Alors que le gouvernement de Youssef Chahed, allié au mouvement Ennahdha, est en guerre avec le président tunisien, Beji Caïd Essebsi,, des proches de Rached Ghannouchi, patron des islamistes, souhaiteraient se rapprocher de la Présidence.
A quelques mois d’échéances législatives et présidentielles décisives, l’échiquier politique tunisien devient un véritable casse tète. L’alliance de circonstance entre les islamistes du mouvement Ennahdha et les partisans du Premier ministre, Youssef Chahed, semblait pourtant assurer une majorité parlementaire au gouvernement, neutraliser la volonté du président Geji Caïd Essebsi de se débarrasser du chef de gouvernement que désormais il déteste et ainsi garantir un semblant de stabilité au pays.
C’est du moins le pari que faisaient, sur fond de désastre économique et de périls sécuritaires, les partenaires occidentaux de la Tunisie, la France en tète, qui espéraient que cet attelage acrobatique allait mener la Tunisie à voter à nouveau en 2019. Et cela sans interrompre le processus démocratique en cours, quasiment le seul, il faut s’en souvenir, dans le monde arabe et maghrébin après le fameux printemps politique de 2011.
Un édifice chancelant
Or ce fragile édifice pourrait être remis en cause dans les prochaines semaines au sein d’un sérail politique tunisien dominé par le nomadisme politique, l’opportunisme des deux tètes de l’exécutif, Beji et Chahed, la corruption généralisée et l’activisme des pays du Golfe, Qataris et Emiratis. Ainsi dans ce contexte délétère, des proches de Rached Ghannouchi, militent ouvertement pour rompre l’alliance avec Youssef Chahed et se rapprocher à nouveau du président Beji, en revenant aux fastes années de 2015 à 2017, où un pacte solide existait entre le président tunisien et le « Cheikh ».
Lotfi Zitoun, un des plus proches conseillers de Ghannouchi qu’il avait suivi dans son exil en Grande-Bretagne durant les années Ben Ali, milite ouvertement pour rejoindre le camps présidentiel. De culture anglo saxonne, pragmatique et libéral, ce fin stratège préférerait rallier le Palais de Carthage, négocier la réélection de Beji à l’automne et conserver, au coeur du réacteur présidentiel, l’influence décisive acquise depuis 2011, sans détenir officiellement le pouvoir.
Mieux vaut, selon Lotfi Zitoun et quelques autres éminences grise de Ghannouchi, négocier avec les plus éclairés des anciens cadres du régime de Ben Ali, plutôt que de pactiser avec la génération inexpérimentée et arriviste qui entoure le Premier ministre.
Changement de cap?
Dans les coulisses, certains préparent un changement de cap. Le chef de l’état a envoyé son fils chéri, Hafedh Caïd Essebsi, patron du mouvement présidentiel Nida Tounes, au Qatar, où il a été fort bien reçu. Avec les gâteries, dit-on, qui accompagnent les séjours à Doha. Quant à Rached Ghannouchi, comme à son habitude, il écoute les uns et les autres, en se réfugiant dans un silence impérial, qui est sa posture préférée. Jusqu’au moment, du moins, où le sphinx tranchera, suivi par un mouvement devenu le premier de Tunisie aux dernières élections municipales de 2018.
Autant de rebondissements qui pourraient rendre encore un peu plus illisible pour les citoyens tunisiens une vie politique livrée aux palabres, aux arrangements et aux retournements.