Algérie, l’entente Tebboune/ Chengriha menacée par le Hirak

La force du mouvement populaire algérien pourrait troubler dangereusement la cohabitation entre le président Tebboune et le Haut commandement de l’Armée algérienne 
 
Des milliers de manifestants ont repris leur lutte pacifique dans les plus grandes villes du pays depuis les 22 et 26 février. Du coup, les relations entre la Présidence algérienne et le haut commandement militaire de l’ANP pourraient être mises à rude épreuve dans les jours à venir. 
C’est difficilement qu’une relation de confiance s’était construite entre le président Tebboune et l’Institution militaire au lendemain de la mort, le 23 décembre 2019, d’Ahmed Gaid Salah, l’ancien chef d’État major qui avait favorisé son élection.
 
Tout au long de l’année 2020, le chef de l’État s’était efforcé d’imposer un rapport de force en sa faveur avec l’institution militaire. Et il avait partiellement réussi. Le président Tebboune a été longtemps en effet l’homme fort du régime algérien, du moins jusqu’à sa contamination par la COVID-19 à la mi-octobre 2020. Durant ces mois, Abdelmadjid Tebboune a profité des divisions nées au sein de l’establishment militaire algérien au lendemain de la mort de Gaid Salah, qui nomé en 2004, régna d’une main de fer sur l’armée algérienne durant quinze longues années.
 

Said Chengriha, « l’intérimaire »

 
Lorsque Said Chengriha a succédé à Gaid Salah comme chef d’état major, il ne dispose pas des relais nécessaires pour s’imposer au coeur du pouvoir. Le nouveau patron de l’armée doit affronter pendant six mois face membres encore actifs du clan Gaid Salah, les généraux Wassini Bouazza, Abdelkader Lachekhma, Abdelhamid Griss ou Amar Amrani qi ne pensent qu’à l’évincer. C’est alors grâce à une alliance durement négociée avec Abdelmadjid Tebboune, le tout neuf Président algérien, qu’il parvient à tenir tète à ses rivaux et même à les évincer. .
 
 Durant cette transition difficile, le général Chengriha est contraint de demeurer le chef d’état major « par intérim », une position humiliante qui en choque plus d’un au sein de ‘institution militaire habituée à plus d’égards.  Pour survivre, le chef d’état major doit faire les yeux doux à un Président méfiant qui voulait imposer un équilibre entre les différentes composantes de l’ANP dans le souci de rester l’arbitre des élégances politiques. 
 
Aucun Président algérien n’a pu réellement contrôler réellement l’armée, saut peut-être le président Bouteflika, du moins jusqu’aux derniers mois de son rêgne où il est lâché par les militaires. Pendant un temps, Tebboune a cru qu’il représentait le coeur du pouvoir.
 
Le 2 juillet 2020, lors d’une cérémonie organisée au Palais du Peuple à Alger, le président Tebboune  préside  une cérémonie  de remise de grades et de médailles aux officiers de l’Armée nationale populaire (ANP). Le cérémonial a été filmé par les caméras de l’ENTV, chaîne de télévision étatique algérienne. Tebboune avait placé dans les premiers rangs les ministres civils en reléguant au second plan les militaires. Le symbole était fort. Le président signifiait ainsi qu’il était le véritable chef suprême des forces armées. 
 

Les doutes de Tebboune !

 
Mais dès octobre 2020, la situation a totalement changé. Atteint par les symptômes les plus graves de la COVID-19, Tebboune  disparaît de la scène  du pouvoir pendant pas moins de quatre longs mois ! L’armée en profite pour reprendre son rang de seule et unique institution détentrice du pouvoir. Chengriha a éliminé tous ses adversaires les plus gênants et peut enfin asseoir le pouvoir, au nom de la cohésion retrouvée de l’armée,à la fin de l’année 2020. 
 
Tebboune a compris qu’il a perdu la main. Dés son premier retour le 29 décembre 2020 à Alger, le Président fait profil bas devant Chengriha et l’Etat-Major de l’ANP tout en tentant de conserver un domaine réservé dans la gestion de l’Etat. Chengriha a respecté sa parole : il refusera de destituer Tebboune alors que ce dernier était gravement malade et incapable de diriger le pays. Tebboune doit sa survie à l’armée qui a refusé les appels à l’application du fameux article 102 de la constitution algérienne exigeant la destitution d’un Président empêché d’exercer ses fonctions. Et à partir du 12 février 2021, Tebboune est revenu de son séjour hospitalier en Allemagne rongé par les doutes.
 
Le président algérien s’active sur le plan diplomatique pour améliorer ses relations avec Emmanuel Macron et les dirigeants européens. Le soutien international est la dernière carte dont il dispose face à  l’armée. Ses promesses de libérer les détenus politiques et d’apaiser la situation interne en Algérie lui donnent un semblant de légitimité. 
 

L’armée, ultime arbitre

 
Tebboune était loin de se douter que le Hirak reviendra en force si vite. Dans son entourage, on ne cesse de le mettre en garde: des clans affiliés à l’institution militaire ont contribué à rallumer la flamme du Hirak pour marginaliser la Présidence. Ce fut après tout le cas avec Gaid Salah qui s’appuya sur les mobilisations populaires, en avril 2019, pour pousser Abdelaziz Bouteflika vers la sortie.
 
Le retour du Hirak s’il se prolonge encore dans les semaines à venir, inaugurera une partie d’échecs entre Tebboune et les généraux algériens. Il ne sera pas évident pour le Président algérien de sortir vainqueur de cette partie. En Algérie, aucun président n’a gagné durablement contre l’armée pas même le vieux rusé Bouteflika qui est pourtant resté vingt longues au pouvoir..

5 Commentaires

  1. simples supputations les tenants du vrai pouvoir (militaires et civils) en Algérie s’entendent entre eux pour défendre leur bas intérêts.

  2. Je reprends les paroles de l’un des plus grand géostratège et ancien ambassadeur USA en Algérie Robert Stephen Ford « même le diable en personne ne peut pas savoir ce qui se passe au sommet de l’état Algérien », donc ce n’est pas un tel torchon qui sera quoi que ce soit.

  3. Les jours de ce système archaïque sont comptés, le Hirak va continuer pour mettre un terme à cette comédie Algérienne qui n’existe nulle part ailleurs. Les systèmes basés sur la propagande, les mensonges et la désinformation imposent tôt ou tard. J’en veux pour preuve l’URSS.

Les commentaires sont fermés.