie sont présents au Niger, c’est à travers la livraison effective de radars, de matériel d’écoute et de drones. Voilà un autre reflet de la déficience des centres de réflexion militaire que les Franco-américains ont mis en place il y a plus de vingt ans. Depuis sa création en 1999, le Centre américain d’études stratégiques de l’Afrique a été impuissant à définir une politique cohérente des États-Unis à l’égard de l’Afrique en matière de sécurité. De son côté, le Centre franco-africain d’études stratégiques préfère s’intéresser au phénomène de la migration en tant que préoccupation stratégique pour l’espace géographique dans lequel le centre opère (Europe et Afrique). Le Centre Maghrébin d’Études Stratégique à Nouakchott, en Mauritanie, se consacre, lui, aux « effets pervers du terrorisme dans le Sahel sur la région du Maghreb». On présente donc comme naturel pour les centres d’organiser des séminaires, des dialogues et des réunions à ce sujet comme à celui des migrations vers l’UE. Bon moyen de drainer des subventions européennes tout en passant à côté de la mutation des sociétés dans l’ensemble du Sahel.

L’OTAN n’est pas désavoué comme appareil politico-militaire mais comme symbole de l’ordre néo-libéral occidental. Cette norme de l’Occident apparaît, aux pauvres et aux jeunes, dans toutes ses contradictions. Les droits de l’homme, la libération de l’ex-Président Bazoum, la démocratie et sa farce électorale, l’ensemble du discours de l’Occident a cessé d’être crédible. 

L’alternative atlantique ?

L’OTAN est la quintessence de ce qu’Edward Saïd nomma l’occidentalisme. En effet, le traité instituant l’OTAN vise l’Atlantique nord mais cette alliance incarne le bloc des pays jadis en lutte contre le communisme et à présent contre la Russie et l’Islam politique. En dépit de ces hiatus et de ces écarts, l’Atlantique parait encore offrir le barycentre d’une coalition d’intérêts occidentaux qui s’estime porteuse d’intérêts universels. La tentation de regrouper de nouveaux alliés dans cette mission a été matérialisée en 2023 par le Partenariat américain pour la coopération atlantique. Cette nouvelle instance multilatérale rassemble un nombre sans précédent de pays côtiers de l’Atlantique, en Afrique, en Europe, en Amérique du Nord, en Amérique du Sud et dans les Caraïbes ((Angola, Argentine, Brésil, Canada, Cap-Vert, Costa Rica, Côte d’Ivoire, Dominique, Espagne, Etats-Unis, Gabon, Gambie, Ghana, Guatemala, Guinée, Guinée équatoriale, Guyana, Irlande, Islande, Liberia, Maroc, Mauritanie, Nigeria, Norvège, Pays-Bas, Portugal, République du Congo, République dominicaine, Royaume-Uni, Sénégal, Togo et Uruguay).

Le Pacte atlantique suppose :

– Un engagement à respecter le droit international, et notamment la Charte des Nations unies, afin de promouvoir un Atlantique ouvert dans lequel les États atlantiques sont libres de toute ingérence, coercition ou action agressive.

– Un engagement à respecter les principes d’égalité souveraine, d’intégrité territoriale et d’indépendance politique des États, entre autres.

Le Soudan central est exclu de cette alliance américaine pour l’Atlantique. Le Soudan central est pourtant, dès le XIIe siècle, le berceau de l’islamisation de l’Afrique et de son organisation politique à travers le mouvement des sociétés, à partir du Fezzan vers les zones plus humides et les terres plus fertiles. Le fleuve structurant du Soudan central est le Niger qui se jette dans l’Atlantique. Le Soudan central dessine donc une zone qui part du sud de la Libye et qui s’étend jusqu’au nord du Nigéria, englobant le Niger actuel, le Tchad et une partie du Mali. Les colonialismes britannique et français s’affrontèrent dans cet espace pour la conquête du lac Tchad.

L’Alliance des États du Sahel qui regroupe, depuis 2023, le Burkina Faso, le Mali et le Niger se situe dans l’espace politique et historique du Soudan central, bien antérieur au couple franco-américain qui se bâtit difficilement après 1945. Le Tchad est également concerné par l’ensemble ancien et contemporain du Soudan central. Ainsi se dessine un véritable espace cardinal en Afrique. Entre Maghreb et Nigéria, entre Atlantique et Soudan oriental.

 

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Un conseil de défense sur l’incertaine stratégie française au Sahel https://mondafrique.com/a-la-une/serie-barkhane-volet-5-un-grand-flou-sur-la-strategie-francaise-au-sahel/ https://mondafrique.com/a-la-une/serie-barkhane-volet-5-un-grand-flou-sur-la-strategie-francaise-au-sahel/#comments Wed, 15 Nov 2023 08:19:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=71422 L'idée que le Niger devrait jouer un rôle clé dans ce nouveau dispositif militaire au Sahel, avancée avant l'été, a été mise à mal naturellement avec la prise de pouvoir à Niamey d'une junte militaire hostile à la présence française.

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Lors d’un récent conseil de défense tenu le 14 novembre, Emmanuel Macon, a tenté avec les chefs de l’armée française, d’imaginer un  nouveau dispositif militaire de voir comment poursuivre et même étendre la guerre contre les djihadistes en Afrique de l’Ouest.

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Les derniers soldats français ont évacué les camps de Tessalit, de Kidal, de Tombouctou, de Gossi et de Menaka depuis la fin 2021. Celui de Gao, qui fut pendant près de neuf ans la principale base de Serval, puis de Barkhane, fut le dernier basion militaire malien à être occupé par l’armée française. Située dans l’enceinte de l’aéroport de la cité des Askias, il accueillait un millier de militaires, le gros de ses véhicules et une partie de son commandement. 

L’idée que le Niger devrait jouer un rôle clé dans ce nouveau dispositif militaire au Sahel, avancée avant l’été, a été mise à mal naturellement avec la prise de pouvoir à Niamey d’une junte militaire hostile à la présence française. C’était du Niger que devaient décoller  les avions de chasse et les drones. Le Niger était destiné à devenir le nouvel épicentre de la lutte antiterroriste de la France, le président Mohamed Bazoum le souhaitait qui estimait que son pays a besoin de l’aide de ses partenaires pour lutter contre les djihadistes. Il l’assénait lorsqu’il était ministre des Affaires étrangères, le rappelait quand il était à la tête de l’Intérieur, et le répètait lorsqu’il occupa le palais présidentiel. On en est pluslà !

La Côte d’Ivoire, le Togo et le Bénin, nouvelles cibles

L’activisme militaire de la France va s’étendre – de même que les groupes djihadistes étendent leur influence. Ainsi, les pays côtiers du Golfe de Guinée devraient à leur tour entrer dans le dispositif antiterroriste imaginé par la France, et notamment la Côte d’Ivoire, le Togo et le Bénin, trois pays du pré carré qui sont de plus en plus menacés par les djihadistes. Le Bénin, dont la frontière avec le Burkina, au nord, est aujourd’hui infestée de djihadistes (tout l’est du Burkina échappant au contrôle des autorités burkinabé), a subi de nombreuses attaques ces derniers mois et s’inquiète. La Côte d’Ivoire et le Togo aussi, bien que la menace soit moins pressante et les attaques plus rares. De même que le Ghana. Demain, le Sénégal et la Guinée pourraient à leur tour être touchés, les djihadistes se rapprochant de leurs frontières (des attaques ont été menées dans les régions maliennes de Kayes et de Bougouni). Tous ces pays comptent sur la coopération de la France pour faire face à l’avancée des groupes armés. Mais on ignore encore pour l’heure quelle forme prendra cette coopération. Verra-t-on des soldats français se battre au sol avec les militaires béninois, togolais et ivoiriens ? Ou la France se contentera-t-elle de fournir du renseignement, d’appuyer les armées depuis les airs, et de les former à la lutte antiterroriste dans la toute nouvelle Académie internationale de lutte contre le terrorisme située à Jacqueville (en périphérie d’Abidjan), sur une superficie de 1 100 hectares, qu’elle a en partie financée ? « C’est précisément de tout cela dont nous discutons », indique la source diplomatique.

Les éléments de langage sont d’ores et déjà en place (et repris par nombre de médias) : la France ne décide plus seule, elle ne fait qu’accompagner ses partenaires dans une coopération vertueuse, c’est une nouvelle guerre qui débute. Ce nouveau dispositif pose cependant un certain nombre de questions. Que se passera-t-il lorsque des soldats français seront au sol sous le feu de l’ennemi ? Continueront-ils d’agir sous commandement du partenaire africain ou répondront-ils aux ordres directs de Paris ? Et quid des frappes aériennes, qui ont abouti à des victimes collatérales au Mali, et qui risquent de se multiplier à l’avenir, puisque la France continue de s’équiper en drones armés et de les envoyer au Sahel ? Qui décidera de frapper : la France ou le partenaire ? Et sur la base de quel renseignement ? Et enfin, en quoi ce dispositif serait plus efficace que le précédent ?

Un examen de consciences qui tarde

Nombre de chercheurs rappellent que Barkhane a échoué à vaincre les djihadistes en partie parce que le tout-militaire était privilégié et que trop peu de place était accordée aux enjeux politiques, économiques et sociaux, ou encore aux négociations avec les groupes armés. Dans une tribune publiée le 7 juillet dernier dans Le Monde, un collectif d’experts (chercheurs, journalistes, militants) appelle à plus de transparence et de consultation publique sur la politique que mène la France au Sahel, mais aussi à « tirer les leçons des manquements et des revers de son approche, qui aura été principalement structurée autour d’une dimension militaire et sécuritaire, sans prise en considération suffisante des racines politiques et sociales de la crise ».

Officiellement, la France refuse de reconnaître qu’elle a échoué au Sahel. Elle continue de penser que les critiques des populations sahéliennes sont entretenues (voire financées) par ses ennemis – la Russie notamment. Elle refuse ainsi de voir que la présence militaire de soldats français dans la région est de moins en moins acceptée dans ces pays, qu’elle suscite de plus en plus d’interrogations et de critiques. Or avec son nouveau dispositif, elle sera certes moins visible (sur le modèle des Américains qui sont très discrets sur le continent, malgré une présence militaire importante), mais personne n’est dupe : elle continuera de jouer un rôle central. Non seulement elle conserve ses bases historiques au Sénégal, en Côte d’Ivoire et au Tchad (qui toutes jouent un rôle important au Sahel), mais en plus, elle pourrait s’implanter encore un peu plus dans des pays où ses militaires étaient sinon absents, du moins peu nombreux, comme au Bénin ou au Togo.

Ceux qui estiment que cette présence militaire est un des marqueurs de la perpétuation de la Françafrique en sont pour leur frais : le départ des militaires français de l’Afrique de l’Ouest n’est pas pour demain

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Le Sahel se veut uni sur le front de l’énergie https://mondafrique.com/a-la-une/les-etats-du-sahel-se-veulent-unis-sur-le-front-de-lenergie/ Mon, 13 Nov 2023 06:46:01 +0000 https://mondafrique.com/?p=99977 Il y a près de deux mois et demi, la Présidence de la République du Niger se félicitait de la signature historique de la Charte du Liptako-Gourma le 16 septembre 2023 à Bamako, instituant « l’Alliance des États du Sahel (AES) » Et d’ajouter : « Ensemble, nous bâtirons un Sahel pacifié, prospère et uni […]

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Il y a près de deux mois et demi, la Présidence de la République du Niger se félicitait de la signature historique de la Charte du Liptako-Gourma le 16 septembre 2023 à Bamako, instituant « l’Alliance des États du Sahel (AES) » Et d’ajouter : « Ensemble, nous bâtirons un Sahel pacifié, prospère et uni ». Cette alliance commence à prendre frme dans le domaine de l’énergie. Un réseau électrique de transport d’envergure régionale dit « dorsale trans-sahélienne » est à l’étude

Un article d’Olivier Vallée pour « le Spinx », notre excellent confrère malien

https://lesphinx.info/

Ali Lamine Zeine, le Premier ministre nigérien

La France et la CEDEAO ont perdu la bataille militaire et morale contre le Niger. L’armée la plus puissante de la CEDEAO, celle du Nigeria, s’est montrée incapable d’aligner 20 000 soldats à la frontière du Niger alors qu’elle serait la quatrième armée africaine après l’Égypte, l’Algérie et le Mali. Son président Tinubu a été condamné à 460 000 USD d’amende aux Etats-Unis en 1993 pour trafic de drogue et blanchiment d’argent sale. Les généraux nigérians sont poursuivis pour corruption, y compris le major-général Abdullai Iyanda Muraina.

Les adversaires de la junte nigérienne sont peu reluisants. Alassane Ouattara, du haut de ses 81 ans, a été élu en 2020 par 94% des voix, etc. A présent les États de l’AES se doivent de trouver, face à l’adversité de l’extérieur, en dépit de la guerre des mots et des chiffres, des ressources éthiques endogènes pour faire front. 

«L’Alliance des États du Sahel (AES)» est aujourd’hui le véritable enjeu de ces trois pays après leur exclusion de fait de l’UEMOA. Il y a quelques mois, dans ces colonnes, j’appelais à sauver et Bazoum, la paix, et l’intégration régionale avec une commission de l’UEMOA revigorée et dévouée à l’établissement d’infrastructures communes,  d’interconnexion électrique en particulier. 

Le Mali menacé par lui-même ?

Le Mali, dépourvu pour l’instant en énergie fossile, avait pu, au fil des ans, disposer d’une capacité de production électrique soutenue par l’interconnexion avec les pays voisins. Peu de jours avant le coup d’État au Niger, les bailleurs de fonds souscrivaient au financement d’un vaste projet d’interconnexion. Les partenaires au développement ont en effet, le 17 juillet 2023, annoncé leur soutien au financement du projet d’interconnexion électrique entre la Mauritanie et le Mali. D’un montant total estimé à 900 millions USD, ce projet devrait permettre à 620 000 personnes dans les deux pays d’avoir accès à l’électricité. Il a poursuivi une initiative, qui semble baroque à présent, de faire du G 5 Sahel le tuteur militaire et énergétique d’États pourtant souverains. Le Conseil d’administration de la Banque africaine de développement avait approuvé un financement de 379,6 millions de dollars pour financer «Desert to Power» pour les pays du G5 Sahel : Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad. La Facilité de financement visait à aider les cinq pays du G5 Sahel à adopter un mode de production d’électricité à faible émission en exploitant l’abondant potentiel solaire de la région. 

Le projet actuel d’interconnexion sera davantage le maillon essentiel du réseau électrique de transport d’envergure régionale dit « dorsale trans-sahélienne » dont les études sont en cours. Il permettra de relier la Mauritanie au Tchad en passant par trois autres pays, le Burkina Faso, le Niger et le Mali. La ligne de 225 kV pourrait autoriser également l’intégration de nouvelles centrales d’énergie renouvelable au réseau interconnecté de la sous-région. Le projet est financé (en principe) à hauteur de plus de 350 milliards de FCFA par l’Agence française de développement (AFD), la Banque africaine de développement, l’Union européenne, la Banque mondiale et le gouvernement fédéral du Nigeria. Aujourd’hui dans la volonté de sanction perpétuelle de l’AES, le président Macron, avec l’aide de Josep Borel, s’oppose au financement par l’UE d’une interconnexion Mauritanie-Mali. 

En attendant l’improbable interconnexion, la ministre malienne de l’Energie pourrait éviter de s’en prendre au personnel d’EDM et s’assurer que les détournements des flux pour les centrales et les stations-service vont cesser, en particulier à Bamako. Le trafic des citernes, des camions chargés de fuel et d’essence qui viennent du Sénégal pour alimenter les groupes électrogènes d’Energie du Mali sont connus depuis des années et ont enrichi les grands importateurs et les partis politiques au pouvoir. Il semble qu’à présent les nombreux délestages du pays sont occasionnés par un détournement sans mesure de l’approvisionnement par les citernes.

La cible nigérienne

Les adversaires du Mali semblent indifférents à la dégradation de l’offre électrique du Mali. Sans doute le pari d’un effondrement du régime actuel les réconforte. Cependant le Niger reste encore la première cible des critiques de Paris et de Bruxelles.  Ces acteurs extérieurs veulent un marché privé de l’électricité pour rentabiliser les investissements solaires fantaisistes qu’ils ont financés. La firme pétrolière chinoise d’État China National Petroleum Corporation (CNPC) a, pour sa part, réalisé les centrales électriques nécessaires au bon fonctionnement de ses installations pétrolières à Agadem ainsi qu’à la raffinerie de Zinder. La société mauritanienne Istithmar a mis en production en 2021 deux centrales électriques, dont une à Niamey de 89 MW et une autre de 23 MW à Zinder (deuxième plus grande ville du pays). Une centrale hybride (solaire et produits pétroliers) de 25 MW, entièrement financée par l’Agence française de développement (AFD) et l’Union européenne, est en cours de finition à Agadez. Une autre centrale solaire de 50 MW à Gorou-Banda, près de Niamey, a par ailleurs reçu des financements européens. Elle a été inaugurée début juillet 2023 en présence de Mohamed Bazoum et du représentant de l’Union européenne (UE), Josep Borrell. Ce dernier et Emmanuel Macron sont assez furieux de cette situation relativement favorable alors que les projets de libéralisation du marché énergétique et de privatisation de NIGELEC sont reportés de nouveau. Comme pour EDM, à la NIGELEC, le sérieux dans la gestion et la compétence dans la production seront les plus efficaces parades contre les entreprises de perturbation venues de la France et de l’UE. De plus, Gorou-Banda demeure au point mort par la volonté française.

Une partie de la presse française confidentielle martèle que les fragilités de la gestion énergétique vont accabler le Niger. Depuis que le Nigéria a suspendu la fourniture de l’électricité, la NIGELEC s’appuie en effet sur des centrales nationales électriques au diesel, mais leur capacité est insuffisante. Les importations d’électricité en provenance du Nigéria représentaient 71% de la consommation nationale avant le coup d’État. La situation financière de la NIGELEC se détériore (les importations en provenance du Nigéria étant l’option la moins chère pour la fourniture d’électricité). Par ailleurs les « observateurs » estiment que l’absence d’investissements privés dans l’énergie empêchera l’interconnexion et que la mise en service de l’oléoduc d’exportation du brut d’Agadem, infrastructure construite et opérée par la China National Petroleum Corp (CNPC), est factice. 

Le défi relevé de l’oléoduc

Pourtant le 1er novembre, Ali Lamine Zeine, le Premier ministre et enfant de Zinder, s’est rendu à Koulélé, près d’Agadem, en compagnie du ministre du pétrole, des mines et de l’énergie, Mahamane Moustapha Barké. L’oléoduc, d’une capacité de 96 000 barils par jour, est alimenté par le brut des gisements d’Agadem. La France table que le Niger ne pourra terminer les travaux dans le dernier tronçon béninois qui s’achève au terminal de Seme.  La CNPC et la Chine ont cependant averti le Bénin de leur intention d’achever très vite cette partie finale d’un projet décisif. Le Bénin leur a répondu positivement. La compagnie pétrolière publique chinoise a signé avec le Niger un contrat de 5 milliards d’USD pour développer les champs pétroliers de l’Est du Niger, en particulier à Agadem où se trouvent des réserves prouvées de 324 millions de barils. Le pipe-line de 1950 kilomètres qui approvisionnera les tankers à Seme est quasiment achevé.

La Chine a réalisé au Niger son plus gros investissement au Sahel et le maintien de la sécurité des infrastructures est un enjeu politique et financier majeur. D’autant plus que la Chine exploite et exporte aussi une part croissante de l’uranium nigérien. La Chine constitue le plus sûr partenaire pour l’achèvement dans de bonnes conditions d’un projet de grande ampleur qui montre son intérêt pour le Sahel longtemps considéré comme une zone d’assistanat par l’Occident.

 

Le contre-poids américain

Le plus sûr allié objectif du gouvernement du Niger reste les Etats-Unis. La politique américaine en Afrique est basée sur le concept global et stratégique de relations à long terme dans un intérêt commun. Cela induit le refus d’attaques ad nominem vis-à-vis des nouvelles personnalités politiques et militaires du Sahel. Attaques que la guerre informationnelle décrétée à Paris développe et organise. Molly Phee, sous-secrétaire d’État adjointe, a contribué à cette décrispation américano-sahélienne à travers la «Stratégie des Etats-Unis pour l’Afrique subsaharienne», doctrine élaborée par le National Security Council. Dans le fil de cette tentative d’éviter la poursuite de l’isolement du Sahel, l’USAID s’affirme comme un apporteur d’aide, plus efficient et plus rapide que l’UE, avec plus de 6 milliards USD décaissés dans le seul cadre humanitaire en Afrique, c’est-à-dire par exemple en RCA, au Mali ou en Éthiopie. 

A Niamey, la semaine dernière, le Premier ministre a pu recevoir une mission de la Banque mondiale qui a déjà pointé tous les effets néfastes des sanctions et les a chiffrés. Ces chiffres sont repris dans leur abstraction par les détracteurs du gouvernement d’Ali Lamine Zeine. Pour l’appui budgétaire en 2023, seuls 82 millions de dollars (0,55% du PIB) ont été versés en 2023, contre des flux attendus de 625 millions de dollars (3,6% du PIB). Ce sont des montants qui n’ont pas beaucoup de sens car les appuis annoncés ne sont jamais totalement versés dans l’exercice en cours et ils sont moins utiles quand le Niger cesse de rembourser sa dette. Le financement de l’investissement (équivalent à 1,17 milliard de dollars) ne sera pas versé au Niger en 2023. Idem, ces financements de projets sont reconduits d’année en année sans réels décaissements. 

De nouvelles relations avec le FMI

Grâce aux Etats-Unis,  la reprise des relations techniques et opérationnelles avec la FMI est prévue au plus tard en décembre. Une mission du FMI devrait venir au Niger dans ce cadre pour préparer le décaissement rapide de deux facilités de crédit déjà négociées avant la destitution de Bazoum. Le secrétariat général du FMI est la seule autorité qui en décide, quelles que soient les manœuvres de la France et de la Côte d’Ivoire qui se poursuivent à l’encontre de la reprise des relations statutaires du FMI avec un État membre.

La reconnaissance du CNSP par les Etats-Unis a libéré la parole, à Niamey. Les reproches de corruption vis-à-vis au président déchu fusent. Surpris en tentant de s’évader avec des complices, on lui attribue, ainsi qu’à son influente belle famille, de nombreux manquements aux règles de la comptabilité publique ainsi que des relations financières et commerciales favorisées par son ancien statut. Comme au Burkina Faso, ou au Mali, l’étendue des vols par les précédents gouvernants élus est considérable. Mais le Niger gagnerait plus à durcir les clauses de contrôle sur l’enrichissement personnel des nouveaux dirigeants et l’exécution de la loi de finances qu’à chercher dans la période révolue la seule cause de ses difficultés. La BOAD, la BIDC et d’autres menacent la production hydroélectrique de Kandadji en interrompant leur financement. Le G 5 Sahel a vécu. L’AES peut œuvrer dans chacun des États membres pour une réforme complète de la gouvernance, en particulier dans les entreprises nationales de l’énergie et pour conserver leurs droits au financement extérieur dans une démarche d’intégration régionale.

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L’Or finance les groupes armés au Sahel https://mondafrique.com/economie/lor-finance-les-groupes-armes-au-sahel/ Thu, 21 Sep 2023 02:51:33 +0000 https://mondafrique.com/?p=97034 Au Sahel, un terrorisme violent, désormais durable, ainsi que des coups d’états militaires détournent l’attention d’une situation qui sans doute les renforce. Il s’agit de l’Or et de ses productions et ventes formelles et informelles. Il ne doit plus être exclu, que les islamistes du Sahel ont des politiques plus proches de celles de leurs […]

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Au Sahel, un terrorisme violent, désormais durable, ainsi que des coups d’états militaires détournent l’attention d’une situation qui sans doute les renforce. Il s’agit de l’Or et de ses productions et ventes formelles et informelles. Il ne doit plus être exclu, que les islamistes du Sahel ont des politiques plus proches de celles de leurs frères Afghans, Somaliens et d’ailleurs qu’on ne le pense, en s’autofinançant par la vente d’un produit local ou d’une activiste lucrative locale. Qu’il s’agisse de l’ exportation d’opium pour les talibans, de la piraterie maritime pour les Al Shabab et de ventes d’or pour les groupes du Sahel

Au Sahel Central, en l’occurrence au Mali, au Burkina Faso et au Niger, le boom aurifère représente une nouvelle source de financement, voire un terrain de recrutement pour divers groupes armés, y compris djihadistes.

Limam NADAWA, consultant centre4s.org

De nombreux pays sahéliens regorgent d’or. Ce métal jaune, qui est une richesse mondialement convoitée, constitue aussi un facteur de conflits internes aux États et entre états à l’échelle internationale. La filière or provoque des périls immenses : conflits entre pouvoir central, multinationales et populations riveraines des sites, trafic d’êtres humains, concurrence entre terres arables et sites d’orpaillage, insécurité sur et dans ces sites d’orpaillage résultant du contrôle déficitaire des États, fraude à la commercialisation, recrutement de jeunes jihadistes sur les sites, financement de guerres et de réseaux criminels, équipements inadaptés, etc.

L’or est une des principales richesses du Sahel. Des chiffres officiels qui, bien qu’en-dessous de la réalité, en témoignent. En 2022, le Soudan a exporté environ 42 tonnes d’or, qui lui ont rapporté près de 2,5 milliards de dollars. Depuis 2022, l’or du Tibesti, Tchad, a un potentiel minier estimé à plus de 50 milliards de francs CFA (76 millions d’euros) par semaine.

Au même moment, le Mali a consolidé son statut de grand producteur de ce métal, en vendant près de 70 tonnes, soit une hausse de 8,4%, par rapport à 2021. Ces exportations ont généré 2001 milliards de FCFA, ou 3,4 milliards de dollars US ; la hausse représente 134 milliards de FCFA. L’or industriel pèse 25% des recettes fiscales du pays auxquels il faut ajouter 5% au titre de l’orpaillage.

Au 31 décembre 2022, le Burkina Faso comptait treize mines d’or, dont quatre sont en arrêt, pour une production totale de 57,645 tonnes d’or. En 2021, ce métal a rapporté 2172 milliards de FCFA à l’État, soit sa première recette d’exportation. Le secteur artisanal génère une production annuelle supplémentaire d’environ 10 tonnes, selon le ministère des Mines. En outre, le Fonds minier de développement local (FMDL), auquel les sociétés minières contribuent depuis 2019, a collecté environ 100 Milliards, à la date du 31 décembre 2022.

En Mauritanie, les exportations d’or ont généré 780 millions de dollars, contre 564 millions de dollars pour le fer, qui passe à la deuxième position, en 2020. Le Niger a produit 44 tonnes d’or en 2021.

Les États grands perdants

Les États sahéliens font face à la problématique de la répartition des revenus entre acteurs privés et États. Les sociétés minières, pour la plupart des multinationales, sont accusées de pratiquer l’érosion fiscale via le transfert des bénéfices et des importations des combustibles minéraux. Dans certains pays, on constate, en effet, un décalage entre, d’un côté, l’importance de l’industrie minière dans les économies, les montants considérables d’investissements réalisés, le poids du secteur dans les exportations et, de l’autre, la faiblesse des recettes perçues par l’État.

Les pays sahéliens producteurs d’or tombent dans un piège fiscal. Pour attirer ces multinationales et sécuriser les investissements étrangers, des États réduisent le taux d’imposition pratiqué dans le secteur, ce qui alimente une concurrence fiscale régionale déséquilibrée. Ils accélèrent aussi les procédures administratives en faveur de ces firmes. Ainsi, un permis minier peut s’obtenir en un an, contre au moins cinq ans aux États-Unis et au Canada. Ces multinationales utilisent le transfert international de bénéfices pour réduire les charges fiscales dont elles doivent s’acquitter, en principe, sur le lieu de production. Par le biais de la corruption, entre autres, des gouvernements contournent leur propre Code minier, en signant, officiellement ou en catimini, des conventions d’exonérations d’impôts avec des opérateurs. Ces négociations, mine par mine, sont une brèche dans laquelle s’engouffrent de nombreux acteurs. Il arrive aussi que l’évaluation du prix des minerais exploités ne soit pas en ligne avec celui du marché mondial. Quant aux sociétés minières, elles déplorent le déficit en énergie et la cherté de l’électricité au Sahel. Les financements publics font encore défaut dans ces domaines. Elles se plaignent aussi de l’activité des mines artisanales, autrement appelées orpaillage, qui grèvent leurs revenus et aussi les recettes fiscales des États.

La région du Tibesti convoitée

Au Tchad, la région du Tibesti, située au nord et limitrophe de la Libye, est l’objet de convoitises de divers groupes armés, attirés par l’or. De 2015 à nos jours, des conflits meurtriers s’y sont développés, à telle enseigne que des autorités estiment que la région « constitue un réservoir de recrutement pour le mercenariat ». Les 40. 000 orpailleurs qui écument les sites d’exploitation sont considérés comme des migrants internationaux et nationaux. Pèle mêle, on y recense ‘’des aventuriers, des trafiquants d’or, de drogue et des voyous de la république qui sont des Tchadiens, des Soudanais, des Libyens, des Chinois, des Nigériens…’’

Des jeunes, recrutés dans d’autres localités du Tchad y sont échangés contre 10 grammes d’or par personne. Les 10 grammes d’or équivalent à 250.000 FCFA, soit environ 464 dollars.

Les populations autochtones dénoncent l’appétit du clan gouvernemental pour l’or, et exigent son exploitation régulière, dans un cadre légal, en accord avec le code minier. Entre 2016 et 2023, des affrontements sanglants ont eu lieu entre l’armée tchadienne et les populations locales puis des groupes armés.

Au Mali, le travail des enfants mineurs sur les sites d’orpaillage, soumis aux produits de traitement de l’or comme le mercure, est dénoncé. Ils sont employés dans le terrassement et les tunnels de trente mètres de profondeur. Certains sont chargés de remonter la terre à l’aide de seaux, ou de la transporter au sortir des trous jusqu’au lieu de lavage et du tri. Leurs outils de travail sont rudimentaires : des pioches, des seaux, des marteaux. Ils ne bénéficient d’aucun équipement de protection ni de sécurité. Un grand nombre a abandonné l’école pour s’adonner à ces activités. Fillettes et garçonnets sont aussi exploités sexuellement. Ces fléaux sont également subis par les sites d’orpaillage du Burkina Faso et du Niger.  Par ailleurs, le régime de Transition au Mali a diligenté une récente enquête sur son secteur minier qui a révélé une série d’irrégularités ayant entraîné un manque à gagner substantiel pour l’État, estimé entre 300 et 600 milliards de francs CFA. La mise à nu des nombreuses failles dans l’application du code minier de 2019 pourrait permettre au Mali de recouvrer au moins la moitié de ce pactole.  

Au Burkina Faso, les incidents sont fréquents sur les sites aurifères où les populations des localités abritant ces mines estiment que les retombées pour les communautés locales sont très faibles. Elles réagissent par des saccages et des pillages qui ont, parfois, contraint des sociétés minières à des arrêts momentanés. Une d’entre elles, Centamin PLC, qui avait déjà investi environ 74 milliards FCFA, a même été poussée, en partie par ces incidents, à renoncer à la poursuite de ses activités, en août 2022, à Batié, dans le Sud-Ouest. À ces occasions, les autorités invitent les populations riveraines à se tourner vers l’administration afin d’exposer leurs préoccupations. En ce début septembre 2023, plus d’un millier d’orpailleurs ont été déguerpis d’une forêt du Nord-Ouest. Ils y avaient abattu des arbres, creusé de grands trous à ciel ouvert, construit des centaines de hangars, jeté dans la nature des tonnes de déchets plastiques et des produits polluants.

 Le financement de la guerre au Soudan.

Au Soudan, les violences ont éclaté, le 15 avril 2023, entre l’armée du général Abdel Fattah Al-Bourhane, président du pays depuis le coup d’État le 25 octobre 2021, et son adjoint, le général Mohammed Hamdan Dagalo dit Hemetti, patron des miliciens des Forces de soutien rapide (FSR). Elles sont en partie alimentées par le trafic d’or. En 2017, les recettes d’or représentaient 40% des exportations du Soudan. Hemeti, déjà opérateur dans le secteur, avait créé une société commerciale, Al-Junaid. Il s’empare, par la force, des mines d’or les plus lucratives du pays. Il devient, dès lors, le plus grand négociant d’or du Soudan, en contrôlant, notamment, les frontières de Libye et du Tchad. Avec cette richesse, il s’est trouvé au carrefour d’un vaste réseau de népotisme, d’accords secrets de sécurité et de financements politiques, devenant un « parrain » donc. C’est, en partie, cette immense fortune qui lui permet de mener cette guerre. Il s’appuie, ainsi, sur toute une chaîne d’obligés, au sein de la police, de l’administration, dans l’enseignement et dans la chefferie des tribus. Il s’est aussi attaché les services de mercenaires tchadiens, bien payés.

En Mauritanie, l’État encadre les miniers artisanaux et s’offre de nouvelles recettes fiscales. Sur le plan industriel, le gouvernement incite certaines compagnies à la « mauritanisation » des effectifs, et travaille aussi à augmenter sa part sur les revenus engendrés par le métal jaune. D’autres ont plus de marges de manœuvre pour opérer sans grande transparence ou inquiétudes ns environnementales. Des questions sanitaires sont mises en exergue, avec l’apparition du VIH Sida sur certains sites.

L’insécurité partout

Au Niger, la filière or est considérée comme un bon levier de croissance de l’économie, quand bien même elle est confrontée à des problèmes de gouvernance. Elle est aussi une source de problèmes écologiques, sanitaires, sécuritaires et de droits humains. En outre, l’afflux de population a entrainé une forte pression sur les quelques ressources ligneuses.

L’insécurité est le lot commun des sociétés aurifères du Sahel. Les attaques terroristes, ou autres, amènent certaines à observer des arrêts, voire à fermer. En avril 2022 le président de la Chambre des mines du Burkina (CMB), Adama Soro, a estimé que l’avenir minier du pays pourrait être hypothéqué par l’insécurité. Certaines mines, dans les régions du Nord, du Sahel et de l’Est ne peuvent plus transporter leur personnel par voie terrestre. Les mines investissent aussi beaucoup de moyens dans la sécurisation de leurs sites. Plusieurs attaques ont eu lieu, courant 2022, entrainant la fermeture de quatre d’entre elles. L’autre impact est que, pour leurs activités d’exploration et de recherche, les géologues ne peuvent plus accéder à ces régions.

Les dangers de l’orpaillage.

 

En marge du développement de l’industrie aurifère, la pratique de l’orpaillage a elle aussi connu une forte croissance au cours des dernières décennies. Les autorités estiment que plus d’1,3 million de personnes – soit environ 6 % de la population burkinabè – travaillent sur quelque 700 sites miniers artisanaux exploités dans le pays, le plus souvent en-dehors de tout contrôle de l’État. Peu sécurisés, ces sites sont des cibles de choix pour les groupes armés. Ils constituent également un terreau fertile de recrutement de « jeunes combattants ».

 

L’autre grand défi est la commercialisation de cet or des pays du Sahel. Une bonne partie est vendue de façon frauduleuse, permettant à des trafiquants d’échapper aux contraintes administratives de traçage puis aux impôts et taxes. Dès 2014, la Suisse avait importé au moins 7 tonnes d’or venues du Togo… alors que ce pays n’en produit pas. Des investigations avaient permis de remonter la filière jusqu’à des mines artisanales burkinabè.

Ce trafic entre les deux pays voisins se poursuit de plus belle, les pertes fiscales pour le Burkina Faso se chiffrent à des milliards de FCFA.

 

Les multinationales qui exploitent l’or sahélien sont essentiellement australiennes, canadiennes, russes et sud-africaines associées à des nationaux des pays et d’influents partenaires internationaux.

À côté, une partie importante de l’or sahélien emprunte des circuits clandestins, via des nationaux, en passant, entre autres, par des Libanais, et d’autres acteurs basés en Suisse, en Turquie, à Dubaï, à Singapour et en Chine. Il faut compter également avec les opérateurs russes qui ont inventé de nouvelles méthodes de transfert de leur or, du Sahel vers diverses destinations, afin d’échapper aux sanctions occidentales.

Dans tout le Sahel, l’orpaillage artisanal progresse en général en dehors du contrôle des États. Selon l’OCDE, cette activité génère plus de deux milliards de dollars US par an.

 

Au Sahel, l’exploitation de l’or, industriel et artisanal, se développe, enrichissant dans son sillage des multinationales, des états et des officiels locaux, engendrant, en même temps, des périls et se renforçant de défis.

 

 

 

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Le Sahel menacé par le djihadisme: une nouvelle Syrie https://mondafrique.com/a-la-une/le-sahel-menace-par-le-djihadisme-une-nouvelle-syrie/ Thu, 15 Dec 2022 06:06:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=82737 Un scénario à la «  syrienne »au Sahel  marquée par la faillite des États et l’instauration d’un califat n’est pas une vue de l’esprit. Le Sahel est en guerre depuis dix ans, mais jamais la situation n’a été aussi préoccupante qu’aujourd’hui, même s’il y a eu des années noires comme celle de 2019. La réalité […]

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Un scénario à la «  syrienne »au Sahel  marquée par la faillite des États et l’instauration d’un califat n’est pas une vue de l’esprit.

Activité des groupes djihadistes au Burkina Faso au 7 décembre 2022. En jaune, le JNIM, organisation dirigée par Iyad Ghali, en vert l’Etat islamique qui vient de prêter allégeance au nouveau calife, Abou Al-Hussein al-Husseini al-Qurashi.

Le Sahel est en guerre depuis dix ans, mais jamais la situation n’a été aussi préoccupante qu’aujourd’hui, même s’il y a eu des années noires comme celle de 2019. La réalité est telle que l’effondrement du Burkina Faso peut être envisagé, quant au Mali, sa «  somalisation  » se poursuit. 

Beaucoup plus grave encore, l’État islamique se renforce dans la zone dite des Trois frontières avec une arrivée massive de combattants étrangers venus du Moyen-Orient. Face à cette menace, le silence des gouvernements sahéliens et de leurs partenaires interpelle. Ce mutisme est d’autant plus inquiétant, qu’aucune stratégie n’est mise en place par ces mêmes acteurs, c’est le règne de la fuite en avant, de l’aveuglement, du déni et du cynisme aussi… 

Burkina Faso : la fuite en avant

 

Les cartes parlent d’elles-mêmes, les autorités burkinabè contrôlent au mieux 40% de leur territoire. Le coup d’Etat de septembre 2022, avec l’arrivée au pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré, n’a rien changé, hormis désorganiser encore un peu plus une armée déjà déliquescente. La seule véritable initiative prise par le nouveau pouvoir pour essayer de renverser la situation est l’appel à l’enrôlement de 50 000 Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP). Comment ces civils, bénéficiant d’une formation de 14 jours, pourraient-ils réussir là où une armée professionnelle a échoué ? Cette mesure ressemble plus à une fuite en avant, à une tentative de la dernière chance pour reconquérir le territoire perdu. Et les risques sont importants. Les gouvernements précédents avaient exclu les Peuls des recrutements de ce groupe d’autodéfense, qui avait commis et qui, selon des sources burkinabè, continue de commettre, aux côtés des forces de Défense et de Sécurité, de nombreuses et graves exactions sur ces populations. Le danger de voir des affrontements communautaires d’ampleur est donc réel. Par ailleurs, début décembre, le JNIM a publié un message d’alerte à l’attention du chef de l’Etat et des populations pour mettre en garde tous ceux qui cibleraient « les moudjahidines » . Les VDP se retrouveront donc dans la ligne de mire avec des pertes humaines importantes à la clé compte tenu de l’implantation de l’organisation dirigée par Iyad Ghali, qui au passage a beau jeu de s’ériger en défenseur des Peuls, amplifiant ainsi leur stigmatisation.

Toujours dans des recherches de solutions, le 7 décembre, le Premier ministre Apollinaire de Tambèla s’est rendu à Moscou. L’objectif de cette visite n’a pas été rendu public, mais des rumeurs évoquent une arrivée imminente du groupe Wagner. Les militaires maliens qui ont facilité la rencontre pousseraient à cette option pour sortir de leur isolement et certains officiers voyant le mur se rapprocher y seraient favorables. Mais où les autorités burkinabé trouveront-elles l’argent pour rémunérer cette société militaire privée, alors qu’elles cherchent déjà des fonds pour payer et équiper les 50 000 VDP ? Sans compter qu’une présence russe au Burkina Faso ferait perdre à Ouagadougou toutes les aides françaises, européennes, américaines, dont elle a tant besoin pour faire face à l’urgence humanitaire. Les déplacés internes représentent désormais plus de 10% de la population. Enfin, ce n’est pas 1000 ou 2000 mercenaires qui réussiront à ramener la sécurité et les territoires perdus dans le giron de l’Etat. A ce stade, la seule réponse militaire n’est plus pertinente, n’est plus suffisante.

Mali, une paix de survie

L’état sécuritaire du Mali est très difficile à appréhender tant les situations sont différentes selon les zones, jusqu’au plus petit local. C’est une sorte de patchwork où l’Etat ne règne plus. Dans le Centre, dans la région de Mopti, les habitants vivent dans un climat de terreur avec des affrontements entre les Fama, Wagner, les dozos de Dan Ambassagou, contre les djihadistes mais aussi contre les populations soupçonnées de collaborer avec le JNIM. Dans d’autres endroits du Centre, comme dans le cercle de Niono, s’est établie ce que la mission de maintien de la paix au Mali, Minusma, appelle dans son dernier rapport : « des pactes de survie ». Pour pouvoir continuer à cultiver et donc se nourrir, les populations ont fait allégeance aux groupes djihadistes et à leurs règles, les femmes vont aux champs voilées, les populations payent la zakat, etc. Dans ce cercle, les dozos ont été très affaiblis, les combats avec les djihadistes ont pris fin. C’est une situation où, en même temps, le JNIM fait régner sa loi et où l’armée patrouille aux côtés des hommes de Wagner. Une sorte de statu quo, où tous passent des accords avec tous pour obtenir un peu de tranquillité après dix années de guerre.

Dans la région de Ménaka, fief de l’Etat islamique, une organisation qui contrairement au JNIM ne cherche pas l’allégeance des populations, mais souhaite des gains de territoires en pratiquant la politique de la terre brûlée, la situation est cauchemardesque. Depuis mars 2022, tous les villages de cette région ont été anéantis, les populations, qui ont survécu ont fui vers l’Algérie, le Niger ou encore la ville de Ménaka où se trouve la Minusma, l’armée malienne qui cohabite avec des mercenaires de Wagner ne sortant que très rarement de leur camp.

 

Vers un scénario syrien

C’est dans cette configuration avec des Etats de plus en plus fragilisés, qu’une arrivée massive de combattants étrangers est venue renforcer les rangs de l’Etat islamique. Le 24 novembre dernier, le malien Moussa Ag Acharatoumane, membre du Conseil National de Transition (CNT) et secrétaire général du Mouvement pour le Salut de l’Azawad a tweeté : « Daesh : Saoudiens, Syriens, Irakiens, Koweitiens, Maghrébins affluent vers la zone des 3 frontières. Un monstre est en train de naître sous nos yeux, le réveil sera difficile, nos autorités sahéliennes sont interpellées. » Des informations, par ailleurs, recoupées lors du dernier voyage de l’IVERIS au Sahel.

Des images de propagande diffusées sur les réseaux sociaux montrent un regroupement impressionnant de ces combattants, tant en terme de nombre que de matériel, faisant allégeance au nouveau calife de Daech, Abou al-Hussein al-Husseini. L’internationalisation du conflit dans cette région est donc actée.

Au passage, les groupes armés déjà fort bien lotis n’auront aucun mal à s’équiper, puisque comme l’IVERIS l’a anticipé dès mai 2022, les armes livrées par les pays occidentaux à l’Ukraine sont arrivées en Afrique. Le président nigérian, Muhamadou Buhari en a fait état le 30 novembre lors de son discours devant la Commission du Bassin du lac Tchad.

Certains journalistes, experts, soutiennent que ces prises de vues ont été réalisées au Mali, accréditant ainsi l’idée que le départ de Barkhane a permis à l’Etat islamique de se renforcer. Sauf que, comme le montrent les cartes, Daesh prend pied au Mali certes, mais aussi au Niger et au Burkina Faso précisément dans cette zone des Trois frontières. (Historiquement d’ailleurs, il s’est d’abord installé au Niger et a ensuite débordé au Mali et au Burkina Faso)

Or, l’armée française est présente au Niger, les Américains aussi, ils disposent de la base de drones d’Agadez, d’une base de la CIA à Dirkou. L’Allemagne qui a prolongé sa mission militaire en mai 2022, a déployé une équipe de formateurs qui encadre une unité des forces spéciales nigériennes dans la région de Tahoua à quelques km à vol d’oiseau de ladite région. L’Italie, de plus en plus présente dans le Sahel, a aussi un contingent au Niger. Avec tous les moyens dont ces Etats disposent, comment peuvent-ils ignorer que l’Etat islamique est en train de se bâtir un sanctuaire dans une zone à peine plus grande que la Belgique ? Difficile de comprendre pourquoi tous restent silencieux et inactifs.

S’agirait-il de calculs de très court terme et de très courte vue qui consisterait à laisser l’Etat islamique s’installer pour qu’il affaiblisse le JNIM, les combats entre les deux groupes font rage à intervalles réguliers ? S’agirait-il de montrer aux autorités de Bamako qu’elles ont fait les mauvais choix et que sans l’aide de la France la situation sécuritaire se détériorera encore un peu plus ? Pourtant quels que soient les inimitiés, les ressentiments, les luttes géopolitiques, personne, et surtout pas les pays côtiers d’Afrique de l’Ouest, n’a intérêt à un effondrement du Mali.

Si Daesch déclarait un califat dans la zone, ce qui compte tenu des nombreux renforts venus du Moyen Orient n’est pas un scénario inenvisageable, on se retrouverait alors dans la configuration syrienne. Dès 2017, cette situation a été envisagée par le Pentagone et le Sénat américain. A l’époque dans un article intitulé « Le pivot africain », l’IVERIS s’interrogeait sur les propos du sénateur John McCain : « Plus nous réussirons au Moyen-Orient, plus nous verrons les serpents se diriger vers l’Afrique et nous devrons être prêts à conseiller et à aider les nations qui sont disposées à travailler avec nous ». Prophétie auto-réalisatrice ?

Nous y sommes. Les serpents de Syrie sont arrivés dans le Sahel «  un monstre est en train de naître sous nos yeux.  »

Leslie Varenne

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Le G5 Sahel en état de mort cérébrale https://mondafrique.com/decryptage/le-g5-sahel-en-etat-de-mort-cerebrale/ Tue, 19 Apr 2022 04:38:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=65832 Le G5 Sahel se trouve face au casse-tête de la succession à sa tète de Mahamat Idriss Deby. Célébré il n’y a pas si longtemps pour son efficacité, le G5 Sahel connaît la pire crise de son existence depuis sa création en 2014. Pour la première fois de son histoire, le G5 Sahel n’a pas […]

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Le G5 Sahel se trouve face au casse-tête de la succession à sa tète de Mahamat Idriss Deby. Célébré il n’y a pas si longtemps pour son efficacité, le G5 Sahel connaît la pire crise de son existence depuis sa création en 2014. Pour la première fois de son histoire, le G5 Sahel n’a pas réussi à réunir sa conférence annuelle des chefs d’Etat. 

Une chronique de Francis Sahel

Le mandat d’un an du président tchadien Mahamat Idriss Deby à la tête du G5 Sahel s’est achevé depuis le mois de février dernier. Mais faute de successeur désigné, le chef de l’Etat tchadien joue les prolongations à la tête de cette organisation inter-Etats qui regroupe le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad. 

L’épouvantail Assimi Goïta 

Selon la règle de la présidence tournante, c’est le chef de l’Etat malien le colonel Assimi Goïta qui devrait succéder à son homologue tchadien Mahamat Idriss Deby lors d’un sommet organisé au début de l’année 2022 à Bamako, au Mali. La tenue d’un sommet du G5 Sahel en terre malienne s’est transformée en opération impossible. En raison des relations exécrables entre les pouvoirs malien et nigérien, il semblait certain que le président nigérien Mohamed Bazoum n’aurait pas fait le déplacement de la capitale malienne.

Pour contourner cet obstacle, le président tchadien a envisagé la tenue de la 8 ème Conférence des chefs d’Etat du G5 Sahel sous un format virtuel. Il s’est très vite ravisé après avoir constaté que cette option aurait conduit inévitablement à confier les clés du G5 Sahel à Assimi Goïta. Ce qui aurait mis vent débout les partenaires de l’organisation, à commencer par la France et l’Union européenne. Deux partenaires privilégiés du G5 Sahel qui sont dans « le tout sauf Assimi Goïta ».

Or, en l’état actuel de ses règles de fonctionnement, le G5 Sahel ne peut pas enjamber le tour du Mali pour confier sa présidence à un autre pays. Mahamat Idriss Deby ne peut pas non plus rétrocéder la présidence au Burkina Faso qui avait accueilli en 2020 la 6 ème conférence des chefs d’Etat. L’impasse à la présidence du G5 Sahel est donc devenue totale : ni Goïta, ni un autre chef d’Etat. 

L’asphyxie budgétaire 

Derrière la paralysie institutionnelle qui prolonge le mandat de Mahamat Deby sans perspective de lui trouver un successeur, apparait la menace de l’asphyxie budgétaire du Secrétariat exécutif. En effet, les crédits budgétaires du Secrétariat exécutif, basé à Nouakchott sont votés annuellement par la conférence des chefs d’Etat qui n’a pu se tenir cette année. Résultat, faute de budget statutaire le nouveau Secrétaire exécutif, le Burkinabé Eric Tiaré Yemdaogo, et ses équipes bricolent pour faire tourner la maison. Mais jusqu’à quand? Combien de temps se passer des moyens financiers régulièrement votés par la 8 ème Conférence des chefs d’Etat dont la tenue devient chaque jour encore plus incertaine?

Dans les semaines à venir, trois des cinq chefs d’Etat seront si accaparés par leurs agendas nationaux qu’ils n’auront pas la tête à la survie du G5 Sahel. Bien qu’il soit le président en exercice en titre, le Tchadien Mahamat Idriss Deby aura bientôt l’esprit accaparé par la tenue du dialogue national inclusif au début du mois de mai. Des résultats de ces discussions inter-tchadiennes dépendra la suite de la transition, mais surtout l’avenir de Mahamat Idriss Deby, qui n’a toujours pas écarté la possibilité de conserver le pouvoir.

Son homologue malien n’a guère plus de temps. Pris entre l’étau de la CEDEAO et sa surenchère avec la France, Assimi Goïta a d’autres urgences que le sauvetage du G5 Sahel. Il en va de même pour le Burkinabé Paul-Henri Damiba, arrivé au pouvoir en janvier 2022, suite au coup d’Etat qui a renversé Roch Marc Christian Kaboré. Au sommet de l’agenda du lieutenant-colonel Damiba se trouvent les discussions serrées avec la CEDEAO sur la période de transition, la reconquête des parties du territoire aux mains des groupes terroristes ainsi que la préparation des prochaines échéances électorales. Difficile donc d’y trouver la place pour la survie du G5 Sahel.

Il n’est finalement pas sûr que la bonne volonté du président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani et de son homologue nigérien Mohamed Bazoum suffise à sauver le G5 Sahel.

Francis Sahel 

L’adieu français au Sahel

 

 

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L’adieu français au Sahel https://mondafrique.com/libre-opinion/ladieu-francais-au-sahel/ Sun, 17 Apr 2022 02:14:11 +0000 https://mondafrique.com/?p=65780 Le Sahel est l’un des enjeux majeurs de la mondialisation, mais hélas passe totalement inaperçu dans le débat politique français, éclipsé par le drame ukrainien Une chronique de Xavier Houzel Tout le monde veut s’approprier le Sahel. Le Sahel est un joyau que l’Algérie et le Maroc convoitent (et que briguait la Libye de Kadhafi), […]

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Le Sahel est l’un des enjeux majeurs de la mondialisation, mais hélas passe totalement inaperçu dans le débat politique français, éclipsé par le drame ukrainien

Une chronique de Xavier Houzel

Tout le monde veut s’approprier le Sahel. Le Sahel est un joyau que l’Algérie et le Maroc convoitent (et que briguait la Libye de Kadhafi), mais dont la plupart des pays d’Afrique subsaharienne revendiquent la possession. C’est le plus grand désert du monde. Il était autrefois l’apanage des grands empires continentaux : au Nord-Ouest, l’Empire chérifien, qui comprenait le Maroc, la Mauritanie et une partie du Mali actuel, et, au Centre, l’Empire de Songhaï, sillonné, dans sa partie Nord (à partir de Gao), par les Touaregs, les Toubous et les Peuhls. Lorsqu’il y a neuf ans, François Hollande a décidé de combattre à lui tout seul le terrorisme au Sahel (en commençant par le Mali), il aurait fallu qu’un officier des Affaires Indigènes puisse lui expliquer de quoi il retournait, mais les Spahis n’existent plus depuis belle lurette et le président Hollande prit cette expédition au Mali pour une excursion dans la banlieue ! À peu près comme Nicolas Sarkozy avec la Libye (à l’origine du sinistre) ! Ce double héritage de ses prédécesseurs était pour Macron, plus qu’un challenge, un défi impossible.

Le Mali actuel est composé à son tour de deux sous-ensembles ayant très peu de choses à voir l’un avec l’autre, celui de Gao (Songhaï) et celui de Bamako, ville noire qui est le siège de l’ancien Empire Mandingue, lequel englobait de grandes parties de la Guinée, le Sénégal, la Gambie, le Burkina Faso, et le Sud de la Mauritanie et qui connut son apogée au XIV e siècle : grosso modo, le Mali a deux cultures. Les Peuhls et les Dogons s’y écharpent en permanence. Le terrorisme a bon dos. 

À la suite de l’Opération Serval, qui fut un succès, les soldats de l’Opération Barkhane, qui avaient à couvrir également les pays d’à-côté, eurent affaire avec une multiplicité d’organisations internationales : ils ne pouvaient plus aller que des unes aux autres au milieu d’une pétaudière. Les armes et les rebelles dévalaient de Libye comme la mérule ! L’ancien ministre du président Hollande, Jean-Yves Le Drian, un transfuge passé de la Défense à la Diplomatie, capable de communiquer par signes avec ses Frères, avait été repêché par la République en Marche ! La DGSE, ayant un ambassadeur pour maître-espion, lui emboîtait le pas. Le jeune président ne pouvait que faire confiance à de tels sachants. Dans son ouvrage « Le piège africain de Macron », l’excellent journaliste Antoine Glaser va tout dire !

De Gaulle avait songé à laisser à la France le Sahara (élargi à d’autres recoins du Sahel), pourtant déjà un nœud de trafics de drogues, d’esclaves, d’armes et d’épices, à la fois trop-plein de rage et d’appréhension (déjà un facteur de radicalisation) et carrefour de migrants. Mais à cette époque, c’était un océan de paix que De Gaulle renonça à conserver (alors qu’il aurait pu le garder mais pour le préserver), en pensant gagner le pari de la décolonisation. Voici ce qu’il disait en 1961 : « La décolonisation est notre intérêt et par conséquent notre politique. Pourquoi resterions-nous accrochés à des dominations coûteuses, sanglantes et sans issue, alors que notre pays est à renouveler de fond en comble ?[i] » Depuis, chaque potentat, chaque Frère de chaque État africain a son Russe ou son Américain, son Chinois ou son Israélien et le plus souvent les quatre, habillés de la même gandoura. Bref, que voulez-vous que fît Macron dans cette vaste loge ouverte à tous les vents ?

En 2021, une junte est mise au pouvoir à Bamako pour couper définitivement les ponts avec l’ancienne puissance coloniale : elle se jette dans les bras de mercenaires russes, d’émissaires turcs, de diplomates iraniens et d’hommes d’affaires chinois. Lorsque le président américain annonce qu’il retire les GI’s d’Afghanistan avant de leur faire quitter plus ou moins le Moyen-Orient pour se vouer à l’Amérique d’abord (America first), son homologue français décide d’en faire autant pour s’occuper de la France d’abord. Les évènements d’Ukraine vont lui donner raison. Il n’y a là ni amateurisme ni arrogance.

Les effets secondaires de sa courageuse décision, hélas, apparaîtront très vite. Les rats, qui sont des créatures intuitives, quittent le navire en perdition avant que celui-ci ne sombre : le Groupe Bolloré, dont la filiale de logistique « a le marché » des troupes spéciales françaises de l’Opération Barkhane, y compris celui – tout juste reconduit – de son retrait, cède les ports d’Afrique à une entreprise maritime italo-israélienne. C’est un adieu abominablement frustrant.

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L’aide internationale au Sahel victime de la guerre en Ukraine https://mondafrique.com/limage-du-jour/laide-internationale-au-sahel-victime-de-la-guerre-en-ukraine/ Wed, 16 Mar 2022 12:44:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=63636 Les fonds des ONG ne sont pas extensibles et toutes ces organisations souhaitent être présentes sur un conflit très médiatisé où elles ont une plus grande visibilité. Comme on l’a constaté pour la pandémie de Covid 19, les organisations humanitaires réorientent leurs aides en fonction des urgences et déshabillent Paul pour habiller Jacques. Les grands […]

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Les fonds des ONG ne sont pas extensibles et toutes ces organisations souhaitent être présentes sur un conflit très médiatisé où elles ont une plus grande visibilité.

Comme on l’a constaté pour la pandémie de Covid 19, les organisations humanitaires réorientent leurs aides en fonction des urgences et déshabillent Paul pour habiller Jacques. Les grands bailleurs agissent de la même manière, la directrice d’OXFAM pour l’Afrique de l’Ouest interrogée par la BBC s’en inquiète :  «  Pour l’instant, on n’a pas encore d’aperçu global d’une réduction des financements. Il y a simplement certaines ONG qui ont reçu des retours de bailleurs leur signifiant déjà le besoin de couper 50 ou 60 %, voire plus, les propositions de projets qui sont en train d’être finalisées pour l’année 2022 ». 

Une telle réduction des budgets pour les pays du Sahel serait catastrophique. Pour le seul mois de janvier le Burkina Faso a enregistré 160 000 déplacés supplémentaires portant le nombre total à plus de 1.7 millions de Burkinabè qui ont dû fuir leurs villages, soit quelques 8.5% de la population de cet Etat. Au Mali, on assiste à un phénomène inverse, où quelques 2000 déplacés en Mauritanie sont de retour au pays. Cela est néanmoins marginal et la situation sécuritaire reste très volatile.

Vers une pénurie d’engrais

Cette diminution de l’aide arriverait au pire moment puisque la guerre en Ukraine fait s’envoler les prix de l’énergie et des céréales, la Russie et l’Ukraine étant les deux plus grands exportateurs de blé. Autre grand sujet d’inquiétudes : les engrais. Moscou représente 20% de la production mondiale et les sanctions prises contre le Kremlin impactera fortement la demande et les prix.

A l’issue du sommet de Versailles, Emmanuel Macron a déclaré que l’Europe et l’Afrique «seront très profondément déstabilisées sur le plan alimentaire». C’est juste, néanmoins, les Européens ont fait en sorte que l’énergie venue de Russie ne soit pas touchée par les sanctions, il aurait été préférable qu’ils réfléchissent aussi aux conséquences de ces mesures sur les céréales et les engrais…

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Sahel, l’appel de 29 ONG à défendre les droits des populations https://mondafrique.com/confidentiels/sahel-lappel-de-29-ong-a-defendre-les-droits-des-populations/ Wed, 16 Feb 2022 14:36:52 +0000 https://mondafrique.com/?p=62396 Alors qu’Emmanuel Macron doit réunir aujourd’hui des dirigeants africains et internationaux à l’Elysée pour discuter d’un retrait militaire du Mali, je vous prie de trouver ci-dessous et ci-joint (anglais et français) une déclaration de la Coalition citoyenne pour le Sahel.  Les 29 organisations signataires, parmi lesquelles Oxfam, la FIDH, Human Rights Watch et de nombreuses ONG sahéliennes, […]

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Alors qu’Emmanuel Macron doit réunir aujourd’hui des dirigeants africains et internationaux à l’Elysée pour discuter d’un retrait militaire du Mali, je vous prie de trouver ci-dessous et ci-joint (anglais et français) une déclaration de la Coalition citoyenne pour le Sahel.

 Les 29 organisations signataires, parmi lesquelles Oxfam, la FIDH, Human Rights Watch et de nombreuses ONG sahéliennes, appellent les dirigeants africains et européens à :

  • ne pas répéter les erreurs qui ont conduit à l’impasse actuelle au Sahel et
  • à promouvoir un véritable ‘sursaut civil’ qui permette de s’attaquer aux causes profondes de la crise et de mieux protéger les populations civiles.

 « Rarement le Sahel n’a été autant au cœur de l’actualité. L’attention se focalise sur un possible retrait des troupes françaises et européennes du Mali, sur l’arrivée de forces russes, sur les coups d’État militaires et sur les brouilles diplomatiques. Mais les besoins des populations civiles, qui continuent à être les premières victimes de l’insécurité, semblent relégués au second plan par les gouvernements et les acteurs internationaux. » 

Un « sursaut civil » 

Les promesses du « sursaut civil », qui avait été au cœur du sommet de N’Djamena il y a un an jour pour jour, semblent bel et bien enterrées, déplorent les signataires, en appelant à un nouveau départ pour le Sahel et ses partenaires à l’occasion du sommet UA-UE qui s’ouvre jeudi à Bruxelles.

 

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