De Kaboul à Bamako, le terrorisme islamique a gagné à l’endurance

Voici le Billet d’humeur de notre chroniqueur Xeno après la capitualtion américaine à Kaboul et le retrait des forces françaises du Sahel  

Les Accords de Munich n’avaient pas réussi au Britannique Neville Chamberlain et au Français Édouard Daladier. Ils avaient été pris de court ; ils espéraient éviter une seconde guerre mondiale. Chamberlain était pour l’apaisement : ils en furent remerciés avant d’être remerciés en 1940. Ce qui nous arrive aujourd’hui est pire, c’est une redite impardonnable.

À Munich en 1938, la grande guerre était terminée depuis vingt ans ! En 2021, nous commémorons, c’est triste à dire, le vingtième anniversaire du 11 septembre 2001. À chaque fois deux décades. Il ne s’agit plus aujourd’hui de la Tchécoslovaquie des Sudètes mais du Moyen-Orient et de l’Afrique de l’Ouest dans leur ensemble. C’est beaucoup plus.

L’Amérique avait déclaré la guerre au Terrorisme Islamique en réponse à l’attentat du World Trade Center, le 11 septembre 2001. C’est pourquoi elle a lancé une série d’expéditions punitives et pédagogiques – oui, pédagogiques, parce que voulues pour enseigner la démocratie (Nation building) – pompeusement baptisées « Justice sans limites » (Infinite Justice) puis « Liberté Immuable » (Enduring Freedom) pour faire moins belliqueux auprès des Afghans et « Liberté irakienne » (Iraqi Freedom) pour encourager les Irakiens. La France l’a alors suivie en Afghanistan ; en 2014, elle s’en est retirée pour engager au Sahel son opération Barkhane avec le soutien satellitaire de l’armée américaine.

Aujourd’hui, et presque soudainement, les présidents des États-Unis Trump et Biden et le président de la République Française Emmanuel Macron décident de se replier. Sans véritable explication qui tienne : sans doute, ont-ils mieux à faire ailleurs. La scène est homérique :

En se tournant vers le peuple, le Poète (par la voix de Khalil Gebran)

éleva la voix et dit :

Peuples d’Orphalese d’Afghanistan et du Mali ? le vent m’invite à vous quitter.

Ma hâte est moindre que celle du vent, mais je dois partir.

Nous les errants[i]

 On veillera « à se protéger contre les flux migratoires irréguliers importants qui nourrissent les trafics de toute nature. » Pas d’oraison. 

À Munich, Staline n’avait pas été convié – les Russes, pourtant, joueront un rôle signalé en juin 1941. Ici, ce sera différent ! Ils connaissent les Afghans, ils ont eu leurs Tchétchènes, ils sont en Syrie en face des restes d’Al-Nosra et ils s’aventurent même jusqu’à Bangui. Ils ne feront rien. Quant à Téhéran, mais c’est Byzance ! À Vienne, les Américains seront en petite culotte, sans la dignité qu’ils auront perdue. C’est un monumental gâchis que ces Dollars jetés par la fenêtre alors qu’ils auraient pu servir à autre chose qu’à équiper in fine l’armée talibane de matériels dernier cri. On peut enfin se demander si la Chine n’a pas inventé le Salafisme avant le Coronavirus.

Bref, il ne faut plus regarder l’Amérique comme un phare. Le Terrorisme international a gagné. L’Amérique n’a pas pu l’empêcher. On ne peut pas tout demander aux Américains et en même temps tout leur reprocher. Il est par ailleurs illusoire d’espérer des jeunes démocraties qu’elles échappent à la corruption. C’est l’autre guerre perdue. Le tambour des Américains est voilé et la France joue du pipeau en gilet jaune.

La balance des puissances (ou la balance de puissance) a changé. L’Iran recouvrera son statut de puissance régionale quand l’occident réalisera combien il a besoin de lui. La grande époque du Gaz et du Pétrole touche à sa fin et les mœurs vont se talibaniser. L’Algérie, qui a déjà fait l’expérience du Front Islamique du Salut, sortira de sa chrysalide pour pacifier le Sahel avec l’aide secondaire de la France. Juste retour des choses et bienfaisant cycle des marées.

 

 

[i] Khalil Gebran, dans Le Prophète, Casterman, p.82