Centrafrique, les erreurs de casting de la France

Le poste d’ambassadeur de France à Bangui est probablement l’un des plus exposés du réseau diplomatique français. Depuis le coup d’Etat du général Francois Bozize, le 15 mars 2003, pas moins de sept ambassadeurs se sont succédé sur les bords de l’Oubangui. Un huitième est attendu dans les prochaines semaines. Sur la période de 15 ans (2003-2018), la durée moyenne de séjour, à Bangui, d’un ambassadeur français est inférieure à deux années, alors qu’habituellement un ambassadeur reste en poste entre trois et quatre ans.

par Aza Boukhriss

Le Quai d’Orsay a multiplié les erreurs de casting pour ce pays si particulier ( cf. l’ouvrage « L’Oubangui-Chari, pays qui n’existait pas »  de Jean-Pierre Tuquoi, édition La Découverte). Sous le quinquennat de François Hollande, les trois ambassadeurs de France qui ont servi à Bangui ( Mucetti, Malinas et Bader) ont eu des difficultés peu communes.

Serge Mucetti (18 mois de séjour ), nommé un mois avant l’élection de François Hollande, a été incapable de diagnostiquer les dangers pourtant évidents et les conséquences désastreuses de la constitution puis de la marche victorieuse de la Seleka vers Bangui, fin 2012. Il fut rappelé, seulement un an après, la veille de l’Opération Sangaris. Après Bangui, il sera néanmoins nommé à Djibouti avec les mêmes erreurs d’appréciation. Sa mission fut de nouveau écourtée après seulement un an de séjour.

Son successeur, Charles Malinas, (32 mois de séjour), spécialiste de l’Allemagne et de l’Europe centrale, découvrait l’Afrique avec ses particularités et un pays en pleine tourmente. Comme son prédécesseur, c’était son premier poste d’ambassadeur. On connaît sa cogestion avec la présidente de la Transition et les soupçons qui pèsent sur son implication dans l’élection présidentielle de février 2016. Ayant quitté son poste de Bangui, avec les félicitations francaises et les honneurs centrafricains, il fut rattrapé par sa gestion personnelle des visas. Ayant été affecté comme ambassadeur, à Prague, son séjour fut brutalement interrompu au bout de quatre mois. Un record difficile à battre.

Enfin, Christian Bader,  pourtant habitué aux missions difficiles, quittera ses fonctions d’ambassadeur de France à Bangui, après 19 mois de service. Beaucoup plus écrivain que diplomate, sera-t-il nommé dans une nouvelle ambassade pour un court séjour, comme ses deux prédécesseurs ?

La crise centrafricaine échappe à la diplomatie française
Sur les sept ambassadeurs nommés depuis 2003, seuls deux avaient une réelle expérience de l’Afrique centrale francophone. Ce sont les seuls à avoir accompli un séjour dans les normes habituelles. Comme désormais la plupart des ambassadeurs français en Afrique centrale,  les cinq autres ambassadeurs en poste à Bangui ont surtout été les représentants des pouvoirs locaux. Les soutiens irréfléchis aux dirigeants en place n’ont pas apporté les dividendes que la France aurait pu escompter. Le retour de la Russie, d’Israël, de l’Afrique du sud sur la scène centrafricaine n’est pas que diplomatique, il est aussi profitable à leurs entreprises. Les instructeurs militaires russes et les commandos du président Kagame, nouveau protecteur du président Touadera, remplacent les Français accusés de tous les maux, par les Centrafricains, après la fin de l’Opération Sangaris.

Désormais en seconde ligne derrière l’Onu, l’Union africaine et l’Union européenne, la France a perdu beaucoup de crédit non seulement en Centrafrique mais aussi en Afrique centrale. A vouloir se concentrer sur le Sahel et en affaiblissant durablement son réseau diplomatique en Afrique centrale, la France a perdu la place qu’elle avait avant le quinquennat de François Hollande.

Le huitième ambassadeur de France en République centrafricaine, en 15 ans, n’aura pas la tâche facile. Nul doute que la cellule diplomatique de l’Élysée ne laissera pas au seul Quai d’Orsay le choix du successeur de Christian Bader. Avec celui de Bangui, le choix des nouveaux ambassadeurs au Gabon et en RDC, prévus prochainement en raison du départ à la retraite des actuels titulaires, sera indicatif sur les intentions du président Macron sur cette zone en crise, que lui et son ministre des Affaires étrangères n’ont pas encore visitée.