Mauritanie, deux blogueurs emprisonnés après avoir dénoncé la corruption

Les deux blogueurs Abderramane Weddady et Cheikh Ould Jiddou qui avaient dénoncé la corruption du président mauritanien, Mohamed Ouls Abdel Aziz, ont été convoqués vendredi par la police, puis maintenus en prison depuis.

Depuis deux ans, les deux blogueurs avaient contribué à dénoncer le plus gigantesque scandale qui n’a jamais eu lieu en Mauritanie. Plus de 8000 familles mauritaniennes -ce qui est considérable dans un pays de quatre millions d’habitants- ont perdu leurs maisons, leurs terres et leurs richesses. Avec, à la clé, des détournements de 200 millions de dollars.

Le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, est directement impliqué dans cette dépossession indigne via un de ses hommes de main, Cheikh Rada. Ce Madoff local travaille pour le compte d’Aziz et lui fournit des biens immobiliers acquis frauduleusement. Et cela dans un pays qui se classe 144e sur 180 au classement de la corruption étable 2019 par Transparency International..

Cheikh Rada, un érudit devenu charlatan

Cheikh Rada, érudit en sciences religieuses, a abusé de sa position de religieux pour convaincre des milliers de propriétaires de lui vendre leurs propriétés grâce aux prix élevés proposés. Mais dans ces opérations de cavalerie qui supposaient qu’un nombre toujours croissant de personnes souscrivent, le charlatan ne payait qu’une partie du prix, avec l’assurance de régler le reste de la somme plus tard. Autant de promesses qu’il n’a jamais honorées.

Cette arnaque dure depuis des années sans aucune intervention de la part des autorités. Non seulement l’administration n’a pas réussi à déclencher la moindre enquête, mais le président mauritanien a mis en place une sécurité personnelle pour le cheikh Rada!

Abderrahmane Weddadi a dénoncé le stratagème dès janvier 2016, date depuis laquelle le gouvernement mène une vendetta contre lui. Les victimes de l’arnaque de Cheikh Rada ont récemment organisé des manifestations pour exiger la récupération de leurs biens perdus. Dans le même temps, des blogueurs mauritaniens ont adressé une pétition au vice-président des Émirats arabes unis, Mohammed Bin Rashid al-Maktoum, qui abrite les petites économies du clan au pouvoir pour l’inviter à restituer les fonds transférés à Dubaï.

Menaces à répétition

Le mois dernier, les blogueurs publiaient des preuves directes de la participation du président Ould Abdelaziz à ces opérations de racket sur leurs comptes Facebook. Il y a dix jours, la police judiciaire chargée des crimes économiques les convoquait pour les relâcher. Histoire de les intimider et de conserver leurs passeports.

Vendredi 22 mars, la police convoquait à nouveau Abderrahmane Weddadi et Sheikh Ould Jiddou plaçait en état d’arrestation. Un des deux, pré-diabétique, n’a pas été autorisé à se nourrir.

Protestations des ONG

L’organisation Human Rights a exigé la libération des détenus Abderrahmane Weddady et Cheikh Ould Jiddou, dans un tweet publié ce lundi 25 mars.

« Nous demandons la libération immédiate du lanceur d’alertes Abderrahmane Weddady qui est arbitrairement détenu en Mauritanie, en compagnie du bloggeur Cheikh Ould Jiddou, pour leurs enquêtes sur un scandale de corruption autour du président Mohamed Ould Abdel Aziz » écrit Human Rights Foundation.

Le Parquet de Nouakchott, rappelle-t-on, avait publié, le jour de l’arrestation des deux activistes, un démenti à l’existence d’un possible gel de deux milliards de dollars aux Emirats arabes unis appartenant au clan du président Aziz.

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)

1 COMMENTAIRE

  1. une analyse erronée qui découle d’une pétition d’un caracteur mensongère et ruineux .
    la Mauritanie décolle et ne demande pas votre avis monsieur .

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