Comment Abdelhamid Abaaoud, le chef des commandos qui a mené les attaques sur Paris le 13 novembre 2015 et un des terroristes européens les plus recherché, est-il parvenu à tromper toutes les surveillances des services antiterroriste au point de pouvoir circuler librement dans la capitale française avant et après les attentats?
Sans un renseignement déterminant transmis par les services marocains, il n’aurait pas été neutralisé si vite dans le raid policier contre le squat où il avait trouvé refuge après les attentats, à Saint-Denis.
Entre les mailles des services
L’homme semble être une anguille. Déjà en février dernier, cette figure du contingent de djihadistes belges affiliés à Daesh en Syrie, Abaaoud avait réussi à rentrer incognito en Europe pour coordonner des opérations meurtrières en Belgique. Suite à la mort de deux complices lors d’un raid policier contre un logement dédié à la conspiration à Verviers en Belgique, les attentats prévus, qui visaient semble-t-il, le commissariat de police de Molenbeek, la ville dont est originaire Abaaoud, dans la banlieue de Bruxelles, n’ont pas eu lieu. Mais le chef terroriste était parvenu à rentrer sain et sauf en Syrie.
Dans une interview publiée quelques semaines après dans Dabiq, la revue internationale de l’organisation terroriste Etat Islamique, le terroriste belge se vantait d’avoir mis en échec les services de police en rentrant en Europe avec deux complices puis en parvenant lui-même à quitter le Vieux Continent. « Nous avons dû faire face à de nombreux écueils pendant le voyage, racontait-il. Nous avons passé des mois à essayer de trouver une route pour entrer en Europe et nous sommes parvenus, grâce à Allah, à entrer en Belgique. Nous avons alors pu obtenir des armes et installer un QG d’où nous avons préparé des opérations contre les croisés ».
Abaaoud, dans cet entretien de propagande s’était bien gardé de donner le moindre détails. Mais il se vantait de se déjouer des services antiterroristes. « Les services de renseignements me connaissait d’avant quand j’avais été détenu par eux. Après le raid de la police, ils ont pensé que j’avais été avec mes frères et que nous avions planifié des opérations ensemble. Donc, ils ont rassemblé des agents de renseignements du monde entier d’Europe et d’Amérique, pour m’arrêter », se félicitait-t-il. Et le terroriste belge de donner sa version de son retour en Syrie : « Allah les a aveuglés. Mon nom et ma photo étaient partout dans les journaux pourtant j’ai été capable de rester chez eux, préparer des opérations contre eux puis partir en sécurité quand cela a été nécessaire. J’ai même été arrêté par un policier qui m’a dévisagé pour comparer avec ma photo mais m’a laissé passer parce qu’il ne m’a pas reconnu. C’était vraiment un cadeau d’Allah », s’exclamait le terroriste dans Dabiq.
Attaques préparées depuis Athènes
En réalité, si Abaaoud semble se vanter d’avoir pénétré en février 2015 sur le sol belge, les services antiterroristes pensent plutôt qu’il coordonnait les attaques prévues depuis Athènes. C’est par exemple ce qu’a révélé, il y a quelques mois, le département américain de la sécurité intérieur (Homeland Security), dans une note d’analyse datée du 13 mai dernier, rédigée après le démantèlement de la cellule de Verviers, que Mondafrique a pu consulter.
Si deux terroristes ont été tués par la police belge le 15 février à Verviers, « le chef putatif du groupe, Abdelhamid Abaaoud, a dirigé l’opération depuis un refuge à Athènes en utilisant un téléphone portable », écrivent les services américains. Cette note donne également quelques éléments sur le professionnalisme terroriste d’Abaaoud. Elle relève d’abord que « la connaissance qu’il avait des des techniques antiterroristes mises en Europe » l’a aidé à échapper aux radars. Outre les changements fréquents de téléphones et de véhicules, les membres de son groupe alternaient différentes langues dans leurs communications, passant du français à l’arabe et même un dialecte marocain, rendant plus difficile le décryptage des interceptions téléphoniques.
Après le raid de la police, de grosses sommes d’argent avaient également été retrouvées dans l’appartement des terroristes montrant que la cellule Abaaoud avait suffisamment d’argent pour tout payer en cash, sans laisser de traces.
Selon cette étude américaine, Abaaoud avait même poussé la dissimulation jusqu’à faire appeler sa famille depuis la Syrie, quelques mois plus tôt, pour annoncer sa mort au combat. « Cela a été fait intentionnellement pour disuader les services belges de continuer à le traquer », conclut le Homeland Security. Le terroriste le plus recherché d’Europe est cette fois-ci bien mort. Sa disparition a été officialisée jeudi matin après les expertises ADN d’un morceau de doigt retrouvé dans les décombres à Saint-Denis.