L’Algérie enterre le DRS

Aussi incroyable que cela puisse paraître, l’Algérie tourne la page de son célèbre service de renseignement, le DRS. Ce dernier sera remplacé par une nouvelle agence « digne de l’époque moderne », s’enorgueillit un cadre du DRS qui promet un avenir radieux au nouveau-né : la Direction des services de sécurité (DSS) ou le Département des affaires de sécurité (DAS) – le nom définitif n’ayant pas été encore définitivement arrêté.

Eviter la « Syrie bis »

Mais en attendant qu’Abdelaziz Bouteflika signe le décret officialisant cette décision, un décret vraisemblablement non-publiable au regard de la sensibilité des enjeux, mais qui sera conservé dans les archives de la Présidence algérienne, la satisfaction est au rendez-vous dans les multiples sphères sécuritaires à Alger. « C’était un processus urgent. Une véritable course contre la montre : si nous n’avions pas réformé et restructuré notre service de renseignement, nous serions devenus la Syrie-Bis », assure le même agent. Et pour cause, « nous étions exactement comme la Syrie : une multitude de directions qui ne coopéraient comme il le fallait. A cause de la rivalité, les luttes d’influence et d’intérêt, les égos surdimensionnés des hauts gradés, face à une large campagne de déstabilisation, nous aurions pu sombrer dans des violences similaires à celles qui ravagent la Syrie », analyse le même officier.

Aujourd’hui, le nouveau service créé est une agence gérée et imaginée à l’américaine, à savoir une instance qui coordonne plusieurs départements sous la coupe de la Présidence de la République. Le pouvoir politique supervise le fameux « pouvoir parallèle », le projet pour lequel a oeuvré durant des années Abdelaziz Bouteflika a enfin abouti.

Le presidence toute puissante

Mais cela ne signifie pas que les résistances des anciens généraux du DRS hostiles à cette mutation ne va pas provoquer quelques remous. « Peu importe ces conflits que l’on peut encadrer. L’essentiel était d’améliorer nos capacités d’infiltration face à la menace terroriste de Daech. Notre collecte des renseignements devait absolument se moderniser pour s’adapter aux nouveaux défis régionaux », assure un officier mis à la retraite récemment qui a soutenu et appuyé cette restructuration du DRS. « Depuis l’éclatement de la crise syrienne, nous avions rédigé des rapports où nous avons lancé un sévère avertissement : l’Algérie est le dernier régime nationaliste du monde arabe. Nous avons énormément de défaillances comme celles de la Syrie : un régime sécuritocrate, une armée avec un grand poids et des services aux multiples ramifications. C’est tellement vieillot et archaïque que face à une crise sécuritaire alimentée par des réseaux étrangers et aggravée par une campagne médiatique mondiale très hostiles aux autorités en place, l’effondrement serait facilité par le manque de réactivité de nos institutions », confie sur un ton très franc l’officier retraité qui travaillé à l’étranger notamment au sein de l’ambassade d’Algérie en France.

Eviter les défections au sein des services, faire face aux manipulations de l’ennemi extérieur, sécuriser les frontières du pays et obtenir l’information avant tout le monde, ces missions engagent, désormais, la survie de l’Algérie. Le chef de cette nouvelle agence, le général-major Bachir Tartag disposera de toutes les prérogatives pour gérer ces équipes et proposer des plans d’action au Président qui sera son superviseur direct et son responsable hiérarchique. De son côté, la sécurité de l’armée, naguère un service relevant du DRS à l’époque du général Toufik, reste dans le gérant de l’état-major de l’armée et sera une unité opérationnelle qui supervisera les opérations militaires sur le terrain. Elle est, d’ailleurs, à l’origine de la réussite de plusieurs opérations de réussite réalisées par des troupes sur le terrain.

L’Etat-Major de l’armée algérienne conservera une cellule qui surveillera les médias et tout ce qui a trait aux relations publiques et extérieures. La sécuritocratie algérienne fait peau neuve. Mais reste tout de même la question du pouvoir que Bouteflika exercera sur le nouveau DRS. Si l’Algérie réussit à éviter le scénario syrien, qu’est-ce qui lui garantira que le clan d’Abdelaziz Bouteflika n’abuse pas de la puissance de ce nouveau service de renseignement pour décider de la succession au Palais d’El-Mouradia comme bon lui semble ?