Bien à l’abri du tourbillon citadin et des odeurs de pots d’échappements, l’IMA propose une fois encore une originale échappée belle…
Une exposition multi-sensorielle pleine d’odeurs et d’idées.
Une chronique de Sandra Joxe
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Après l’aventure ferroviaire du Trans-Orient Express, la vertigineuse expédition immersive dans la pyramide Khéops et d’autres encore, nous voici conviés à … RENIFLER !
Cela devient une habitude : l’IMA initie des expositions audacieuses qui ensuite volent de leurs propres ailes et voyagent par delà les frontières, comme le rappelait fièrement son président Jack Lang, lors de la conférence de presse.
Gageons que les senteurs exquises de « Parfums d’Orient » feront le tour du monde : pour l’heure, c’est à Paris qu’on peut s’enivrer jusqu’au 17 mars 2024 dans cette exposition à la fois érudite et ludique.
Glandes abdominales de chevrotin
Le parcours est astucieusement conçu – qui démarre par une approche naturelle et le recensement des « essences » telles qu’elles ont été appréciées et récoltées depuis l’antiquité dans l’Orient. Provenances animales (l’ambre et le musc) ou végétales (florales comme la rose ou le jasmin mais aussi boisées comme la myrrhe, l’encens, le camphre, le bois oud… ).
Le visiteur est invité à identifier toutes ce odeurs originelles à l’aide de dispositifs olfactifs ingénieux et interactifs – qui n’ont pas que le mérite de nous plonger dans un festival d’odeurs délicieuses : ils sont tous visuellement très poétiques et se dévoilent dans une belle scénographie. Il s’agit de souffler sur des pétales de roses, ou d’inspirer à grands poumons les effluves d’un jasmin de nuit, il faut encore deviner la senteur que dévoile la pression d’un bouton magique… mais aussi admirer les brûles-parfums, les athanors, les serres nocturnes, des flacons de pétales ou les tapis d’épices ou autres tissus de boutons de fleurs…
Une collaboration réussie entre le studio de création « Magique », divers artistes contemporains audacieux et le parfumeur- créateur Christopher Sheldrake qui confie : « les senteurs ont été développées afin de stimuler notre imaginaire en nous faisant voyager dans le temps ».
Du labeur aux vapeurs
Un voyage dans le temps et l’histoire, c’est aussi cela que propose l’exposition en effet, à travers une mise en perspective documentée de l’évolution des mœurs mais aussi du trafic des senteurs (qui va avec celui des épices) dans le monde arabe jusqu’en l’extrême orient. Livres précieux, tissus, tapis, flacons, gravures enluminures : c’est tout un arsenal de témoignages ici réuni pour illustrer l’impact et le rôle fondamental des odeurs dans la société orientale.
La deuxième partie de l’exposition, intitulée « Les senteurs de la cité » se focalise ainsi sur la façon dont les homes ont utilisés et commercialisé les parfums à travers ces lieux d’échanges que sont les villes. Lieux de plaisir (le hammam) et lieux de pouvoir (les palais), lieux de travail (les tanneries), lieux d’échanges (le souk des parfumeurs et des marchands d’épices), lieux de culte et lieux sacrés. Chaque lieu a ses odeurs et ses rites, bien explicités – jusque dans ses manifestations contemporaines, grâce à une sélection de photos chatoyantes.
De la cuisine à l’alcôve
Mais c’est peut être la troisième et dernière partie du voyage qui déstabilise le chaland : « Au cœur de l’intimité de la maison arabo-musulmane » nous emporte dans les coulisses et c’est troublant. Troublant car l’exposition met en évidence ce phénomène universel : la sensation olfactive est probablement celle qui a le plus maille à partir avec le souvenir d’enfance, l’inconscient personnel ou collectif, la sensualité voire la sexualité.
Il s’agit là d’explorer tous les plaisirs, tous les désirs provoqués par les effluves d’une maison : depuis son jardin, sa porte d’entrée ou l’on accueille avec hospitalité et parfums choisis les étrangers, en passant par les cuisines où mijotent des mets odoriférants qui excitent les sens… mais encore, mais surtout les alcôves ou – dans le secret – les époux se préparent à l’étreinte, s’enduisent d’onguents, se parfument avant de pénétrer dans la chambre nuptiale…
Inutile de rappeler que le musc a toujours été considéré comme un ingrédient indispensable à la confection des philtres d’amour et autres aphrodisiaques !
Fumées d’encens, odeurs musquées capiteuses, voluptueuses, presqu’indécentes… Le visiteur alors se surprend à devenir « voyeur » ou plutôt : « renifleur » de toutes ces odeurs intimes qui suggèrent puissamment les plaisir de la chair… le tout dans une atmosphère digne des Mille et Une Nuits.
Les concepteurs de l’exposition affichent leur ambition : « l’ensemble de la visite devrait laisser au visiteur des souvenirs sensuels inoubliables riches et multidimensionnels ».
Mission accomplie : on ressort tout frissonnant, tout ébaubi et même… Parfumé !
* Et comme toujours à l’IMA l’exposition génère tout un tas d’activités-satellites : conférences, masterclasses, concerts,performances, projections de films et même travaux pratiques