Le sommet des Etats Arabes à Alger: une vaste cacophonie

 Déjà reporté une première fois en 2020 à cause de la pandémie mondiale de Covid19, puis annoncé, en grande pompe le 8 novembre 2021 par le président algérien Tebboune devant les diplomates algériens au Palais des congrès. Le sommet arabe d’Alger programmé pour le mois de mars 2022 avait été finalement reporté à l’automne. Le ministère des affaires étrangères Ramtane Lamamra proposait enfin la date du 1er novembre 2022.

Le président algérien qui a beaucoup investi le terrain de la politique étrangère pour exister face à ‘institution militaire espère que le Sommet arabe d’Alger marquera le grand retour de la diplomatie de son pays.

Beaucoup d’encre a coulé sur les désistements de certains dirigeants Arabes, le Roi du Maroc, le prince héritier séoudien ou le patron des Émirats Arabes Unis. Sur fond des différends sur des questions cruciales: la présence supposée de la Syrie, la crise yéménite, les propositions de dénouement de la crise libyenne ou même pression de normalisation des relations diplomatiques entre le pays hôte du sommet et son voisin de l’Ouest.

Un bloc des états s’est constitué au sein de la ligue Arabe dirigé par l’Arabie Saoudite, chef de file au sein du conseil du golfe composé avec les émirats arabes unis, Koweït, Bahreïn, Oman, Qatar, qui exerce une pression sur l’Egypte, Soudan et Mauritanie de s’aligner sur ses positions. Ainsi, l’Algérie, qui à travers l’organisation du sommet, veut retrouver ses pas diplomatiques sur la scène internationale d’antan.

Autrefois engageante, la diplomatie algérienne se trouve acculer dans des tranchées défensives car les rapports de forces au sein de la ligue arabe, dominés par les pays du Golfe, lui sont défavorables. Ramtane LAMARA, ministre des affaires étrangères algérienne, a tenté de jouer à l’équilibriste à travers sa tournée en Arabie Saoudite, les émirats, Egypte n’a pas persuadé ses partenaires. Les rencontres du président Tebboune avec le président Tunisien Kaies Essaid, Ghazouani le Mauritanien, Mahmoud Abbas le palestinien, n’ont pas pu constituer un bloc susceptible d’endiguer l’offensive des monarchies au sein même de la ligue.  

Les raisons des dissensions

Les principales causes d’atermoiements exprimées par le secrétaire de la ligue Arabe ont vu le jour au mois de janvier 2022 lorsque l’Algérie a proposé des réformes sur le fonctionnement de l’organisation concernant la gestion des crises entre États arabes. Alger voulait mettre à l’ordre du jour des thématiques que les monarchies arabes considèrent dépassées.  Lors de ce sommet, il était question d’instruire des dossiers tels que l’introduction des réformes profondes concernant le fonctionnement au sein de la ligue dans le traitement des nouveaux défis régionaux et internationaux. Alger suggère des instances de concertation et coordination comme préalable avant toute prise de décision unilatérale engageant la ligue comme ce fut le cas lors des crises yéménite, syrienne ou libyenne. Or, l’Arabie Saoudite, et ses partenaires du conseil du golfe, réfute toute politique consensuelle.

Alger propose également que le poste de secrétaire général fasse une rotation entre l’ensemble des pays membres. Cette proposition a été proposée lors du sommet d’Alger en 2005 sans voir le jour. L’alliance Saoudo-émirienne s’oppose fermement au moindre changement structurel par crainte de voir leur domination se décliner sur le fonctionnement de la ligue Arabe.

Quant aux propositions d’Alger d’évoquer une politique arabe commune entrant dans le cadre la réconciliation inter palestinienne, d’un processus de réintégration graduelle de la Syrie au sein de la ligue ont toutes butées sur un refus catégorique. Le président algérien Tebboune a soulevé la nécessité d’affirmer « le renouvellement de l’engagement collectif arabe envers la cause palestinienne et la réaffirmation de l’engagement envers l’initiative de paix arabe de 2002 ». Alors que des États tels que le Maroc et les émirats arabe unis ont normalisé leur relation avec Israël tandis que d’autres sont en voie de le concrétiser. Sur ce dossier, Alger ne trouve pas les soutiens d’antan, ceux de la Syrie, Libye, Irak.

Les ambitions de MBS

Alger veut lancer une politique de réconciliation au sein de la ligue arabe à travers la réintégration progressive de la Syrie. Or, les pays du golfe voient mal le renforcement de la présence militaire iranienne en Syrie et au Liban et sa mainmise sur la politique intérieure irakienne. Les positions algériennes se trouvent diamétralement opposées à celles des monarchies du Golfe. D’autant plus, sa décision de rupture avec son voisin Marocain est en contradiction avec la politique de réconciliation que préconisent les Émiratis et les Séoudiens.

Le jeune prince héritier séoudien, MBS, avait proposé sa médiation dans la crise de rupture des relations diplomatiques entre Alger et le Maroc à l’image de la démarche de son oncle le Roi Fahd Ben Abdelaziz réconciliant le Roi Hassan II et le président algérien Chadli Ben Djedid en 1983 connue la rencontre d’Al Khayma. Alger a vite décliné la proposition de Ben Salman. Ce dernier rend actuellement la monnaie d’échange au président Tebboune en s’excusant de son absence du sommet d’Alger pour des raisons médicales. Le communiqué du ministère des affaires étrangères algérien a révélé une communication téléphonique entre le président algérien et le prince héritier saoudien tenue le 22 octobre justifiant les raisons de l’absence de ce dernier.   

« Le Président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune a reçu, ce soir, un appel téléphonique de son frère, son Altesse l’Emir Mohammed Ben Salmane, Prince héritier et président du Conseil des ministres du Royaume d’Arabie Saoudite, pays frère, lors duquel il s’est excusé de ne pas pouvoir participer au Sommet arabe devant se tenir le 1er novembre à Alger, conformément aux recommandations des médecins qui lui déconseillent les voyages ». Le lendemain, le cabinet royal confirme l’absence du prince héritier saoudien, il évoque les mêmes raisons sans définir les éventuelles annulations de ses déplacements programmés pour le mois de novembre dans le sud-est asiatique.

Les arguments évoqués par le conseil du cabinet médical « d’éviter de prendre l’avion pour des difficultés survenues dans l’oreille du prince » volent en éclats. Puisque le 24 octobre, le prince est apparu en pleine forme recevant les joueurs de l’équipe nationale de football et son personnel technique et administratif dans son palais de Jedda. Un discours d’encouragement est prononcé par Ben Salmane à son équipe nationale qualifiée pour la coupe du monde qui se tiendra dans quelques semaines au Qatar.

L’opposition saoudienne à Londres évoque d’autres raisons relatives à des tensions à l’intérieur du royaume, conséquences des positions prises par le prince au sein de l’OPEP+ en diminuant la production du pétrole de 2 millions barils/ jours. Les Etats-Unis ne pardonneraient pas ce grand écart en faveur de la Russie. « Le véritable conseil prodigué au prince héritier, par son entourage, est de ne pas quitter le royaume » révèle un opposant saoudien. “Il y aura des conséquences pour ce qu’ils ont fait, avec la Russie”, a affirmé le président Joe Biden lors d’une interview avec la chaîne CNN le 11 octobre, sans toutefois préciser de quelle nature elles seraient.

Le prince héritier saoudien appréhende la réaction américaine, avant les élections Mi terme du mois de novembre, suite à sa nouvelle politique de rapprochement avec Moscou. “Au vu des récents événements et des décisions de l’Opep+, le président Biden pense que nous devons réévaluer la relation bilatérale avec l’Arabie saoudite”, avait confirmé John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche, lors d’un point de presse. Le président Joe Biden “est prêt à travailler avec le Congrès pour réfléchir à ce que doit être cette relation”, rassure le conseiller.

 Le sommet Arabe d’Alger :  entre défections et désaccords

La citation du précurseur de la sociologie Ibn Khaldoun (1332-1406) sur les désunions et les divisions qui caractérisent les États arabes à travers l’histoire s’applique aisément au contexte actuel. « Les arabes se réunissent toujours pour ne plus se mettre d’accords » sonne comme une prophétie auto-réalisatrice sur ce qui se passe au sein de l’organisation des États arabes. Les dissensions, divisions, renoncements sont autant de points qui se révèlent comme marque de fabrique de la ligue arabe.

Le sommet d’Alger annoncé en grande pompe depuis plus de trois ans, en dépit des reports, n’est que l’ombre de lui-même. Malgré la rupture des relations diplomatiques, l’annonce de la présence du Roi du Maroc Mohamed VI a suscité un brin d’espoir. L’annonce de l’absence du prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salmane, a donné un coup fatal au sommet. Le poids de l’Arabie saoudite au sein du conseil du Golfe s’est confirmé à travers le renoncement de l’émir des émirats arabe unis Mohammed Ben Zayed Al Nahyane, du l’émir du Koweit Nawaf Al Sabah, du Roi de la Jordanie Abdellah II. Ce dernier sera représenté par son fils le prince Hussein Bin Abdellah. Des pressions s‘exercent sur le président Egyptien, le maréchal Sissi qui risque à son tour de marquer son absence.

Pourtant, ce 31ème sommet Arabe d’Alger est organisé sous le signe du « rassemblement » que le spectacle du niveau de représentativité indique le contraire. Depuis le dernier sommet arabe tenu à Tunis en 2019, le monde Arabe se déchire entre partisans de soutiens à la cause palestinienne (Algérie, Libye, Tunisie, Yémen, Qatar) et les États ayant opéré une normalisation avec l’État hébreu (Emirates arabe Unis, Bahreïn, Soudan, Maroc). Les absences marquées de certains leaders conjuguées aux différences de visions auront sûrement un impact sur la réussite du sommet qu’Alger veut le transformer en un succès diplomatique.

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1 COMMENTAIRE

  1. Morale, les bariles de petrole permettent les festins recurrents de ces castes ambulantes avec leurs salamalecs hypocrites se font la guerre de nuit et les embrassades durant la journée. les vrais arabes- les monarchies du golfe-, ne veulent pas de l’approche laique à la politique. Les faux arabes comme Don Chisciotte de la mancia, se donnent une peine perdue, un sacrifice ou automutilation, pour rentrer dans les graces des seigneurs. C’est dire combien l’illégitimité des pouvoirs permet ces torsions. Les Etats ne reposent que sur du vrai. Les fantoches ne font peur qu’à ceux qui y croient.

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