RDCongo, la libération de Bemba inquiète Kabila

Le 8 juin, Jean-Pierre Bemba, dirigeant congolais charismatique et rival acharné du président Joseph Kabila, a été acquitté par la chambre d’appel de la Cour pénale internationale d’une condamnation pour crimes de guerre en 2016. Sa rentrée probable dans la politique congolaise va bouleverser la campagne avant les élections prévues en décembre 2018.

Jean-Pierre Bemba a été acquitté par la chambre d’appel de la Cour pénale internationale (CPI) des charges de crimes de guerre relatives aux actions de ses troupes en République centrafricaine en 2002-2003. Le 12 juin, après une audience sur une affaire de manipulation de témoin, il a été provisoirement libéré.

L’arrestation de Bemba sur un mandat de la CPI en 2008 avait enlevé l’un des plus féroces rivaux du président Joseph Kabila, et son acquittement pourrait remodeler le paysage politique de la République démocratique du Congo (RDC) alors que le pays se prépare aux élections présidentielles prévues pour décembre 2018.

Le retour de Bemba en RDC pourrait forcer le président Kabila, dont les tentatives de rester au pouvoir ont rencontré une forte opposition nationale et internationale, à modifier ses calculs. Pour Kabila, Bemba est une menace politique, mais son retour pourrait aussi être l’occasion de diviser l’opposition.

Si Kabila démissionne, la réapparition de Bemba pourrait augmenter les chances d’un vote véritablement compétitif. Ce serait une étape positive pour la stabilité en RDC.

Un paysage politique transformé

L’opposition en RDC est en constante évolution alors que ses dirigeants tentent de négocier des alliances, avec des échéances à une ou deux mois pour les nominations des candidats (juin pour les élections provinciales et juillet/août pour les élections présidentielles et législatives).

Aujourd’hui le gouvernement continuet d’imposer des restrictions aux libertés politiques, de sévir contre leurs réunions et de harceler plusieurs dirigeants de l’opposition.

La situation reste fluide, mais jusqu’à présent deux blocs d’opposition émergent. Depuis mars, le MLC de Bemba, et l’Union pour la Nation Congolaise (UNC), dirigée par Vital Kamerhe, et l’ancien Premier ministre Adolphe Muzito qui travaillent à une plateforme commune (Muzito, en dissidence avec son parti Lumumbist Unified (PALU) et Kamerhe ont des bases politiques complémentaires dans l’ouest et l’est du Kivu).

Le deuxième bloc comprend Moïse Katumbi, ancien gouverneur de la province du Katanga, et Félix Tshisekedi, le nouveau leader de l’UPDS, qui reste le plus grand parti d’opposition. Cette alliance a eu son premier grand rassemblement à Kinshasa le 9 juin. Les deux dirigeants ont récemment eu des entretiens avec des partenaires internationaux et ont discuté d’un éventuel pacte électoral et des perspectives de s’unir derrière un seul candidat à la présidence. Reste à savoir si Katumbi sera capable de se présenter, car il est confronté à de nombreuses contestations judiciaires, y compris des allégations selon lesquelles il a perdu sa citoyenneté congolaise.

Tshisekedi lui, essaie de suivre les traces de son père, Etienne, décédé en février 2017. Il a un parti actif mais divisé et n’a pas les moyens de mener une campagne nationale.

Un nouveau défi pour Kabila?

La RDC est toujours confrontée à un nombre inquiétant d’incertitudes à mesure que les échéances des candidatures s’annoncent. Quels leaders de l’opposition seront en mesure de diriger?

On ne sait pas à l’heure actuelle comment une candidature de Bemba à la présidence pourrait s’associer avec les dirigeants régionaux. D’une part, la stature de Bemba fait de lui une alternative réaliste à Kabila, à un moment où les dirigeants d’Afrique centrale et australe multiplient les efforts diplomatiques pour persuader le président de rester à l’écart, craignant que la crise en RDC ne s’aggrave s’il refuse.

D’un autre côté, certains dirigeants régionaux peuvent considérer Bemba avec méfiance, compte tenu de son bilan mitigé dans la région. En tant qu’ancien proche allié du président ougandais Yoweri Museveni, Bemba pourrait ramener l’Ouganda à jouer un rôle de premier plan dans la crise en RDC.

Conclusion

Six mois après les élections de décembre 2018, la décision inattendue de la chambre d’appel de la CPI a provoqué une onde de choc à travers la politique congolaise. Bemba n’a pas encore annoncé ses prochaines étapes, mais le 9 juin, un jour après son acquittement, le MLC a annoncé l’organisation d’un congrès du parti les 12 et 13 juillet. Les projets de Bemba sont susceptibles d’être rendus publics à cette occasion, sinon avant, car Bemba devra bientôt s’inscrire comme candidat pour se présenter aux élections. Pour l’instant, il semble très probable qu’il rejoindra la mêlée politique car gagner la présidence représenterait l’aboutissement de son long combat pour obtenir le pouvoir en RDC.

Idéalement, bien sûr, Kabila se retirera et permettra aux leaders de l’opposition de se présenter. Toute tentative du président de prolonger son mandat provoquerait probablement une crise politique majeure. Les acteurs internationaux, en particulier les dirigeants africains dont les pressions ont contribué à faire avancer les préparatifs électoraux, devraient continuer à pousser Kabila à se tenir à l’écart, afin que le gouvernement permette aux politiciens de l’opposition de se lever et d’obtenir un vote crédible.

avec Crisis Group