Fonctionnaire au Quai d’Orsay en arrêt de travail depuis 2015, Françoise Nicolas a subi toutes sortes de harcèlements pour avoir joué le rôle de « lanceur d’alerte » lorsqu’en poste au Bénin de juillet 2008 à janvier 2010, elle signalait à sa hiérarchie de nombreux errements comptables et autres. Sa mise à l’écart a été l’oeuvre notamment de celle qui était en charge des ressources humaines du Quai d’Orsay, Nathalie Loiseau, devenue avec Emmanuel Macron ministre déléguée aux Affaires européennes avant de prendre la tète de la liste d’En Marche aux élections européennes.
Voici le témoignage de Françoise Nicolas que Mondafrique publie.
« Je m’appelle Françoise Nicolas. En 2008, j’ai été affectée à l’ambassade de France à Cotonou » au Bénin, au sein du Service d’Action et de Coopération Culturelle (SCAC) en charge des bourses d’études, de stage, des missions, des invitations et de l’organisation d’examens . Le secteur qui m’était confié était en grand désordre. Une simple remise à plat des dossiers entreposés me permit de mettre fin à des abus à la grande satisfaction de mon premier chef de bureau. Ainsi une bourse d’études pouvait être attribuée depuis sept ans sans justificatif quand le maximum est de trois ans pour une thèse. J’ai mis en place des bases de données pour gérer efficacement ces dossiers.
Premières manoeuvres
Pendant ma première année, j’ai fait l’objet de manoeuvres de l’ambassadeur visant à m’écarter de mon poste. C’était également le cas de mon premier chef de bureau. Décoré en janvier 2013, l’ambassadeur Hervé Besancenot, qui ne brillera pas plus tard en Mauritanie en servant les plats à l’actuel président Aziz sans jamais recevoir les mouvements d’opposition à cette dictature, obtint le départ de mon premier chef de bureau. J’étais de plus constammentl’objet de propos menaçants de la part de collaborateurs de l’ambassadeur. Du genre : « Attention, Madame Nicolas, vous jouez un jeu dangereux ».
L’ambassadeur me renvoya en France, au motif mensonger que j’avais contracté une maladie parasitaire. Je me retrouvais piégée, interdite de reprendre mes fonctions à l’ambassade. Je décidai de consulter un cabinet d’avocats et de saisir un tribunal administratif en août 2009 afin de pouvoir reprendre le cours de ma vie.
Retour au Bénin
À mon retour à Cotonou, en septembre 2009, je découvrais un nouveau chef de bureau, choisi par l’ambassadeur. Très vite, grâce à mes bases de données, je repérais et mettais en évidence un système de créations de dépenses fictives imputées sur le budget dont j’étais responsable. Concrètement, les dossiers se devaient de comporter un certain nombre d’informations, précises, essentielles, afin de justifier l’utilisation des fonds (telles que les coordonnées des bénéficiaires, des organismes concernés, etc).
Alors que j’étais en fonction depuis plus d’un an, les dossiers que je traitais m’étaient brusquement retirés pour être confiés à une recrutée locale. J’en restais pourtant officiellement responsable, mais, de fait, je ne contrôlais plus rien. Et ce que j’arrivais à en percevoir m’alarmait au plus haut point. Les dossiers étaient juste vides.
Agression physique
Pendant quatre mois, j’ai attiré l’attention de ma hiérarchie sur les « anomalies » induites par cette nouvelle organisation. En vain. Au bout de trois mois, j’avais fini également par exposer la situation à mon administration centrale, à Paris.
À cette période, j’ai reçu des menaces précises de l’encadrement de l’ambassade. Je communiquai certaines de ces menaces à mes avocats. Trois mois plus tard, j’étais agressée par surprise par la collègue qui partageait mon bureau alors que j’étais assise, absorbée par mon travail. J’ai survécu à une tentative de strangulation grâce à l’intervention d’un agent d’entretien qui, alerté par le bruit, est entré dans le bureau et est intervenu alors que je perdais connaissance. Il n’a été procédé à aucune enquête. L’agent d’entretien a été aussitôt licencié sans avoir été auditionné.
Mise en quarantiane
J’ai fait l’objet d’un rapatriement … disciplinaire. J’étais blessée, en état de choc. Je ne tenais pas seule debout, incapable de faire une valise. J’ai abandonné au Bénin tous mes biens, ma maison dont je venais de régler un an de loyer, mon véhicule, etc. Et, évidemment, sans qu’il ne me soit versé un centime d’euro de « compensation ». A titre personnel, j’ai dû surmonter les conséquences d’un état de stress post-traumatique, aigu puis chronique. Je suis restée hospitalisée deux mois avec demi-salaire, le ministère ne voulant pas reconnaître l’accident de service qui sera reconnu après dix huit mois de bataille acharnée.
Professionnellement, j’ai été mutée d’office sur un poste ne correspondant ni à mes compétences, ni à mes aspirations. Toutes mes demandes de mutation ont été refusées au titre de « la politique du noeud coulant » (sic) que m’applique le ministère des Affaires étrangères. Entre 2011 et 2015, j’ai listé 72 refus de changement de poste. Ma plainte pénale pour violences volontaires a été classée sans suite, sans instruction digne de ce nom, au motif qu’il ne s’était agi que d’une simple dispute. Une plainte pénale contre X pour tentative de meurtre a été déposée en 2015. L’instruction traine.
Des ressources bien peu humaines
Nathalie Loiseau, l’actuelle ministre déléguée aux affaires européennes, était alors directrice des ressources humaines du ministère des Affaires étrangères de 2009 à 2011, puis directrice générale de l’administration et de la modernisation (2011-2012). À partir d’août 2009, plusieurs procédures amiables ou devant des tribunaux ont été signifiées au ministère des Affaires étrangères, tant avant qu’après mon agression.
De par ses fonctions, Nathalie Loiseau en était la destinataire naturelle. En outre, en juin 2011, paraissait un livre de poche qui racontait mes aventures au Bénin (« Les diplomates. Derrière la façade des ambassades de France » de Franck Renaud, éditions Nouveau Monde).
Nathalie Loiseau, incarnation des baronnies du Quai d’Orsay, est en grande partie responsable de mes malheurs.
Responsable de l’absence d’enquête après mon agression.
Responsable de mon rapatriement disciplinaire sans commission de discipline.
Responsable de l’impunité de l’ambassadeur.
Responsable de la raison d’Etat que m’oppose le ministère des Affaires étrangères pour me priver de l’application des lois de la République.
Ministre désormais, Nathalie Loiseau se fait passer pour une féministe convaincue et une catholique fervente.
Le droit de réponse de Nathalie Loiseau, ministre des affaires européennes