La présence militaire américaine au Niger

FILE - In this photo taken Monday, April 16, 2018, a U.S. and Niger flag are raised side by side at the base camp for air forces and other personnel supporting the construction of Niger Air Base 201 in Agadez, Niger. The U.S. says it has about 5,200 Africa Command personnel, troops and others, on the continent, plus about 800 other Department of Defense personnel. (AP Photo/Carley Petesch, File)

Les Américains qont investi 300 millions d’USD dans la base 201 dont le cout de fonctionnement annuel est d’au moins 30 millions de dollars Le total des forces américaines présentes au Niger est de un millier de soldats

Une chronique d’Olivier Vallée

La base 201 est la plus importante des installations américaines destinées aux drones après celle de Djibouti.  Dotée de communications satellitaires depuis 2019. elle reste propriété du Niger. Le bail expire en 2024. D’où les positions pragmatiques de la diplomatie américaine sur une éveentuelle intervention de la CEDEAO

Les conseillers techniques américains du “409th Expeditionary Security Forces Squadron” ont instruit des éléments des Forces Armées Nigériennes (FAN) à la guérilla urbaine avec la tactique de destruction des immeubles occupés par des forces ennemies. Malgré la prédominance de l’Air Force dans le contingent américain, le souci de renforcer la capacité des FAN au contact avec l’ennemi terrestre montre les risques que les bases aériennes alliées rencontrent dans le contexte d’insurrection armée au Niger.

La base 201 reste pour l’instant un perpétuel chantier animé par des « contractors » et des sous-traitants nigériens. Cela excite des convoitises et suscite du banditisme. Ainsi, à la fin de l’année dernière, une compagnie privée nigérienne qui assure l’entretien de la base a vu un de ses véhicules chargé de 24 millions de FCFA,  soit 40 000 USD, destinés à la paye de ses employés, attaqué à un peu plus d’un kilomètre de la base. Les voleurs étaient armés de la version chinoise du AK 47[4].

 Le tropisme des Forces Spéciales

Face au Niger, à présent, l’Amérique aide, forme et soutient des armées africaines. US AFRICOM et l’US Special Operations Command (USSOCOM) collaborent avec le Nigerian Army Special Operations Command (NASOC) créé en 2014. La cible était Boko Haram et il s’agissait de perfectionner des unités d’élite de l’armée de terre en liaison avec le Nigerian Navy’s Special Boat Service (SBS). Là aussi la guerre urbaine était privilégiée et sous les ordres du Lieutenant Général Tukur Yusuf Buratai , ces groupes de combat ont été engagés à Maiduguri en 2018.

Au Ghana le 69 Special Airborne Force (SAF) et le 64th Infantry Battalion ont été formés en 2021 par des moniteurs britanniques[5] aux opérations de renseignement, de reconnaissance et de combat. Le but était d’en faire un corps expéditionnaire à vocation régionale.  Auparavant les mêmes militaires ghanéens avaient été entrainés en 2018 à la guerre urbaine par les Israeli Defense Forces.

Dès 2011, peu de temps après la prise du pouvoir par Ouattara, la Côte d’Ivoire inaugure son bataillon rapide d’intervention, depuis devenu Forces spéciales des Forces Armées de Côte d’Ivoire: FS-FACI. Ces forces spéciales sont dotée pour leur mobilité de véhicules spécialisés : Snake MRAPs, Toyota Land Cruiser et, pour le transport, de BTR‐70 et de Caïmans 4×4 . Il s’agit de blindés légers pour le théâtre urbain et périurbain. C’est la France principalement qui a exercé les FS-FACI à travers des manœuvres conjointes avec le 1er Régiment de Parachutistes d’Infanterie de Marine: 1er RPIMA en septembre 2017. Le 1er RPIMA est familier, comme unité de parachutistes de l’infanterie de marine, des opérations extérieures, principalement en Afrique. Les Forces Spéciales ivoiriennes se joignent également à l’exercice annuel de Flintlock organisé par l’US AFRICOM (US Special Operations Command Africa). En juin 2021 la Côte d‘Ivoire a lancé son Académie Internationale de Lutte Contre le Terrorisme (AILCT) en prélude à Flintlock 2022. L’AILCT est née en 2017 de l’accord entre le président français et son homologue ivoirien. La revue spécialisée de défense “Janes” rappelait en 2022 que l’Académie aurait une équipe permanente de Français et un camp d’entrainement où se trouveraient des formateurs des troupes d’élite françaises..

L’absence de doctrine commune

La spécialisation aérienne des forces armées de l’OTAN au Niger traduit bien leur absence d’intérêt pour des actions sur le terrain, y compris dans le périmètre de leurs bases pivots 101 et 201. Elles seraient peu à même, au sol, de soutenir une intervention armée sous couvert de la CEDEAO. L’entrainement par les pays membres de l’OTAN de militaires d’armées susceptibles de rejoindre la Task Force de la CEDEAO s’est concentré sur les Forces Spéciales. Le clivage linguistique limite le rôle de la France à l’appui ancien à la Côte d’Ivoire. La focale sur la guérilla urbaine semble commune à la France et aux Etats-Unis en vue de disposer d’une masse minimale de manœuvre commune à la sous-région.

En l’absence de doctrine française il faudrait dans l’approche offensive de villes du Niger se baser sur la doctrine américaine. Même les Ghanéens rencontreraient quelque difficulté à s’y ranger car, avec les Britanniques, ils répètent des scénarios de l’Irlande du Nord. La conclusion est patente : la présence militaire de l’OTAN n’est pas une stimulation du développement et ne contribue pas au retour de la sécurité, ne serait-ce que dans la réduction du banditisme armé. L’ombre de l’OTAN plane derrière les armées des pays qui veulent des sanctions cruelles contre le peuple du Niger. Le passage à l’acte militaire de ces forces hostiles au Niger renforcerait le sentiment qu’elles sont plus vouées au maintien de l’ordre politique et social qu’à la défense contre les groupes armés insurrectionnels..

Le tournant de 2017

Les pertes subies par les Américians dans l’embuscade de Tongo Tongo,  en 2017 correspondaient à une époque où les Américains engageaient sur le terrain des équipes de 12 hommes appuyés par les Nigériens, et en l’occurrence, secourus par les soldats français. Cet épisode a été un scandale aux Etats-Unis et il y a eu des sanctions pour les chefs américains basés au Niger. Les multiples forces spéciales américaines (Bérets verts, SEAL, Marines, etc.) ont cédé une large partie de leur rôle à ldes unités combattantes locales à partir de 2018.

Le plus illustre des officiers nigériens formés à Fort Bragg est l’actuel chef d’État-major, le général Barmou. Mais en réalité, l’assistance technique à la création de forces spéciales au sein des FAN s’est soldée par la superposition d’apprentissages divers et hétéroclites, certains ne se faisant pas avec l’armement adéquat. La mission européenne d’appui militaire[12], une catastrophe, se plaçait au-dessus des instructeurs bilatéraux Belges, Italiens, Allemands, tandis que Canadiens et Américains travaillaient de leur côté, sans parler de la spécialisation des Français en binôme avec des « têtes connues ».  EUCAP et ses succédanés nationaux ont planché avec le G 5 Sahel sur des modèles abstraits et lourds (voir tableau ci-dessous) de contre-insurrection (COIN Strategy), aussi parfaits qu’inefficaces.  Du moins au Sahel. Au Cameroun et en Côte d’Ivoire, le bataillon d’intervention rapide (BIR) a eu du succès même si ce ne sont pas toujours des Européens qui les encadrent, mais plutôt des Israéliens.

L’ordre de bataille d’Issoufou, annoncé en 2018, a donc ainsi pris du retard, d’autant plus que Français et Américains basculaient vers la guerre vue du ciel. La dispersion des formations des hommes destinés aux Forces spéciales du Niger a réduit leur cohésion, sans parler des difficultés de coordination avec l’aérien. C’est sans doute en partie du fait de cette incohérence que Barmou, qui dirigeait le 27 juillet 2023 les Forces spéciales, a renoncé à l’épreuve de force pour sauver Bazoum. Aujourd’hui qu’il est à la tête des FAN, toute sa compétence de militaire moderne et de connaisseur des difficultés d’harmoniser les troupes vont jouer en faveur de leur plus grande opérationnalité. Quoiqu’il se passe, cet examen est l’occasion de mettre en évidence les handicaps de l’OTAN à mettre en place une doctrine multi-armes de contre-insurrection.

La bande sahélo-sahélienne (BSS) n’est pas un décor mais une réalité politique vivante qui n’est pas prise en compte dans les meilleures formations aux opérations spéciales.

 

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