Burkina Faso : tous Burkinabè !

C’est donc dans un plus de 48 heures que près 5,5 millions de Burkinabé se rendront dans les bureaux de vote pour parachever dans les urnes l’œuvre de conquête démocratique entamée avec l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 qui a mis fin au long règne de Blaise Compaoré.

Le scrutin présidentiel du dimanche 29 novembre couplé aux législatives ouvre une nouvelle ère pour le pays des hommes intègres et le consacre, si tout se passe comme prévu, comme référence démocratique dans une Afrique où le fiasco des scrutins présidentiels en Côte d’Ivoire et en Guinée puis la consultation référendaire calamiteuse au Congo ont semé le doute.

Remous

Il serait toutefois faux de présenter la longue marche qui a amené la Transition burkinabé aux élections de dimanche comme un long fleuve tranquille. Dès son installation effective, le trio Michel Kafando (président), Yacouba Isaac Zida (Premier ministre), Cherif Sy (président du parlement provisoire) a dû gérer le 31 décembre 2014 un premier assaut du Régiment de sécurité présidentielle (RSP), bras armé de l’ancien système. Il en sera régulièrement ainsi jusqu’à la stupide tentative de coup d’Etat perpétrée par le général Diendéré et sa bande le 17 septembre dernier. Mais la charge du RSP, dont l’agenda caché était le retour à l’ordre ancien, ne fut pas le seul défi de la transition.

Celle-ci a dû composer avec les tâtonnements à la tête de l’Etat du Président Kafando et les sautes d’humeur du premier ministre Zida qui se voyait plutôt comme un président de la république bis. Mais le plus important, c’est que la course d’obstacles que fut cette transition mlitaro-civile est sur le point de s’achever. Tout porte d’ailleurs à croire que les derniers 100 mètres de ce marathon socio-politique vont se conclure en beauté. Le « modèle démocratique burkinabé », né de l’insurrection populaire, a été conforté avant et pendant la campagne pour le double scrutin de dimanche.

Compaoré, c’est fini

En effet, les 14 candidats à la présidentielle ont d’abord signé une Charte de bonne conduite avant d’aller sur le terrain séduire les électeurs. De même, les meetings n’ont donné lieu ni aux invectives ni aux attaques personnelles. Encore moins aux discours ethniques ou religieux. Le présidentiable Ablassé Ouédraogo, candidat du « Faso Autrement », qui s’est aventuré sur ce terrain-là, dans une interview à l’hebdomadaire Jeune-Afrique, l’a appris à ses dépens.

La phase ultime, celle des opérations de vote et du dépouillement des résultats, ne suscite aucune inquiétude. La Commission électorale nationale indépendante (CENI), présidée par Me Barthelemy Kéré, a déminé le terrain de la contestation post-électorale en assurant aux candidats en lice une démonstration sur la fiabilité du système de transmission satellitaire des résultats du vote de dimanche. Du reste, la CENI s’est engagée à publier sur son site internet les procès verbaux de tous les bureaux de vote et à proclamer les résultats dès dimanche 29 novembre dans la soirée ou au plus tard mardi. Une nouvelle démonstration de l’ambition démocratique burkinabé.

Il y a donc aujourd’hui toutes les raisons légitimes de croire que la transition  s’achèvera par les cris de joie des gagnants et les regrets des perdants. Nul ne peut cependant prédire l’issue de ces élections, même si en s’appuyant sur certaines évidences, on parle ici et là de favoris, d’outsiders et de figurants. Quel que soit le camp dans lequel ils se trouveront le soir de la proclamation des résultats, les Burkinabé mériteront le respect de l’Afrique et du reste du monde. Leur expérience de lutte pour la démocratie servira de référence pour longtemps encore. Nous sommes donc tous des Burkinabé.