Les Français l’ignorent bien souvent : leur pays mène depuis une décennie une guerre au cœur du continent africain. Cette « guerre contre le terrorisme », censée délivrer le Sahel du djihadisme, s’est transformée en un terrible fiasco. Alors que l’armée française a quitté le Mali contre son gré en 2022, la France poursuit en Afrique de l’Ouest une guerre qui ne dit pas son nom, sans contrôle parlementaire, sans consultation, laissant les populations otages de toutes les violences.
Rémi Carayol, journaliste indépendant, couvre l’actualité du Sahel depuis dix ans. Il coordonne le comité éditorial du site d’information Afrique XXI et écrit régulièrement dans Mediapart, Le Monde diplomatique et Orient XXI.
Editions la Découverte, à partir du 5 janvier 2023 Cahiers libres 328 pages – 22,00 €
L’intervention militaire engagée par la France au Sahel tourne au fiasco. Lancée en janvier 2013, l’opération Serval ressemblait au départ à une success story. Les quelques centaines de djihadistes qui avaient pris le contrôle des principales villes du Nord-Mali furent mis en déroute. Des foules en liesse, brandissant ensemble les drapeaux français et malien, firent un triomphe à François Hollande lorsqu’il se rendit à Bamako.
T out cela n’était pourtant qu’un mirage. En quelques mois, l’opération Barkhane, qui prend le relais de Serval en juillet 2014, s’enlise. Les djihadistes regagnent du terrain au Mali et essaiment dans tout le Sahel : des groupes locaux, liés à Al-Qaïda ou à l’État islamique, se constituent et recrutent largement, profitant des injustices et de la misère pour se poser comme une alternative aux États déliquescents. Au fil des ans, la région s’enfonce dans un chaos sécuritaire et politique : les civils meurent par milliers et les coups d’État militaires se multiplient. Impuissante, la France est de plus en plus critiquée dans son « pré carré ».
Une idéologie coloniale
L’armée française, imprégnée d’idéologie coloniale et engluée dans les schémas obsolètes de la « guerre contre le terrorisme », se montre incapable d’analyser correctement la situation. Prise en étau entre des décideurs français qui ne veulent pas perdre la face et des dirigeants africains qui fuient leurs responsabilités, elle multiplie les erreurs et les exactions. Des civils sont tués. Des informateurs sont abandonnés à la vengeance des djihadistes. Des manifestations « antifrançaises » sont violemment réprimées.
Sous couvert de la lutte contre la « barbarie », la France a renié les principes qu’elle prétend défendre sur la scène internationale. Le redéploiement du dispositif militaire français au Sahel, annoncé par Emmanuel Macron, n’y change rien : la France poursuit en Afrique de l’Ouest une guerre qui ne dit pas son nom, et sur laquelle les Français n’ont pas eu leur mot à dire, et leurs représentants au Parlement encore moins.
Un livre utile si on ceut comprendre les raisons de l’échec français au Mali et au Sahel trop vite imputé par Emmanuel Macron aux Africains et à leurs dirigeants.
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