Emmanuel Macron gère, de loin, la crise malgache

Les résultats de la Présidentielle à Madagascar ont été proclamés. Le président sortant, Andry Raojelina,  n’a pas hésité à passer au premier tour avec près de 60 % des voix en provoquant de très nombreuses protestations de toute l’opposition et une situation sociale très tendue. L’Élysée qui prétend avoir pris la main, comme on dit, sur l’Océan indien, affiche une approche de cette région du monde peu originale-ni indifférence, ni ingérence. Le tout pour masquer un grand vide de la diplomatie française.

Une chronique d’Olivier Vallée 

Le lundi 20 novembre 2023, l’ambassade de France accueille la cérémonie d’ouverture du Fonds pour les Projets Innovants de la Société Civile et Coalitions d’Acteurs « Femmes résilientes et actrices face à la lutte contre le changement climatique et ses effets ». Quelques jours après un premier tour pour le moins houleux. Le climat est devenu la ligne de front d’une diplomatie incapable d’avoir une ligne de conduite sur des élections peu fiables et sur les dérives de l’exécutif malgache depuis le coup d’État de 2009.

Arnaud Guillois, un ambassadeur transparent

Le président Macron pensait qu’en envoyant Arnaud Guillois, ambassadeur, passé par la voie de la sous-direction des affaires politiques (Nations Unies, organisations internationales, droits de l’homme et francophonie),  il avait trouvé, après son poste à Djibouti, le garant de la sauvegarde des intérêts français dans l’Océan indien.

Nommé en septembre 2022, l’ambassadeur de France a vite suscité la méfiance de toute la classe politique malgache par son manque de courtoisie vis-à-vis de la candidature du ministre des transports malgaches à la présidence de conseil d’administration de l’ASECNA. Le candidat malgache, soutenu par les États membres de l’ASECNA, en particulier ceux du Sahel, a été cependant élu. L’ambassadeur de France à Madagascar soutenait la candidature d’un de ses collègues qui visait cette sinécure tout en restant à Paris

Arnaud Guillois, une personnalité peu à l’aise à Madagascar n’a pas été aidée par les impairs de sa hiérarchie. La ministre française des affaires étrangères, Catherine Colonna, attendue en avril 2023, promet de se rendra à Madagascar le 28 et le 29 mai. Elle ne viendra jamais. c’est Emmanuel Macron lui-même qui reçoit Andry Rajoelina à Paris, alors que le processus électoral est enclenché, pour parler de la libération des Français Philippe François et Paul Rafanoharana, emprisonnés à Madagascar depuis deux ans, dans le cadre de l’affaire « Apollo 21 », une supposée tentative de coup d’État.

Emmanuel Macron, seul maitre à bord 

Le président Macron se veut le maitre du Sud Ouest de l’Océan indien en gardant la mainmise sur les iles éparses et sur Mayotte qui étendent les zones économiques exclusives de la France. Il confie la plupart des missio politiques pour Madagascar à Nicolas Sarkozy.  En effet, lors de sa prise de pouvoir en 2009, Rajoelina est soutenu par Paris -et plus particulièrement par l’Élysée, le dossier étant géré par le secrétaire général de la présidence, Claude Guéant- et par le conseiller Afrique de Nicolas Sarkozy, André Parant.

À Tana, plusieurs conseillers de Rajoelina jouent, à partir de 2009, les courroies de transmission, parmi lesquels l’homme d’affaires franco-malgache Patrick Leloup, proche de Robert Bourgi, conseiller de Nicolas Sarkozy. En 2023, Patrick Leloup et d’autres franco-malgaches sont toujours présents et plus influents encore que l’ambassadeur de France.

L’indifférence qu’affiche la diplomatie française n’est pas une notion malgache. Le partage, la solidarité et les visites, en périodes de crise, restent importantes pour maintenir au moins l’apparence du lien entre la France et Madagascar