La réponse de Noureddine Boukrouh aux papiers de Mondafrique

Les 2 et 9 février 2018, Mondafrique a publié deux articles sur Noureddine Boukrouh, fondateur du Parti du Renouveau Algérien, qui étaient signés « Louise Dimitrakis ». Voici le droit de réponse de monsieur Boukrouh, expurgé des passages diffamatoires, que nous publions ben volontiers.

Ces écrits d’un niveau inqualifiable ne sont pas centrés sur les idées que je suis en droit d’avoir et de publier comme n’importe qui, mais sur ma personne, ma morale et de prétendus actes de corruption

I) L’article du 2 février 2018 :

1) : « Les déclarations pro-berbéristes de Noureddine Boukrouh, l’ancien chef du Parti du Renouveau Algérien, semblent être une offre de services au Premier ministre Ahmed Ouyahia qui cherche à rallier cet électorat. Les anciens camarades de Noureddine Boukrouh qui le suivirent quand il créa en 1991 le Parti du Renouveau Algérien (PRA) sous l’ombrelle à l’époque du général Belkheir, le parrain du régime sous l’ancien président Chadli, étaient habitués à ses foucades qui finirent par justifier son exclusion de son propre mouvement ».

Réponse :

– L’emploi de formules comme « semblent être » et « ses anciens camarades » sans jurer de rien ni citer personne, est une manière propre aux lâches de ne pas endosser la responsabilité des infamies qu’ils s’apprêtent à commettre derrière le bouclier que constitue celui qui les publie en connaissance ou ignorance de cause.

– Ceux qui suivent l’actualité algérienne ont noté les échanges verbaux, écrits et publics qui m’ont opposé l’été dernier à M. Ahmed Ouyahia, Premier ministre. Ils peuvent aussi remonter à l’été 1998 où il était également Premier ministre quand nous nous sommes affrontés publiquement.

– J’ai créé le PRA en août 1989 en publiant dans la presse algérienne un « Appel à la création du PRA », et non en 1991. Je n’ai jamais eu affaire au général Larbi Belkheir avant son appel téléphonique en mars 1999 pour une rencontre en tête-à-tête avec le candidat à l’élection présidentielle Abdelaziz Bouteflika, offre que j’ai rejetée.

– Je me suis progressivement retiré du PRA à partir de juin 1997. Le Bureau national et le Conseil national du PRA ont été informés de ma décision et le congrès qui s’est tenu à Cheraga en août 1999 l’a entérinée. Le poste de président du parti n’a jamais été investi depuis mon départ.

2) « La profession de foi de Boukrouh sonne comme une offre de service destinée à le ramener aux « affaires » aux côtés de Ouyahia dont il avait été le ministre des PME (poste-clé où les privatisations rapportent aux intermédiaires de juteuses commissions), puis du Commerce ( où de non moins juteuses commissions sont prélevées sur toute transaction d’importation) ».

Réponse :

– J’ai été nommé ministre des PME en 1999 dans le gouvernement de M. Benbitour, et ministre du commerce en 2002 dans le gouvernement de M. Benflis.

– Le ministère des PME n’avait aucune attribution en matière de privatisation. Louise Dimitrakis doit donc prouver l’insinuation diffamatoire proférée (les « juteuses commissions » dont il fait état).

– Le ministère du Commerce, de mon temps, n’avait aucune compétence en matière d’importation et je n’ai jamais eu à signer une licence d‘importation ou à autoriser une opération d’importation ou d’exportation.

3) « Fidèle à sa manie de s’abriter derrière les citations d’auteurs célèbres, de Nietsche à Spengler ou Bennabi, l’ami Boukrouh s’est lancé, cette fois, dans la manipulation des textes de Aly El Hammami, cet ancien ami de Ho Chi Minh, qui fut l’auteur d’un roman historique, « Idriss », inspiré de « l’Histoire des Berbères » d’Ibn Khaldoun. L’étonnement est d’autant plus grand que Boukrouh avait fait de la dénonciation du berbérisme du RCD, le parti du kabyle Saïd Saadi, un des thèmes de sa candidature aux législatives en 1992. Ce qui lui valut une belle déculottée avec une centaine de voix seulement ».

Réponse :

– (…) En quoi ai-je tronqué la citation de Aly al-Hammamy ? Il n’y a pas plus convaincant que de mettre face-à-face deux citations, la bonne et la mauvaise pour confondre l’auteur de la vilenie, ce que Louise s’abstient de faire.

– Les législatives ont eu lieu en 1991 et non en 1992.

– « …Une centaine de voix seulement » : Louise peut-elle produire les résultats officiels du scrutin en question au lieu d’espérer être crue sur parole ?

4) « Malgré ces revers, Boukrouh fera parler de lui quand il mettra sa plume au service des éradicateurs hostiles au général Mohamed Betchine, principal conseiller du président Zéroual, qui tentait une médiation avec les politiques du Front islamique de salut (FIS). Selon des anciens du PRA, les violents articles de Boukrouh lui valurent quelques gâteries qui expliqueraient des investissements immobiliers au Liban ».

Réponse :

– Ma plume fait parler de moi sans interruption depuis 1970, et les médias français de tout horizon politique signalaient au début des années 1980 quelques-uns de mes articles parmi les plus retentissants.

– Le lecteur ou le chercheur intéressé par « l’affaire Betchine » peut consulter la presse de l’époque pour suivre le fil de « l’affaire » qui a commencé avec mes écrits entre mai et août 1998. Le général Betchine a été maintes fois interrogé entre 1998 et 2017 sur cette affaire sans jamais avoir prononcé mon nom ou m’imputer un quelconque rôle dans la « cabbale ». Dans l’affaire, c’était moi la victime puisque c’est moi que la police a arrêté et interrogé deux jours durant au commissariat central d’Alger.

– Louise Sellam ne dit pas en quoi consistent les « gâteries qui expliqueraient des investissements immobiliers au Liban », ni qui me les aurait prodigués pour mon soi-disant rôle dans « l’affaire Betchine ». Les événements en question remontent à 1998 et je n’ai fait aucun investissement au Liban.

5) « L’ancien patron du DRS (services algériens), le général Toufik, avait eu recours dans le passé aux « Ourouchs » dans sa vaine tentative de déstabiliser le président Bouteflika. Boukrouh avait bénéficié longtemps de la protection du puissant militaire, dont il avait fait l’apologie peu de temps avant son éviction en 2015 ».

Réponse :

– Il est aisé de se répandre en approximations et de lancer des affirmations gratuites en se réfugiant derrière l’anonymat et les rumeurs. Reste à les prouver, notamment cette « protection » du général Toufik. Je renvoie quiconque souhaite connaître mon point de vue sur cet homme aux articles que j’ai publiés à son sujet et à son intention en 2014 (dont « Au nom de la loi je vous arrête ! » et « A vous la parole, général »). Ils sont sur ma page Facebook, ainsi que des émissions tv où on m’interrogeait sur lui et Bouteflika.

– Lorsque le mouvement des « Arouchs » est apparu sur la scène publique, je siégeais au gouvernement du président Abdelaziz Bouteflika.

II) L’article du 9 février 2018

1) « L’article « Boukrouh, berbériste de la 13° heure », paru la semaine dernière, a valu à Mondafrique de nombreuses réactions d’approbation… »

Réponse :

Les médias ont pour but d’informer, non de recueillir des « réactions d’approbation ». Approbation de quoi ? d’un verdict de justice ? de la haine gratuite et jalouse ? de commérages de caniveau ?

2) « Un internaute informé assure que lorsqu’il s’est présenté à l’élection présidentielle de novembre 1995 Boukrouh a donné l’ordre de ne plus citer le nom de Malek Bennabi, Boukrouh avait peaufiné son image de lettré cherchant à faire obéir la politique à des exigences morales et intellectuelles. Pour ce faire, rien n’est plus convaincant que les références récurrentes à Malek Bennabi dont il se dit le dauphin presque désigné par le grand penseur lui-même ».

Réponse :

On ne sait bien sûr pas qui est cet « internaute informé ». Je gage que c’est Louise elle-même

3) « En 1995, suite à un des virages à 180 degrés dont il a le secret, Boukrouh découvrit soudain en Bennabi un « fondamentaliste »… Dans toute sa prose datant de cette période sombre, Boukrouh  s’est efforcé de désislamiser au maximum la pensée de Malek Bennabi en faisant croire que celui-ci aurait soutenu comme lui les généraux éradicateurs avec l’électorat hostile et généreux avec leurs plumitifs obéissants »…

Réponse :

– Lors de mon retrait de la vie politique en 1997, je me suis consacré à la rédaction d’un essai sur la crise algérienne qui a été publié aux Editions Casbah en arabe et français sous le titre de « L’Algérie entre le mauvais et le pire ». Un chapitre était réservé à « Bennabi et l’islamisme »où je démontrais que le penseur algérien et sa pensée n’avaient rien à voir dans l’essor de l’islamisme en Algérie ou dans le monde.

– En 2006 paraissait aux Editions Samar un gros ouvrage de moi intitulé « L’islam sans l’islamisme : vie et pensée de Malek Bennabi ». Avant de le remettre à l’éditeur, j’en avais proposé la lecture et la critique à quatre personnes qui avaient fréquenté le cercle de Malek Bennabi de son vivant, parmi lesquelles Sadek Sellam. Sa réponse a consisté à me reprendre sur deux points qu’il voulait inscrire au passif de Bennabi : la relation qu’il avait avec Massignon qu’il voulait que j’édulcore, et les récriminations de sa femme, Paulette Philippon, attestées par des lettres qu’il détenait et qu’il me remit

– En janvier 1992, je me suis opposé à l’arrêt du processus électoral par écrit et proposé une démarche alternative qui avait été publiée par tous les médias algériens.

Tout ce que je dis, en ce qui me concerne, est et peut être prouvé en se rendant sur ma page Facebook où se trouvent mes écrits publics (articles et livres).

4) « Un connaisseur des Carnets de Bennabi accuse Boukrouh de les avoir charcutés en fonction de ses calculs de carrière et sans aucun souci d’impartialité ».

Réponse :

J’ai rapporté dans ma présentation des « Mémoires d’un témoin du siècle » que j’ai publiés en 2007 dans quelles conditions ont été conservés ces documents et manuscrits et l’usage que j’en ai fait avec l’assentiment et sous le contrôle de la famille Bennabi.

5) « C’est moins l’écrivain qui intéresse Boukrouh que le protecteur sur qui il comptait pour avoir un poste, sur la base de quelques articles de presse publiés sur intervention du Dr Khaldi (un ami proche de Bennabi) et avant même d’avoir achevé ses études ».

Réponse :

Je publiais déjà dans le quotidien national « El-Moudjahid » en 1970, soit à l’âge de vingt ans, et Maxime Rodinson parlait de moi en réponse à un pamphlet contre lui en 1971. C’est ainsi que feu le Dr Khaldi s’est intéressé à moi, et non l’inverse

6) « Boukrouh a été très loin dans la provocation calculée quand, en 2015, il a fait la stupéfiante proposition de changer le classement des sourates du Coran ».

Réponse :

C’était en 2014, pas en 2015. L’article a été publié par « Le soir d’Algérie » le 8 décembre 2014 exactement sous le titre de « Remettre le Coran à l’endroit ».

8) « Selon un internaute qui a bien connu l’ex-ministre du commerce, Boukrouh n’a pas fait cette proposition surmédiatisée sur un coup de tête. Il a réagi froidement et posément à un appel dans le Monde de la Fondation El Kawakibi, qui voulait convoquer une sorte de « Concile » musulman à Paris destiné à « réformer » le pauvre Islam. C’était la période où le juppéiste « recteur » de la mosquée de Bordeaux (coresponsable de la débâcle électorale de Juppé) Tarek Oubrou faisait de l’Ijtihad » avec les seuls journalistes des chaînes d’information continue où il sommait les musulmans de France de « changer de théologie ». De son côté, Abdennour Bidar, actionné par l’islamologue islamophobe Rémy Brague, et sans doute désireux de complaire aux Loges, prescrivait doctement l’abrogation des sourates et versets du Coran qui déplaisent au laïcisme militant et médiatisé. Appliquée selon les singuliers critères de Michel Onfray (qui dit n’avoir trouvé dans le Coran qu’un seul verset intéressant), cette injonction conduirait à faire interdire la lecture de presque tout le Coran !

Réponse :

– Mon « Plaidoyer pour la réforme de l’islam » a paru dans la presse algérienne le 24 novembre 2014 alors que l’Appel de la fondation « al-Kawakibi » date d’avril 2015.

7) « L’envie de Boukrouh de participer au « Concile » était d’autant plus grande qu’à la lecture du nom de Marquart (ancien collaborateur du grand banquier Soros) comme organisateur, il se voyait déjà dans les circuits du capitalisme financier, avec des avantages plus importants que les commissions prélevées aux ministères des PME et du Commerce. Mais l’ex-converti à l’Islam Marquart (qui aurait apostasier suite à des déboires conjugaux) a dû jeter l’éponge et le projet de Concile à Paris fut abandonné. Moyennant quoi, Boukrouh a perdu une bonne partie de ce qui lui restait comme crédibilité et beaucoup d’« amis ».

Réponse :

C’est la première fois de ma vie que je lis le nom ou entends parler de ce Marquart, en m’excusant de cette ignorance. Non seulement Louise Sellam ment, déforme, invente, crée de faux témoins et de fausses sources, mais le voilà se substituant à moi, s’insinuant dans mes pensées pour me prêter des envies matérialistes que je n’ai jamais ressenties

8) « Il parlait flicaille avec Toufik, et prêts non remboursables avec les protégés de Larbi Belkheir à qui il octroyait un prêt non remboursable quand il privatisait à leur profit des entreprises publiques au dinar symbolique ».

Réponse :

Comme il est lassant de devoir répéter cette litanie, Louise, que vous aurez bien du mal à réunir les preuves de vos diffamations devant un tribunal !

9) « Une internaute révèle l’existence d’un magasin de chaussures tenu dans une petite ville de province par une proche de l’ex-ministre du Commerce de Ouyahia. Cela montre qu’en matière de retour d’épices les apprentis-penseurs du DRS appartiennent seulement à une sorte de « deuxième collège » dont les bakchichs suffisent à peine à investir dans le petit commerce. A sa décharge, Boukrouh ne semble pas avoir eu accès au « premier collège », réservé à ceux qui, comme Bouchouareb, placent leurs importantes commissions dans des paradis fiscaux … »

Réponse :

J’en apprends avec vous sur ma fortune et mes supposées « affaires », Louise. Quand ce n’est pas moi, c’est un ou une proche.

10) « A ce prosateur, s’applique la formule du général De Gaulle au sujet de Raymond Aron, même si comparaison n’est pas raison : « il est professeur à la Sorbonne quand il est au Figaro, et journaliste au Figaro quand il est à la Sorbonne ». Boukrouh joue à l’intello avec les généraux qui ont peu de temps à consacrer à la dialectique. Il se présente comme un politique quand il croise les vrais intellectuels, comme ce fut le cas avec le regretté Arkoun qu’il avait essayé d’utiliser quand le PRA-Immigration lui a organisé une conférence avec cet homme de dialogue, juste pour améliorer son « standing intellectuel »….

Réponse :

 On n’entretient pas autant de griefs envers quelqu’un qu’on tient pour petit et insignifiant.

La réponse de Mondafrique

L’adhésion au berbérisme de Boukrouh, un personnage polit révélateur des reclassements actuels, explique que Mondafrique consacre deux articles au fondateur du PRA. Il s’agit d’un travail collectif puisé à plusieurs sources. Ce n’est pas en tout ca la prose, comme monsieur Boukrouh le pense, du seul Sadek Sellam, spécialiste de l’Islam et connaisseur de Malek Bennabi, dont Mondafrique s’honore de publier régulièrement les chroniques. 

Nous maintenons que monsieur Boukrouh était politiquement proche de feu le général Belkheir, un des parrains du système aussi bien sous Chadli que durant la décennie noire et enfin sous Bouteflika après 1999. Directeur de cabinet de ce dernier, le haut gradé veillait au partage des commissions pharaoniques qui lui auraient permis, d’après le journal « Libération » (qui n’a pas été démenti), de posséder un compte créditeur de 300 millions de dollars sur ses comptes à Monaco. Nulle part, nous n’a affirmons que monsieur Boukrouh aurait participé à de tels détournements. Mais comment aurait-il pu en ignorer l’existence, lors de son passage à la tète de plusieurs ministères économiques (PME et commerce) et alors qu’il rencontrait régulièrement le général Belkheir, un des régulateurs de l’argent noir?

Par ailleurs, on comprend mieux par cette proximité entre Boukrouh et Belkheir pourquoi le premier s’en est pris constamment à Ahmed Taleb-Ibrahimi, figure respectée de l’histoire algérienne, que Larbi Belkheir a toujours politiquement combattu.

Nicolas Beau, rédacteur en chef de Mondafrique