États-Unis, le camp démocrate divisé sur le dossier iranien

L’Occident doit-il lever d’emblée les sanctions contre l’Iran et réactiver sans délai l’accord sur le nucléaire iranien de 2015? Ou faut-il relancer des négociations englobant les dossiers des missiles balistiques et les activités régionales des Pasdarans? Le débat n’est pas tranché dans l’entourage du nouveau président américain, Joe Biden.  

Une chronique de Michel TOUMA

Quelle sera la politique de la nouvelle Administration américaine concernant le dossier iranien ? Le président Joe Biden adoptera-t-il la même ligne de conduite que Barak Obama, qualifiée de pro-iranienne ? Et d’une manière générale, quelle sera au cours des quatre prochaines années l’attitude des USA au Moyen-Orient ?

Un mois après l’entrée en fonction du président Biden, il apparaît évident – phase de transition oblige – que Washington n’a pas encore totalement tranché ses choix stratégiques, notamment en ce qui concerne l’Iran. Et pour cause : au moins deux courants se manifestent sur ce plan au sein de l’équipe démocrate. Le débat porte essentiellement sur les options suivantes : les Etats-Unis doivent-ils réactiver sans tarder l’accord sur le nucléaire iranien tel qu’avalisé en 2015 sous le mandat Obama, ou faudrait-il y inclure le dossier des missiles balistiques et le problème de la politique expansionniste pratiquée par les Pasdarans au M.O. ? Dans ce cadre, Washington doit-il lever d’entrée de jeu les sanctions contre l’Iran ou faut-il, au préalable, que Téhéran retourne à l’accord de 2015 en se conformant à ses engagements sur le nucléaire ?

Quelques indices pointent déjà à l’horizon au sujet des choix qui pourraient être faits sur ce plan, mais toute évolution notable dans un sens ou dans l’autre serait tributaire d’un facteur essentiel : la prochaine élection présidentielle en Iran, prévue en juin prochain. Les Etats-Unis et l’Union européenne chercheront-ils à accélérer la conclusion d’un nouvel accord avec Téhéran avant l’élection présidentielle, laquelle pourrait déboucher sur une victoire notable de l’aile radicale, ce qui compliquerait davantage les rapports avec l’Occident ? 

Parallèlement, le pouvoir iranien (plus particulièrement l’aile modérée) a-t-il intérêt à s’engager dans un nouvel accord qui impliquerait des concessions réclamées par l’UE et les USA au sujet des missiles balistiques et de l’action des Pasdarans dans la région ? Les prochaines semaines devraient apporter quelques éléments de réponse à ces questions.

Des actions déstabilisatrices  

Dans un tel contexte, le discours prononcé vendredi par le président Biden en visioconférence dans le cadre de la conférence de Munich sur la Sécurité a apporté quelques éclaircissements sur ce que serait la politique US dans ce domaine. Le chef de la Maison Blanche a ainsi clairement mis l’accent sur la nécessité de « répondre aux activités déstabilisatrices de l’Iran au Moyen Orient », soulignant en outre qu’il œuvrera à réactiver le comité 5+1 (les membres permanents du Conseil de Sécurité + l’Allemagne) qui avait négocié l’accord sur le nucléaire. Ce à quoi l’Iran a répondu qu’il n’y a plus de comité 5 + 1 après le retrait américain de l’accord sous le mandat Trump.  

Avant le discours de Munich, les deux parties avaient défini au cours des derniers jours, dans diverses déclarations, quelques éléments de leur ligne de conduite. Dans une interview à la CBS diffusée le 7 février, le président Biden avait ainsi souligné qu’il ne lèvera pas les sanctions contre l’Iran avant que Téhéran se conforme aux termes de l’accord de 2015.

De son côté, le président iranien Hassan Rouhani a déclaré, au cours d’un entretien avec le ministre des Affaires étrangères du Qatar, Mohammed ben Abdel Rahman, que « la seule option du président Joe Biden est de réparer les erreurs de son prédécesseur Donald Trump », soulignant que son pays se conformera à tous ses engagements prévus dans l’accord « si Washington lève les sanctions ». Dans ce qui pourrait être interprété comme un refus de négocier un nouvel document, le président Rouhani a d’autre part souligné que le texte de 2015 « est une réalisation importante de la diplomatie multilatérale et il faut le préserver et empêcher sa destruction ».  

Au stade actuel, la question est donc de savoir qui doit effectuer le premier pas, et dans quelle direction. Le porte-parole de la Maison Blanche a déclaré à ce sujet, vendredi, que l’Iran doit se conformer à l’accord sur le nucléaire « avant tout contact entre les présidents Joe Biden et Hassan Rouhani ». Pour sa part, le directeur de Cabinet du président iranien a adopté une position en flèche en soulignant que « l’Iran ne s’est pas retiré de l’accord pour qu’on lui demande d’y retourner ». « L’Iran se conformera à ses engagements après s’être assuré que l’Union européenne et les Etats-Unis respectent leurs engagements », a poursuivi le responsable iranien qui a ajouté : « L’accord sur le nucléaire est clos. Nous l’avons négocié une fois et nous ne recommencerons pas la négociation. Notre position que nous avions adoptée sous le mandat Trump concernant le retour de Washington à l’accord ne changera pas sous le mandat Biden ».

Les positions en présence

Entre ceux qui prônent un retour rapide pur et simple à l’accord de 2015 et ceux qui, au contraire, soulignent la nécessité d’étendre toute entente avec l’Iran au problème des missiles balistiques et à la question de la politique déstabilisatrice des Pasdarans, le débat est ouvert.  Le site américain Politico indique que le Conseiller à la Sécurité nationale, Jake Sullivan, et l’un des principaux responsables du dossier du Moyen Orient au « National Security Council », Brett McGurk, représentent la ligne dure à l’égard de l’Iran. À l’instar du sénateur démocrate Bob Menendez, président de la commission des Relations étrangères au Sénat, qui s’était opposé à l’accord de 2015 et qui fixe comme préalable le retour du pouvoir iranien à la table des négociations.

En revanche, l’émissaire spécial pour les affaires iraniennes, Robert Malley, est connu pour ses positions particulièrement conciliantes vis-à-vis de Téhéran et prône un retour à l’accord de 2015, dont il a été l’un des principaux artisans. De père égyptien juif et de mère américaine juive, parfaitement francophone et président de l’International Crisis Group, il est accusé d’être hostile à Israël.    

Il reste que pour l’heure, le président Biden ne semble pas pressé de retourner à l’accord, soulignant que l’Iran est loin de respecter ses engagements sur ce plan. Washington a certes annoncé jeudi soir qu’il accepte l’invitation de l’Union européenne à « assister » à une relance du dialogue avec Téhéran, mais le cadre et les termes de ces futurs pourparlers (qui pourraient avoir lieu en mars) n’ont pas été précisés. Comme pour relativiser la portée de cette relance du dialogue, un haut responsable du Département d’Etat a relevé, au cours d’un point de presse, qu’il s’agit là d’un « pas » et non d’une « percée ».    

Le 9 février, le porte-parole du Département d’Etat avait souligné explicitement que Washington désire étendre l’accord au dossier des missiles balistiques et des activités régionales de l’Iran.

 

 

 

 

 

 

 

 

RépondreTransférer

1 COMMENTAIRE

  1. Ils veulent interdire à l’Iran ce qu’ils n’ont pas interdit à eux mêmes sans omettre l’entité sioniste. En ce qui concerne la Corée du Nord, les chiens aboient, la caravane passe … on a les yeux rivés que sur les Ayatollahs.

Les commentaires sont fermés.