Coronavirus (3), un civisme à éclipses en Tunisie

Avec 24 cas recensés et aucun décès, les autorités tunisiennes semblent maitriser la situation créée par le coronavirus, tout en faisant confiance à la vigilance des citoyens pourtant loin de respecter les consignes de prudence.

Une chronique de Najoua Hassan

Au début du déclenchement du virus en Chine, les Tunisiens ne payaient guère d’attention à ce nouveau fléau. La pandémie se rapprochant de l’Europe, plus précisément de France et d’Italie, où se trouve une bonne partie de la diaspora tunisienne, le pays a commencé à s’alarmer. D’ailleurs, le premier cas annoncé le 2 mars était un Tunisien venant d’Italie à bord d’un bateau.

Depuis, les cas de coronavirus se sont multipliés, encore quatre malades contaminés ces vingt quatre dernières heures. Importée dans un premier temps, essentiellement d’Europe, l’épidémie se propage désormais dans tout le pays

La prière du vendredi interdite

Le gouvernement récemment installé, fin février, s’est trouvé face à l’urgence sanitaire. Le pays en effet n’a pas les infrastructures sanitaires nécessaires pour faire face à une épidémie qui se propagerait à une large échelle. Ainsi, les vacances scolaires ont été avancées, les lignes aériennes et maritimes suspendues;,les restaurants et les bars fermés à partir de 16h; et aussi les prières collectives dans les mosquées, y compris la prière du vendredi, interdites.

Hélas, certains citoyens à risque n’ont pas respecté les indications de confinement. Ce fut le cas d’un homme de 83 ans, originaire de Bizerte, qui a quitté l’hôpital clandestinement pour prendre un avion de Tunisair et partir vers Strasbourg. Sa présence à bord de l’avion n’a été découverte qu’à son arrivée en France. Ce qui a créé une grande panique au niveau des passagers.  Un autre homme, originaire de Sousse et soupçonné d’avoir le virus, a lui aussi refusé de respecter les mesures de quarantaine.

Ces incidents ont donc obligé les autorités tunisiennes à imposer des possibles sanctions de 6 mois de prison et une amende de 120 dinars.Des instructions fortes ont été données aux gouverneurs dans les régions de veiller à l’application de ces mesures et au respect des indications du confinement. Des avis de recherche ont été émis contre ceux qui violent la loi.

On a même assisté à des arrestations!

Des réseaux sociaux enflammés

Reste que beaucoup de Tunisiens semblent ne pas être réellement confiants dans le respect des mesures annoncées par le gouvernement. Amel, universitaire et spécialiste en géologie se dit « sceptique » face aux nombreux promeneurs dans les souks et autres endroits publics. « Je n’ai pas l’impression qu’ils ont changé leurs habitudes, c’est l’inconscience qui règne et c’est alarmant ! ». Des images ont circulés sur les réseaux sociaux montrant des marchés plein à craquer, comme le souk populaire de Moncef Bey ou encore le marché des voitures à El Mourouj dans la banlieue de Tunis.

Ces images ont enflammé la toile. Des groupes facebook ont été créés: « Le peuple Tunisien pour lutter contre le coronavirus », « Volontaire contre le corona » ou encore « Solutions pour faire face au Covid-19 ».

En réaction aux réseaux sociaux, le chef de gouvernement a annoncé lundi 16 mars l’interdiction de tous les rassemblements (souks, fêtes, manifestations sportives…) et la limitation des horaires de travail à une séance unique de 5 heures, sans se résoudre au confinement général.

Hôpitaux publics, 200 lits de réanimation

Du côté des hôpitaux tunisiens, la situation est encore sous contrôle, quoique beaucoup de citoyens dont on soupçonnait la contamination avec le virus, ont été priés de rester chez eux dans l’auto-isolement, par manque de place. Le ministre de la Santé, Abdellatif El Mekki n’a pas caché le manque en équipement dont souffre le pays, à savoir une capacité en matière de lits de réanimation de 200 lits. Il a déclaré, néanmoins, qu’il fera appel au secteur privé pour arriver à une capacité de 500 lits. Chokri Hamouda, membre du comité permanent de lutte contre le coronavirus a, reconnu de son côté que la Tunisie est en train de suivre les mesures du niveau 3 pour contenir la pandémie, alors qu’elle est réellement au niveau 2, et ce, afin de « mieux contrôler la situation, vu que le secteur sanitaire souffre d’un manque au niveau des équipements médicaux nécessaires pour lutter contre le virus ». La Chine a proposé d’envoyer des aides médicales à la Tunisie afin de renforcer ses capacités de lutte contre le virus.

La Tunisie, déja en quasi faillite, fait face à des dégâts collatéraux énormes. Le nouveau gouvernement en place qui avait tablé cette année sur un taux de croissance 1,5% a réduit ses ambitions. La Bourse de Tunis a perdu 7 points. Et le secteur du tourisme, vital pour l’économie tunisienne, pourrait lui aussi décrocher.