BEST OF 2: Des attentats au Mali médiatisés, d’autres moins

Les médias français n'évoquent guère la situation sécuritaire catastrophique du Mali, sauf quand on compte, comme dimanche à Bamako, des victimes européennes.

 

Au Mali, l’attaque djihadiste contre un lieu de villégiature touristique, fréquenté par des Occidentaux, ce dimanche près de Bamako, a fait deux morts, dont une Française.

La dernière attaque djihadiste qui a eu lieu à Bamako dimanche, est à peine évoquée dans la presse française. Ils le font brièvement, une brève à la fin des bulletins radio et des journaux télévisés, mais ils le font. Et ils s’y résolvent uniquement  parceque le campement attaqué, appelé « Kangaba », est fréquenté par les européens et qu’une des deux victimes est de nationalité franco-gabonaise.

Le reste du temps, le Mali n’intéresse guère notre presse hexagonale. Ainsi la grande manifestation de samedi contre les projets liberticides du président IBK sur laquelle nous reviendrons n’a guère retenu l’attention des journalistes français, victimes de leur aveuglement depuis l’opération militaire française de 2013 vue comme un succès total, le seul du président Hollande. C’est dire qu’à leurs yeux les victimes des terroristes au Mali quand ils ne sont pas blancs de peau n’existent même pas.

Deux poids, deux mesures

Le silence des médias français est assourdissant  lorsque des raids terroristes font des victimes parmi les civils dans le Nord du Mali, chez les soldats maliens ou encore les Africains présents au titre de la Minusma. Chaque semaine ou presque, des Africains meurent, et ils sont même de plus en plus nombreux, civils ou soldats, à être assassinés par des raids terroristes, tant la situation s’empire chaque jour au Mali. Mais ces morts là pèsent peu.

Au moins cinq personnes, dont deux civils et trois militaires, ont trouvé la mort la semaine dernière lors de plusieurs attaques attribuées aux djihadistes dans le nord et le centre du Mali, a-t-on appris de sources militaires.

Ainsi, deux soldats ont été tués et plusieurs sont portés disparus après l’attaque samedi à l’aube du camp militaire de Bintagoungou dans la région de Tombouctou (nord-ouest) par des « assaillants non identifiés ». Cette attaque survient après la mort jeudi d’un soldat dans l’explosion d’une mine près d’Ansongo dans la région de Gao (nord).

Le même jour, une autre attaque a été perpétrée par des assaillants non identifiés contre des postes de douane et de gendarmerie à Hombori dans la région de Mopti (centre). Deux paysans ont été tués dans leur champ par six hommes armés circulant sur trois motos, ont rapporté des élus locaux.

L’appel aux religieux

Nous voici dimanche, on l’a compris, dans un autre cas de figure. L’écho donné à Paris aux manifestation du djihadisme au Mali aurait été encore plus fort s’il s’était agi de soldats français, qui ont droit à un communiqué de l’Elysée et aux gros titres de la presse.

Ce traitement sélectif ne doit rien à une analyse rigoureuse de la situation calamiteuse que connait aujourd’hui ce pays. Peu importe à nos médias que le président malien, IBK, porté au pouvoir dans les wagons de l’armée française,  soit en train de préparer le passage constitutionnel à un régime ultra autoritaire. Peu importe que le même qui était venu proclamer, après l’attentat contre l’équipe de Charlie Hebdo, qu’il était solidaire avec les Français, s’appuie de plus en plus sur les forces religieuses réactionnaires et corrompues qui sont les seules à pouvoir tenir encore le pays. Peu importe enfin que l’armée malienne soint en train d’imploser et que tous les spécialistes prédisent un chaos général dans l’hypothèse où l’armée française quitterait le pays.

Un story telling absurde

Seules les menaces qui placent contre « nos » expatriés font encore réagir, et fort briévement, les médias français. Pour le reste, on nous explique de loin en loin que grâce à l’intervention française en 2013 (dite opération Serval), la France aurait ramené la paix et rétabli la démocratie, comme l’avait proclamé Laurent Fabius, alors ministre des Affaires Etrangères de François Hollande. C’est à ce story telling totalement contredit par les réalités de terrain que se tiennent les envoyés spéciaux embarqués dans les fourgons militaires ou dans les avions affrétés par l’Elysée vers les campements de l’armée française. Les rares correspondants français, sur place, s’en tiennent aux confidences glissées par les diplomates qui leur assurent en échange une certaine sécurité dans un pays devenu objectivement dangereux.

Le discours lénifiant tenu par Emmanuel Macron devant les troupes françaises (A lire sur le site de l’Elysée) ne laisse pas présager un nouveau cours de la politique malienne de la France

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)