Hama Amadou, la bête noire du régime nigérien en fuite à Paris

Une semaine après son départ impromptu du pays, le sort du Président de l’Assemblée Nationale du Niger, Hama Amadou, véritable patate chaude pour le régime du président Mamadou Issoufou, est dans les mains de la Cour Constitutionnelle. L’homme s’est réfugié en France après être passé par le Burkina Faso et la Belgique

Hama-AmadouSaisie par Hama Amadou le jour de la procédure contestée de la saisine du bureau de l’Assemblée Nationale, la Cour a reçu le 3 septembre une nouvelle requête émanant de 14 députés nigériens de l’opposition.

Une Cour sous influence ? 

Alors que le doyen des juges d’instruction, saisi du dossier des bébés importés, n’a toujours pas convoqué le président de l’Assemblée ni lancé de mandat d’arrêt contre lui, la demande d’arrestation transmise au bureau de l’Assemblée par le parquet est-elle juridiquement valable ? Sur quelle base légale est-elle assise, sachant que le doyen n’a pas non plus demandé au parquet un réquisitoire supplétif lui permettant de poursuivre Hama Amadou ? Bref, dans quelle mesure le parquet, actionné politiquement, n’essaye-t-il pas, de sa propre initiative, d’arrêter le deuxième personnage de l’Etat ?

La deuxième question porte sur la levée de l’immunité parlementaire dont jouit Hama Amadou, comme tous les députés. Peut-on, sous prétexte que la session parlementaire vient de s’achever, contourner la procédure régulière qui passe par l’Assemblée réunie en plénière, pour saisir le bureau de l’Assemblée, au surplus incomplet puisque composé exclusivement des députés de la majorité ?  Dans ce cas, l’immunité parlementaire a-t-elle encore un sens ?

Sur ce sujet, l’opposition relève encore, dans la presse de ces derniers jours, que le ministre de la Justice a attendu délibérément la fin de la session parlementaire pour pouvoir saisir le bureau, tout à lui acquis, alors que la demande d’arrestation du procureur était déjà écrite depuis le 16 juillet.

En résumé, Hama Amadou avait parfaitement le droit de quitter le pays puisqu’il ne faisait l’objet d’aucune convocation ni mandat d’arrêt. Même si le Président de la République, en vacances dans son village reculé de Dandadji, semble n’avoir guère débranché le téléphone.

L’épouvantail du régime

A Paris, après Bruxelles et Ouagadougou, il respire, après une année de harcèlement sans trêve de la part du régime : coup de feu tiré à son domicile, diminution puis suppression de sa garde de sécurité, arrestation de son fils, de la plupart de ses lieutenants, au sein de son parti Lumana comme de l’Assemblée nationale, de son garde-du-corps, de sa deuxième femme.

Les ténors du régime, Mohamed Bazoum et Hassoumi Massaoudou avaient publiquement annoncé sa chute et sa neutralisation, depuis son départ de l’alliance au pouvoir le 22 août 2013. Mais les tentatives de le faire tomber du perchoir, à travers une motion de défiance, n’ont pas abouti, faute d’atteindre la majorité des 2/3. Or, cette même majorité est nécessaire en plénière pour lever l’immunité d’un député. L’immunité de Hama Amadou, soumise à la plénière, n’aurait pas été levée, voilà l’une des certitudes à retenir.

La Cour Constitutionnelle a deux semaines, délai qui court à partir de sa première saisine il y a 8 jours, pour rendre son arrêt. Cette décision de justice est attendue de toutes les parties. La Cour sera-t-elle à la hauteur ? Saura-t-elle affirmer son indépendance ? Au-delà du droit, il s’agit aussi de mesurer la capacité des institutions de la 7e République, bien secouées ces derniers mois, à tenir le choc en cas de crise politique.

Si la Cour donne raison à Hama Amadou, il reviendra sans doute au Niger, reprendre les rênes de son parti et se préparer pour les élections à venir, dans deux ans.

Sinon, son destin politique risque de souffrir de son absence, alors que le climat politique reste très tendu au Niger, où la volonté du Président d’être élu pour un deuxième mandat dès le premier tour commence à filtrer.