Burkina : la vie du général Diendéré derrière les barreaux

 

Sur la foi des témoignages, Mondafrique a reconstitué le quotidien dans leur prison du général Gilbert Diendéré, de l’ancien ministre des Affaires étrangères Djbril Bassolé et leurs co-accusés détenus dans l’enquête sur la tentative de Coup d’Etat du 17 septembre 2015 au Burkina Faso.

C’est le quartier « VIP » de la Maison d’arrêt et de correction des armées (MACA) qui accueille la cinquantaine de personnalités civiles et militaire incarcérés pour leur implication présumée dans la tentative de coup du 17 septembre 2015 contre la transition dirigée par le président Michel Kafando et le Premier ministre Yacouba Isaac Zida.

Dans une des grandes ailes du quartier, se trouve le général Diendéré qui avait pris la tête du Conseil national pour la démocratie (CND), le directoire militaire mis en place par les putschistes. L’ancien chef d’état-major particulier de l’ex-président Blaise Compaoré bénéficie d’une chambre individuelle d’environ 15 mètres carrés. Une sorte de petit studio équipée d’un cabinet de toilette servant également de douche, d’un petit frigo. La radio et les journaux lui sont autorisés.

Selon des témoignages, on trouve dans cette même aile Léonce Koné, ancien vice-président du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, parti de Blaise Compaoré) qui avait apporté un soutien démonstratif à la tentative de Coup d’Etat. L’autre aile du quartier VIP héberge le général de gendarmerie Djibril Bassolé, ancien ministre des Affaires étrangères et ancien ministre de la sécurité publique. Lui aussi dispose d’une cellule individuelle aussi grande que celle du général Diendéré, cerveau présumé du putsch. Avec le même confort, mais la télévision en plus. Dans cette aile du quartier se trouvent également Me Hermann Yaméogo, président de l’Union nationale pour la démocratie et le développement (UNDD) et le colonel-major Boureima Kéré, au moment des faits chef d’état-major du président de transition Michel Kafando.

Parloirs et convivialité

Privilège dû à leur état des services, l’ancien ministre Bassolé et le général Diendéré reçoivent leurs visiteurs sous un manguier et non au parloir de la maison d’arrêt comme leurs co-accusés. Tous ont droit à 15 à 20 visiteurs par semaine, généralement le vendredi, samedi et dimanche. Sauf dérogation exceptionnelle obtenue auprès du juge d’instruction militaire pour les visites en pleine semaine.

Selon nos informations, le général Diendéré filtre ses visiteurs en approuvant la liste qui lui est apportée avant d’aller au parloir. Si Bassolé et Diendéré ont des chambres individuelles, les autres détenus sont repartis, quant à eux, à raison de trois par cellule. Tous prennent ensemble les repas amenés le midi et le soir par leurs familles. Les matons aussi profitent de l’abondance et de la qualité des plats apportés à ces personnalités passées des ors de la république aux fers de la détention. Ces moments de repas constituent des espaces de retrouvailles et de convivialité qui permettent de briser la solitude de l’enfermement. Le reste du temps est réservé au sport en chambre (gymnastique, pompes, abdominaux…) et à la lecture. Chaque matin, un motocycliste livre vers 10 heures les trois principaux quotidiens du pays : Sidwaya, L’Observatoire Paalga et Le Pays. La découverte fin décembre 2015 d’un projet d’anciens soldats du Régiment de sécurité présidentielle (RSP dissous) visant à faire évader les accusés a amené le régisseur de la MACA à renforcer la sécurité autour de la prison et à reconsidérer certaines faveurs. De même, la surveillance de parloirs a été renforcée. Alors qu’ils se faisaient sous la surveillance d’un seul garde, le parloir sous le manguier de Diendéré et Bassolé a désormais lieu en présence de trois matons couchés sur un matelas, à moins de 5 mètres du détenu et son visiteur.

Ecoutes versées au dossier

Les personnalités civiles et militaires détenues à la MACA préparent parallèlement leur défense en recevant régulièrement leurs avocats. Il arrive aussi qu’elles soient extraites pour être conduites devant le juge d’instruction militaire pour des auditions. Ce fut le cas le 08 décembre 2015 pour l’ancien ministre des Affaires étrangères Djibril Bassolé qui a été entendu pendant près de 10 heures avant de regagner sa cellule. Il a été interrogé ce jour-là pour la première fois sur le fond en présence de ses avocats Me Dieudonné Bonkoungou et Antoinette Ouédraogo.

Après plusieurs semaines d’atermoiements, la justice militaire a finalement décidé de verser au dossier d’instruction les interceptions téléphoniques entre le général Bassolé et le président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, Guillaume Soro. Le procureur militaire du Faso, le lieutenant-colonel Norbert Koudougou a d’ailleurs lancé le 15 janvier 2016 un mandat d’arrêt contre Soro sur la base d’écoutes téléphoniques dans lesquelles il envisageait avec Bassolé un soutien à la tentative de coup d’Etat du 17 septembre et l’élimination des personnalités dont le président du parlement de transition Cherif Sy et Salif Diallo, ancien ministre de Blaise Compaoré. Entre temps, M. Diallo est devenu président de la nouvelle assemblée nationale du Burkina Faso, la deuxième personnalité de l’Etat, à la faveur du double scrutin législatif et présidentiel du 29 novembre 2015.

Et ce n’est pas la seule mauvaise nouvelle pour la défense de Diendéré, Bassolé et leurs co-accusés. En effet, à l’installation d’un pouvoir peu favorable aux putschistes de septembre dernier aux commandes de l’Etat, s’ est ajouté l’attentat terroriste perpétré le 15 janvier 2016 à Ouagadougou contre le restaurant-bar Cappuccino, l’Hôtel Le Splendid et le bar-dancing Taxi-Brousse.

En raison de l’émotion suscitée par cette action terroriste et de son lourd bilan (30 morts), tout porte à croire que l’enquête sur la tentative de coup d’Etat va passer au second plan sur l’agenda des autorités judiciaires et policières.

Diendéré, Bassolé et les autres pourraient donc avoir à patienter longtemps derrière les barreaux avant d’être fixés sur leur sort.