L’après Tebboune aurait débuté en Algérie

En cet anniversaire du 1er novembre 1954, date du premier appel du Front de libération, qui doit être marquée par un référendum constitutionnel, l’état de santé du Président Tebboune rend l’avenir du régime algérien plus incertain que jamais

Pour fèter le 1er novembre 1954, date du premier appel adressé par le Front de libération (FLN) en faveur de l’Indépendance, le chef d’état major Chengriha apparait en civil dansun établissement militaire, ce qui est inhabituel

Le transfert en urgence du président Abdelamjid Tebboune vers un hôpital allemand signe la mort politique du président. La situation n’a jamais été aussi critique. Alors qu’a lieu le référendum constitutionnel exigé par le président Tebboune pour assoir son autorité et incarner « L’Algérie Nouvelle », le pays entier est dans le brouillard. 

Certains analystes n’hésitent plus à assurer que l’hospitalisation en urgence du président, puis son transfert dans un hôpital allemand, rend le scrutin du 1er novembre obsolète. « Comment entrer sous l’ère de la nouvelle constitution sans sa promulgation par le président de la république ? Sous le régime de quelle constitution faudra t’il déclarer une vacance temporaire du pouvoir présidentiel lorsqu’il adviendra qu’elle sera inoccupée durablement ? » se demande le journaliste et militant du Hirak El-Kadi Ihssan dans une analyse parue sur son site d’informations Radio-M. 

La décision de transférer le président algérien vers un hôpital allemand a profondément  choqué l’opinion publique. Selon nos sources, ces réactions auraient contraint le haut commandement militaire à envisager sérieusement un plan B. Or, toujours selon El-Kadi Ihssan, « le président Abdelmadjid Tebboune ne pourra pas réoccuper sa fonction présidentielle pendant une longue période, dans le cas, le moins certain, ou il pourrait recouvrer des capacités de travail normales pour un chef d’Etat ». 

Le dessinateur Dilem dans le journal Liberté, représente deux dessins identiques, ou presque. Un avion algérien dans un tarmac d’aéroport et deux brancardiers qui courent prêts à évacuer un malade. Avant : l’avion présidentiel partait en Suisse où se faisait soigner le président Bouteflika. Après (dessin 2) : il est en Allemagne.

Le spectre d’une Algérie avec un chef impotent hante le haut commandement militaire. «Le Président a commencé à recevoir le traitement approprié et son état de santé est stable et n’inspire aucune inquiétude», a tenté de rassurer, visiblement sans convaincre, un communiqué de la présidence de la République daté du 30 octobre. De son côté le quotidien El-Watan rappelle que la dégradation de la santé du président l’a empêché d’inaugurer la Grande Mosquée d’Alger, à l’occasion de la célébration du Mawlid Ennabaoui ( le Noël muuilman). « D’aucuns ont nourri des inquiétudes légitimes au sujet de l’état réel du Président, surtout que nous avons affaire à un sujet âgé, lui qui aura 75 ans le 17 novembre prochain, et qu’il est de notoriété publique que M. Tebboune est un grand fumeur » écrit le quotidien francophone, peu suspect d’être anti-gouvernemental. El-Kadi Ihssan lui va plus loin « l’Algérie est entrain d’entrer dans une nouvelle crise de la fonction présidentielle, semblable à celle ouverte par l’AVC de Abdelaziz Bouteflika le 27 avril 2013 ».

Imperturbables, les services de communication de la présidence algérienne continuent à publier des communiqués rassurant sur l’état de santé dur président « qui travaille depuis son lieu d’hospitalisation ». Autant de publications diversement moquées par les internautes algériens. Le dernier en date -« Monsieur Tebboune votera par procuration »- bat tous les records de sarcasme. 


LE HAUT COMMANDEMENT MILITAIRE PIEGÉ PAR LUI-MÊME. 

Le projet voici un an de feu Ahmed Gaïd Salah, l’ancien chef d’état major, de placer Abdelmadjid Tebboune à El Mouradia n’avait déjà pas tout à fait réussi à aligner tous les décideurs au sein de la haute hiérarchie de l’armée algérienne, rappelle El-Kadi Ihssan. « Lorsqu’en novembre 2019, le patron de la DSI, le général Wassini Bouazza, a soutenu en sous-main la candidature de l’ancien ministre de la culture Azzedine Mihoubi. Le nouveau patron de l’ANP, le chef d’Etat Major Saïd Chengriha a tenté de faire corps autour de cet héritage présidentiel, peu emballant au sein même de l’armée » écrit-il.  « La séquence historique algérienne est, dans son contexte, semblable par la succession gérontocratique, à celle de la fin du règne Brejnévien et à la crise de l’empire soviétique. Entre novembre 1982 et mars 1985, le politburo du parti communiste soviétique a généré deux leaders éphémères, Andropov et Brejnev, parmi ses sexagénaires pour se continuer à l’identique, avant de recourir au réformateur Mikhail Gorbatchev, 54 ans » analyse El-Kadi Ihssan. 

Les décideurs de l’Armée algérienne se retrouvent une fois de plus pris dans leur propre piège. Pour les prochains jours qui s’annoncent sombres sur les fronts politiques et économiques, les responsables pourront compter sur le re-confinement, de plus en plus envisagé, pour faire taire toute forme de protestation. 

Mais plus que jamais les hauts gradés du pouvoir réel devront se rendre à l’évidence : à défaut d’avoir un Gorbatchev sous la main, il leur faut soit ouvrir le champ politique, soit assumer un pouvoir militaire sans vitrine civile.

L’heure des faux semblants tire à sa fin. 

Article précédentMali: le confinement de Paris
Article suivantJean-François Bayart : « Il y a bien une islamophobie d’Etat en France »
Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)