L’arrestation de Ghannouchi, patron des islamistes tunisiens: une régression démocratique

Le chef du mouvement tunisien islamo-conservateur Ennahda, Rached Ghannouchi, un des principaux opposants au président Kais Saïed et la figure la plus emblématique de la transition démocratique tunisienne de ces dix dernières années, a été arrêté ce lundi 17 avril. Cette décision que le président tunisien a tardé à prendre malgré la lutte sourde qui opposait les deux hommes, enterre définitivement le printemps arabe né en 2011, marqué par la participation au pouvoir du mouvement Ennahdha de Ghannouchi et l’espoir d’un alliage des valeurs démocratiques et des valeurs islamistes.

Miné apparemment par la maladie et enfermé dans la solitude du Palais de Carthage avec un soutien sans conviction de l’armée tunisienne, une crise économique gravissime, un appareil sécuritaire, ultime survivance de l’État, abandonné à lui même et enfin les Algériens, les Iraniens et les Syriens comme seuls appuis internationaux, Kaïs Saîed se prive avec un Ghannouchi placé en détention de son meilleur ennemi, un des rares capables de canaliser la révolte populaire.

L’arrestation du leader islamiste provoque un séisme sans précédent au sein d’une société tunisienne désemparée et fracturée.  Sans passé politique ni projet pour des lendemains sombres, le président tunisien, en situation d’apesanteur, est plus que jamais sur un siège éjectable   

Rached Ghannouchi, chef du mouvement tunisien islamo-conservateur arrivé en tète des formations politiques président de l’Assemblée tunisienne jusqu’à sa dissolution par Kaïs Saied en juillet 2021, a été arrêté, lundi 17 avril, par une force policière à son domicile à Tunis et « conduit vers un lieu inconnu », a affirmé son parti dans un communiqué? 

Face au coup d’État du président tunisien voici presque deux ans, le mouvement islamiste Ennahdha, au coeur du pouvoir depuis le printemps arabe de 2011 en Tunisie, n’avait pas appelé ses partisans à descendre dans la rue. Cette posture attentiste était dictée par les États-Unis, inquiets de la dérive autoritaire du pays, mais aussi par le tempérament de Rached Ghannouchi, accusé à tort de duplicité par ses adversaires. C’est que durant son exceptionnelle carrière politique débutée dans les années 1980-1982, il préféra toujours le compromis, voire l’évitement, à la confrontation.

« Les vieux démons » de Kaïs Saïed

Dans les rangs d’Ennahda, le ton a changé depuis cette journée de juillet 2021 qui a vu le président Kaïs Saiëd interdire l’entrée du Parlement à son président, Rached Ghannouchi, le leader historique des islamistes tunisiens. Après avoir qualifié de coup d’État la décision du chef de l’Etat de démissionner le gouvernement et de concentrer tous les pouvoirs, les dirigeants islamistes accusent le coup. Ils se disent désormais ouverts au dialogue et décidés de se conformer à « la volonté du peuple ». Pourquoi pas des élections anticipées, propose Rached Ghannouchi dans un entretien avec « Jeune Afrique » où il met en garde contre « le retour des vieux démons ».

Ghannouchi tendait la main à toutes les sensibilités politiques, y compris aux salafistes qu’il présentait comme « des brebis égarées » qu’il fallait ramener au bercail et à des pratiques légalistes.

Le pacte avec Beji Caïd Essebsi

Ce légalisme du mouvement Ennhadha n’est pas nouveau. Lors de la crise sévère que la Tunisie avait connu en 2013 lorsque des voix se faisaient entendre pour interdire le mouvement Ennahdha qui dirigeait alors le gouvernement, Rached Ghannouchi avait, de la même façon qu’aujourd’hui, manifesté une volonté de compromis en décidant de lâcher les commandes gouvernementales et de céder la place à une équipe de technocrates. Dans la foulée, le mouvement islamiste avait totalement revu la copie du projet de constitution en retranchant tous les articles qui dans une première mouture, faisaient référence à l’Islam, religion de l’État.

Enfin après l’élection un an plus tard de Beji Caïd Essebsi à la Présidence de la République, sur la base d’un programme hostile à l’Islam politique, Ghannouchi lui avait tendu la main et avait réussi à faire nommer quelques uns de ses partisans à des postes ministériels, en parvenant ainsi à participer encore au pouvoir dans une alliance improbable. Et au prix d’une paralysie gouvernementale, les principales forces politiques tunisiennes se neutralisant depuis des années. 

« La voix de la sagesse »

En jouant l’apaisement, Rached Ghannouchi soit en phase avec le Qatar qui l’a toujours soutenu et finacé depuis le début du printemps arabe. Les autorités de Doha affirment en effet  ce lundi 26 juillet « suivre les évolutions de la crise politique en Tunisie », appelant toutes les parties « à faire transcender l’intérêt du peuple tunisien frère, à faire prévaloir la voix de la sagesse, et à éviter l’escalade et ses répercussions sur le processus de la Tunisie, et son expérience ayant fait l’objet du respect de l’environnement régional et international ».

Le ministère des Affaires étrangères qatari s’est fait l’écho, dans un communiqué dont une copie est parvenue à Gnetnews, de l’espoir de l’Etat du Qatar que « les parties tunisiennes emprunteront la voie du dialogue pour surmonter la crise, consacrer les attributs de l’Etat des institutions, et consacrer la force de la loi en Tunisie ».

Il semble que les Américains qui ont envoyé une mise en garde très nette au président tunisien, en provoquant l’irritation de sites d’information favorables au coup de force, ait donné le même conseil de modération aux islamistes. Ces derniers sont tentés de suivre ces recommandations

.Les islamistes ultimes gardiens d’une République parlementaire contre la tentation d’un pouvoir fort, voici le paradoxe politique de dix années d’un processus démocratique inachevé. Voici le fragile édifice que Kaîs Saied vient de briser en décidant de placer en prison un Rached Ghannouchi, formé au comprommis politique sous les dictatures de Bourguiba et de Ben Ali

Notre série sur les islamistes tunisiens (1), la culture du compromis

Notre série sur les islamistes tunisiens (2), l’épreuve du pouvoir

Quand la France soutenait l’islamiste tunisien Rached Ghannouchi !

 

1 COMMENTAIRE

  1. J’espère juste que cet article est un prank ou une blague de mauvais goût , après 10 ans de financement du terrorisme et d’exportation de terroristes et d’endoctrinement, après 10 ans d’assassinats politique, après 10 ans de destruction de l’économie Tunisienne et de sabotage des institutions de l’État, après 10 ans de trahison contre les intérêts du peuple Tunisien, après une décennie noire on veux nous faire croire que Ghannouchi est la vierge marie , un ange venu guider et accompagner les Tunisiens vers le chemin de la paix, de la liberté et de la prospérité infini

Les commentaires sont fermés.