Depuis la réélection d’Emmanuel Macron pour un second mandat, le 24 avril, Alger n’a cessé de faire des appels du pied au président Français. Ainsi, le lendemain de l’officialisation des résultats de la Présidentielle française, le président Tebboune félicitait Emmanuel Macron et l’invitait en Algérie.
Depuis la réélection d’Emanuel Macron, les deux Présidents Macron et Tebboune ont compris que le contexte régional et international exige plus de pragmatisme. Oubliée la brouille provoquée par le président français, voici un an, par ses confidences hostiles au système politico-militaire algérien accusé d’entretenir une « rente mémorielle ». L’ire du locataire de l’Elysée, confronté à un échec politique face à la junte de Bamako, avait été provoquée par la découverte qu’Alger autorisait discrètement les mercenaires russes de Wagner à accéder au nord du Mali alors que les troupes françaises opéraient un retrait tactique de leurs bases au Mali. Emmanuel Macron qui croyait, tout comme son désastreux ministre des Affaires Etrangères d’alors, Jean Yves Le Drian, avoir réussi à sous traiter le dossier malien aux Algériens, avait ressenti les discrets arrangements entre Alger et Moscou comme une trahison.
D’où la saillie du Président français contre le pouvoir algérien, relayée par le journal « le Monde », lors d’un déjeuner organisé officiellement pour trouver le chemin d’un apaisement mémoriel entre les deux pays!
Dans une logique désormais d’apaisement et avec l’obsession de sécuriser l’approvisionnement gazier des Français, Emmanuel Macron a adressé, le 5 juillet dernier, un message « d’amitié et de solidarité » à son homologue algérien et au peuple algérien à l’occasion du 60ème anniversaire de l’indépendance, tout en répondant favorablement à l’invitation de se rendre à Alger.
Un accord en vue sur le Gaz
Après la détérioration des relations avec l’Espagne sur la question du Gaz, Alger montre un besoin de maintenir un lien avec l’Europe via la France. C’est dans ce sillage que la compagnie nationale des Hydrocarbures, la Sonatrach, a signé une nouvelle monture de l’accord, existant depuis 2011, avec le groupe énergétique français ENGIE portant sur l’achat et la vente de gaz naturel à travers le Medgaz. Avec le conflit Ukrainien, la France comme l’Italie souhaitent sauvegarder un approvisionnement émergétique à partir de l’automne prochain. L’accord tend à « définir le prix de vente contractuel applicable sur une période de 3 ans allant jusqu’à 2024, pour prendre en compte les conditions du marché », a fait savoir la compagnie nationale algérienne.
Exprimant son souhait de dynamiser les relations entre les deux pays, la Sonatrach a montré sa disposition à ouvrir les négociations sur un « partenariat sur le gaz liquéfié » et le « gaz naturel ». L’objectif des deux parties est de poursuivre la politique de diversification et assurer la sécurité énergétique des pays du sud de l’Europe.
La France profite de l’accord en proposant la mise en place à l’ensemble des membres de l’UE un « plafonnement à 27 des prix de gaz » afin de lutter contre la hausse massive des prix de cette matière essentielle pour l’économie européenne. Bruno Le Maire a déclaré le 07 juillet que son pays envisageait d’imposer un maximum du prix du gaz à Sonatrach pour endiguer avant l’hiver une hausse pesante sur l’économie, ainsi que le pouvoir d’achat des français. L’UE importe 40% du gaz de la Russie, alors qu’Alger prend le risque de contourner la pression de Poutine sur les pays Européens qui soutiennent l’Ukraine dans sa guerre actuelle.
La proposition du ministre Français de l’économie, Bruno Le Maire, de présenter un prix plafonné aux trois pays fournisseurs en Gaz à l’Europe – soit la Russie, la Norvège et l’Algérie. La proposition ne fait pas l’unanimité au sein des membres de l’union, notamment en Allemagne. D’autres pays ont préféré baisser leur TVA tels que la Belgique, pays bas, alors que la Pologne l’a supprimée pour la commercialisation du Gaz. Alger prend place d’un pays convoité et tend à consolider sa position d’incontournable dans cet crise énergétique
Emmanuel Macron: « des relations apaisées »
Les autorités françaises attendent avec attention le retour à la loi algérienne qui autorise l’importation des véhicules de moins de 3 ans. Il s’agit pour la France un moyen de renouveler le parc automobile et donne un souffle à l’industrie automobile. Afin d’attirer l’appétence de ces derniers, la police nationale algérienne opte pour l’achat des véhicules français Peugeot. Un marché conclu à plus de 32 millions d’euros. Le constructeur Français a réussi à détrôner Volkswagen son concurrent sur le marché, pourtant très apprécié par les algériens. Renault est aussi en course pour fournir les ministères et les collectivités territoriales.
La société Durisotti, spécialisée dans la carrosserie et la transformation des véhicules, partenaire de Peugeot Algérie, a transféré plus de 1000 véhicules Rifter à la gendarmerie nationale algérienne. Peugeot a acquis ce marché qu’il compte développer à d’autres corps constitués tels que la sécurité civile, le secteur hospitalier (ambulance). L’implantation des constructeurs français dans le marché algérien remet au calendes grecques les projets de fabrication ou montage des véhicules en Algérie ambitionnés depuis plus de 3 décennies.
La liquidation des oligarques de l’ère Bouteflika, actuellement en prison, laisse place à la nouvelle équipe à la Présidence favorable à un réchauffement des relations avec Paris. Message reçu ! Le président Macron a déclaré « je souhaite que nous puissions y travailler dès maintenant pour appuyer cette ambition sur des fondations solides et l’inscrire dans un calendrier partagé”.
Paris, capitale algérienne
Dans la communication entre Paris et Alger, un homme de l’ombre insubmersible et influent aura joue un rôle décisif. Il s’agit de Prosper Amouyal, dont le clan familial d’origine juive a joué un rôle historique dans l’import-export de blé et de semoule entre les deux pays avant l’indépendance de l’Algérie, mais également après 1962 en bonne intelligence avec les militaires algériens. Au mieux avec feu l’ex Président français Jacques Chirac ainsi qu’avec Abdelaziz Bouteflika, avec la monarchie marocaine ou encore avec la communauté juive française, cet industriel talentueux et fin diplomate qui vit avenue Montaigne et collectionne les peintures orientalistes sait jouer, même à un âge avancé, les intermédiaires efficaces.
À Alger, le principal interlocuteur de Prosper Amouyal est le général-major Mansour Benamara, appelé communément Hadj Redouane, revenu aux affaires après la mort de Gaïd Salah, après avoir été l’ancien chef de cabinet pendant dix neuf ans du tout puissant patron du DRS (ex servicessecrets), le général Toufik. Ce haut gradé sans états d’âme est très impliqué dans les relations sécuritaires avec la France, y compris dans le contrôle politique de la dispora algérienne. À Paris, un des contacts directs à l’Élysée de Prosper Amouyal n’est autre que le coordinateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme d’Emmanuel Macron, Laurent Nunez, dont la famille est également originaire d’Algérie
Au total, la relation franco-algérienne est une combinaison complexe de réseaux de gauche comme de droite tous tenus par une certaine loi du silence. Dans un communiqué récent, l’association France Algérie présidée par l’ancien Ministre de l’économie Arnaud Montebourg, appelle à écrire une nouvelle page dans les relations entre les deux pays. L’ancien ministre rappelle que les liens entre les deux pays « n’ont pas cessé d’être présents » dans les débats politiques en France.Avant lui, l’ancien ministre de la défense Jean Pierre Chevènement, très proche de l’armée algérienne, jouait le rôle du Missi dominici du gouvernement Hollande. Il en est de même pour l’ancien premier ministre de Sarkozy Jean pierre Raffarin.
Les lobbyistes des multinationales françaises ont leur poids pour infléchir les positions des politiques, Total, Violia, même Lafarge boycotté pourtant partout dans le monde pour le maintien de son site en Syrie, ont obtenu des marchés de gré à gré en Algérie. Il faut se rappeler également l’installation de l’usine Renault en Algérie avec des conditions avantageuses: aucun constructeur européen ne peut s’installer sur le marché pendant trois ans et les véhicules en montage ne seraient destinés qu’au marché local. C’était le prix à payer pour le soutien de la France à un 4ème mandat de Bouteflika.
La situation actuelle ne se distingue pas de l’ère Bouteflika. Le pays est dans une instabilité économique et politique où plus de 250 détenus politiques croupissent dans les prisons. L’instabilité géopolitique est palpable, alors que trois des frontières du pays sont en permanence en alerte maximale (Maroc, Libye, Mali).
Le retour à des relations privilégiées du type de celles qui existaient avant 1999 est une requête pressante d’Alger à laquelle l’Elysée s’est empressé de répondre favorablement, en fermant les yeux sur le dossier malien et sur les complaisances de l’armée algérienne à l’égard de la Russie. Du coup, l’Élysée a envoyé à Alger rencontrer l’historien Benjamin Stora, « ce petit télégraphiste » qu’Emmanuel Macron ressort de sa boite au nom d’une hypothétique réconciliation des mémoires (1) dès qu’il veut donner un signe d’apaisement aux Algériens.
(1) Le rapport de l’historien Benjamin Stora sur l’apaisement des mémoires autour de la guerre d’Algérie, remis au début de l’année 2021, n’a toujours pas eu de traduction politique et s’est heurté à une fin de non recevoir de la part d’Alger.
Entre rassemblement et effondrement, les cruels dilemmes de l’armée algérienne