Maroc : quand le gouvernement islamiste défend la consommation de l’alcool

Alors que l’USFP, parti de gauche, plaidait pour une augmentation des taxes sur l’alcool, le ministre de l’Economie et des finances s’y est opposé, pour ne pas conduire à une baisse de la consommation de l’alcool.

Lundi 9 Novembre, le groupe parlementaire de l’Union socialiste des forces populaires (USFP), un parti d’opposition de gauche, proposait un étonnant amendement au projet de loi de finances de 2016: augmenter la taxe sur l’alcool, et verser les revenus tirés de cette augmentation à la Fondation Lalla Salma, dirigée par l’épouse du roi et dédiée à la lutte contre le cancer.

Rabat : premier producteur d’alcool du monde arabe

Seulement, voilà: alors que l’amendement a, semble-t-il, été du gout de la majorité des députés de la Commission des Finances à la Chambre des Représentants, notamment ceux du Parti de la justice et du développement (PJD), le parti islamiste au pouvoir, le ministre de l’Economie et des Finances Mohamed Boussaid s’y est opposé sous couvert d’inconstitutionnalité. Selon le ministre, cet amendement est contraire à l’article 77 de la Constitution, qui autorise le gouvernement à « opposer, de manière motivée, l’irrecevabilité à toute proposition ou amendement formulés par les membres du Parlement lorsque leur adoption aurait pour conséquence, par rapport à la loi de finances, soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation des charges publiques. » L’argumentaire de Boussaid: une hausse des taxes sur l’alcool conduirait à une baisse de la consommation des boissons alcoolisées.

Selon une source parlementaire,  l’amendement proposé par l’USFP est  « populiste » puisque ce parti a dénoncé en 2013 l’augmentation des taxes sur l’alcool, qui ont presque doublé entre 2012 et 2013, y voyant une « atteinte au pouvoir d’achat des marocains« , et proposait de n’augmenter que les taxes sur les alcools de luxe.

L’USFP « souhaite, à travers cette prise de position, se rapprocher du PJD en vue des prochaines élections. Le parti essaie de proposer des amendements qui plairaient au PJD, à qui le département des Finances, dirigé par un ministre du Rassemblement national des indépendants (un parti administratif fondé en 1978 NDLR) échappe de plus en plus« . Mais, ce faisant, « l’ USFP se positionne plus à droite que le PJD lui-même« , preuve de sa « rupture consommée avec les idéaux de la gauche« , selon notre source.

Bien que les lois en vigueur interdisent « de vendre ou d’offrir gratuitement des boissons alcooliques à des Marocains musulmans« , la consommation d’alcool par les Marocains est, dans les faits, autorisée. Selon une étude rendue publique par The Economist en 2012, le Maroc est le premier producteur et exportateur d’alcool dans le monde arabe, et le douzième pays musulman où l’on consomme le plus d’alcool.