Egypte, des présidentielles sur fond d’assassinats

La campagne pour la présidentielle égyptienne des 26 et 27 mai prochains s’ouvre dans un climat de fortes tensions et de violences extrêmes, dont des condamnations à mort et/ou à la prison à vie en cascade de personnalités Frères musulmans

SissiDepuis la déposition de Mohamed Morsi, le 3 juillet dernier, à l’occasion d’un coup d’État militaire fomentée sous la férule du Maréchal Abdel Fattah Al-Sissi aujourd’hui à la tête de l’État, la répression, les arrestations, les assassinats et attentats se multiplient dans tout le pays. Un climat de forte insécurité s’est installé. Le nouveau pouvoir égyptien ne s’en prend pas seulement aux Frères musulmans, qui sont certes sa cible privilégiée, mais à une opposition hétéroclite composée aussi bien d’islamistes, de conservateurs, de libéraux, de socialistes et de sécularistes qui ont compris comment la révolution de janvier 2011 qui a fait tomber Hosni Moubarak est en train d’être détournée de son cours initial.

Des élections tronquées

Le seul adversaire de Sissi dans la perspective de la confrontation électorale à venir, à savoir Hamdeen Sabbahi, une figure de la gauche laïque égyptienne, serait lui-même, avec ses soutiens, victime d’intimidations des forces de sécurité. Ajouté à cela des médias publics et privés qui soutiendraient manifestement le candidat Sissi dans une campagne tronquée par avance. Il est pour le moins surprenant que ce dernier, lequel a véritablement concocté les ingrédients d’un climat délétère de violence structurelle et de contre-violences pour l’heure conjoncturelles, se présente en garant de la « sécurité », de « l’espoir » et de « la stabilité ». Qui pourrait sérieusement y croire, tandis que l’ONU dénonce « des procès de masse », une justice expéditive et partiale aux ordres d’un régime qui n’a objectivement reçu aucun mandat du peuple ?

La légitimité du scrutin est par conséquent d’ores et déjà entachée dans la mesure où une grande partie du spectre politique et, ipso facto son électorat, est considérée comme « terroriste » et est ainsi exlue de toute forme de représentativité. Tout un courant d’opinion, qu’on soit d’accord ou non, est de cette façon purement et simplement ignoré et méprisé. Ceci, assurément, est un déni de démocratie qu’aucun antagonisme idéologique ne peut à lui seul justifier.

Un autoritarisme sans états d’âme

Ainsi, nous nous acheminons en toute vraisemblance au mieux vers une élection semi-concurrentielle, au pire vers une élection non concurrentielle avec toutes les conséquences sociales possibles, comme par exemple la radicalisation. Le taux de participation sera l’enjeu majeur pour mesurer le regard que portent les Égyptiens sur la tournure actuelle des événements et la gestion du pouvoir par les militaires. A moins qu’il y ait bourrage d’urnes. Ce qui n’est évidemment pas exclu, de loin s’en faut, tant on connaît la détermination de l’Armée à conserver sa position d’hégémonie dans le futur système politique égyptien.

L’actuel pouvoir est un néo-autoritarisme ou un autoritarisme régénéré sans doute beaucoup plus redoutable que celui de Hosni Moubarak. Seule une société civile organisée et aidée de forces libérales, qu’elles soient conservatrices ou sécularistes, est en capacité d’y résister et, éventuellement, de le défaire.