Entre Joe Biden et le prince héritier séoudien MBS, rien ne va plus 

This handout picture released by the Saudi Royal Palace shows Saudi Crown Prince Mohammed bin Salman (R) looking towards US President Joe Biden (L) during the Jeddah Security and Development Summit (GCC+3) at a hotel in Saudi Arabia's Red Sea coastal city of Jeddah on July 16, 2022. (Photo by Bandar AL-JALOUD / Saudi Royal Palace / AFP) / RESTRICTED TO EDITORIAL USE - MANDATORY CREDIT "AFP PHOTO / SAUDI ROYAL PALACE/BANDAR ALGALOUD" - NO MARKETING NO ADVERTISING CAMPAIGNS - DISTRIBUTED AS A SERVICE TO CLIENTS

Le 5 octobre 2022, l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés dirigés par la Russie ont décidé de réduire la production de pétrole de 2 millions de barils par jour. Et cela dans un contexte de hausse stratosphérique des prix de l’énergie en raison de la guerre que la Russie mène en Ukraine.

Par conséquent, le président américain a nettement haussé le ton contre le royaume saoudien, avertissant qu’il y aurait “des conséquences”. Ces déclarations pourraient marquer un changement dans la relation entre Washington et Riyad.

Sur un plan géostratégique, cette hausse des prix du pétrole est la conséquence des mauvaises relations entre MBS (voir sa photo ci dessus) et Joe Biden

La baisse de la production de pétrole pousse à la hausse des prix de l’énergie déjà très élevés au plan mondial/ Laquelle hausse des prix de l’énergie représente une aide des pays du Golfe producteurs de pétrole, Arabie Saoudite en tête, à la Russie qui a besoin d’argent pour financer son effort de guerre en Ukraine. En revanche,

Cette hausse des prix à la pompe affaiblit le parti Démocrate américain aux élections de mi-mandat qui vont renouveler, les 435 sièges de la Chambre des représentants et 35 des 100 sièges du Sénat.

Or, la hausse a été voulue par l’Arabie Saoudite pour pénaliser l’administration Biden et l’économie américaine. Nous vivons aujourd’hui une rupture inédite dans les relations américano-saoudiennes. Il ne s’agit pas d’une de ces aimables disputes entre amis de longue date, mais de l’abandon d’une alliance inamovible nouée il y a plus de 80 ans. Le troc était simple. Ryad approvisionnait sans à coups l’économie américaine en pétrole, Washington en échange de la sécurité militaire du régime des Saoud. L’armée américaine était au service de l’Arabie Saoudite et le pétrole saoudien était au service de la puissance américaine.

Aussi étrange que cela paraisse, cette rupture est la conséquence d’une politique à l’égard de l’Iran voulue par les Démocrates à l’époque où Barack Obama était président, une politique reprise par Joe Biden depuis sa réélection voilà deux ans.

Un peu d’histoire.

L’Amérique d’Obama a pris un virage stratégique au Moyen Orient voilà dix ans, en raison de deux éléments nouveaux: l’autosuffisance énergétique des Etats Unis, due à l’exploitation intensive du gaz et du pétrole de schiste sur le territoire américain, et le besoin de concentrer ses forces militaires pour parer à l’émergence d’un rival de taille, la Chine communiste. Ces deux raisons ont incité l’administration Obama à se désengager du Moyen Orient. Barack Obama a donc pris ses distances avec ses alliés traditionnels (l’Egypte, l’Arabie Saoudite et Israël) et a entrepris d’amadouer un ennemi stratégique, l’Iran des ayatollahs. Sans le dire officiellement, en multipliant au contraire les assurances verbales aux Israéliens et aux Saoudiens que leur sécurité était l’affaire personnelle du président des Etats Unis, l’administration Obama a benoîtement entrepris de confier les clés du Moyen Orient au pire ennemi de l’Arabie Saoudite et d’Israël, l’Iran des ayatollahs.  

L’accord sur le nucléaire iranien conclut entre l’Iran et l’administration Obama maintenait le dispositif nucléaire bâti par les Iraniens, retardait de quelques années l’entrée de l’Iran au sein du club des puissances nucléarisés et ne comprenait aucun engagement de l’Iran sur sa politique impérialiste (Irak, Yemen, Syrie, Liban…), ni sur sa stratégie de construction de missiles. Les agressions des Iraniens ou des Houthis yéménites sous sa coupe contre les champs pétrolifères saoudiens n’ont pas fait froncer un sourcil d’Obama. Et toute tentative des Saoudiens de bâtir un dispositif nucléaire identique à celui des Iraniens, a suscité un coup de semonce des Etats Unis envers l’Arabie  Saoudite.

Donald Trump qui a succédé à Barack Obama a changé la donne. Il a dénoncé l’accord conclu par Barack Obama avec les Iraniens ; il a durci les sanctions contre l’Iran et rapproché les pays du Golfe et Israël. Comme Obama, Donald Trump a souhaité alléger l’engagement militaire des Etats Unis au Moyen Orient pour mieux concentrer ses forces sur la Chine, mais sans brutaliser les alliés traditionnels des Etats Unis (Israël, Arabie Saoudite, Egypte). Donald Trump a multiplié les incitations pour aider les alliés des Etats Unis à se rapprocher ; il a marginalisé la question palestinienne et aidé Israël et les pays du Golfe a élaborer des stratégies communes contre l’impérialisme iranien.

Avec l’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche, l’équilibre recherché par Trump a été rompu et la politique pro-iranienne d’Obama a été remise en place. Joe Biden a brutalisé les Saoudiens en leur faisant honte publiquement pour le meurtre du journaliste Kashoggi ; il a fait savoir à Israël que la question palestinienne redevenait centrale et un nouveau deal sur le nucléaire a été relancé avec les Iraniens.

Résultat, aujourd’hui c’est l’Arabie Saoudite qui a pris ses distances. Au point qu’un voyage de Joe Biden a Ryadh à l’été 2022 n’a en rien atténué la fureur saoudienne. Pire : une demande américaine de retarder d’un mois (le temps de laisser passer les élections américaines de mi-mandat) la réduction de la production de l’OPEP n’a suscité qu’un haussement d’épaules de la part de l’Arabie saoudite. Pire, l’Arabie Saoudite a rallié ses alliés de l’OPEP pour approuver la réduction de la production de 2 millions de barils par jour.

Colère américaine

Le porte-parole du Conseil de sécurité nationale, John Kirby, a déclaré mardi 11 octobre que le président Biden estimait que les États-Unis devraient réévaluer leur  relation avec l’Arabie saoudite à la lumière de la décision de l’OPEP. La Maison Blanche s’est même engagée à combattre le contrôle de l’OPEP sur le marché de l’énergie. Les législateurs de tous les horizons politiques ont appelé les États-Unis à interrompre les ventes d’armes à l’Arabie saoudite. Et les responsables américains ont commencé à chercher des moyens de punir Riyad.

Le prince Faisal bin Farhan, le ministre saoudien des Affaires étrangères, a certes tenté de plaider que la décision de l’OPEP était purement économique et n’avait aucune dimension politique. Mais cette tentative de masquer la réalité du conflit a échoué.

L’administration Biden a fait savoir aux Saoudiens qu’elle étudiait un retrait de sa participation au Future Investment Initiative, une manifestation phare de l’Arabie saoudite.  Les États-Unis ont également pratiqué une politique de la chaise vide au groupe de travail sur les défenses régionales. Mais le pire est la question de l’armement : des responsables américains ont averti Ryadh que plus de 100 millions de dollars de ventes militaires étaient suspendues. Si les Etats Unis mettent un embargo sur les pièces de rechange, c’est tout le dispositif militaire saoudien qui devient inutilisable du jour au lendemain.

Les législateurs américains ont aussi fait savoir leur intention d’introduire un projet de loi visant à suspendre immédiatement les ventes d’armes à l’Arabie saoudite. Tous les espoirs que les Saoudiens avaient d’obtenir un plus grand nombre de missiles guidés de précision ont été pratiquement anéantis.

Certains législateurs américains parlent même de voter un projet de loi autorisant le retrait des troupes américaines d’Arabie saoudite. Et les dirigeants du Sénat des deux partis soutiennent un projet de loi qui permettrait au ministère de la Justice de poursuivre l’Arabie saoudite et d’autres pays de l’OPEP pour fixation illégale des prix.

Le président Biden a déclaré mardi que les États-Unis devraient repenser leurs relations avec l’Arabie saoudite. 

Toute la question est de savoir si l’Arabie Saoudite va aller à Canossa, ou si elle va rejoindre le front anti-occidental qui s’est esquissé à l’occasion de la guerre en Ukraine.