Centrafrique, un mystérieux mouvement de libération nationale

Face au « coup d’état constitutionnel » du président centrafricain Touadéra qui entend changer de constitution pour pouvoir effectuer un troisième mandat, un mouvement de libération nationale se constitue 
 
Le président Centrafricain, Faustin Archange Touadéra, a confirmé le 30 mai dernier sa volonté d’organiser un référendum constitutionnel, prévu pour le 30 juillet 2023. La campagne référendaire se tiendra du 15 au 28 juillet. Cette révision pourrait autoriser le président Centrafricain à effectuer un troisième mandat. Le jour de cette annonce, un dispositif policier et militaire avait été déployée dans Bangui, alors que l’opposition politique a de nouveau dénoncé un coup d’état institutionnel.
 
Le président Touadéra a fait cette annonce dans un discours diffusé sur les réseaux sociaux le 30 mai, jour de la signature du décret prévoyant le référendum. Il a notamment expliqué que l’actuelle constitution « ne reflète pas suffisamment les aspirations profondes du peuple centrafricain. » et qu’elle « comporte des dispositions qui pourraient compromettre le développement économique, social, culturel et politique de notre Pays. », sans préciser la nature de ces dispositions. 
 
Ces arguments sont peu convaincants pour les détracteurs du régime qui voient deux raisons principales à ce projet de révision : la volonté du président Touadéra d’effectuer en troisième mandat: l’ambition de l’exécutif introduire l’usage des cryptomonnaies en Centrafrique et de « tokeniser » les ressources naturelles du pays. Ce dernier projet de cryptomonnaie avait d’ailleurs été rejeté par la Cour constitutionnelle présidée par Danièle Darlan, en 2022.
 
L’ancien Président de la transition, monsieur Alexandre Ferdinand Nguéndet , actuel membre influent du bloc républicain pour la défense de la constitution (BRDC) 

L’apparition d' »officiers libres »

 
Le 2 juin dernier, en réaction à cette annonce, l’ancien président du conseil national de transition (2013-2016) Ferdinand Alexandre N’guendet a annoncé prendre la tête d’un mystérieux mouvement de libération nationale, soutenu par un non moins mystérieux « collectif des officiers libres des forces armées centrafricaines ». N’guendet a exigé la démission de Touadéra au plus tard le 1er juillet, « faute de quoi il assumera toutes les conséquences de son entêtement habituel. ». Il a notamment demandé l’aide de l’armée pour « éjecter Monsieur Faustin Archange Touadéra du pouvoir, et chasser les mercenaires du Groupe Wagner et rwandais de la terre de nos ancêtres et de nos aïeux. »
 
Depuis cette annonce, N’guendet a signé plusieurs décrets à en tête de la République Centrafricaine, pour nommer un directeur de cabinet ainsi que des conseillers militaires, diplomatiques et économiques.
 
Des interrogations persistent quant à la faisabilité de l’organisation de ce référendum, alors qu’une grande partie du pays est encore régulièrement perturbée par la présence des groupes armés. Le financement de ce scrutin demeure également incertain, alors que l’État fait face à une importante crise de trésorerie.
 
L’annonce du Président Touadéra n’a néanmoins rien d’une surprise. En mai 2022, plusieurs parlementaires de la majorité avaient initié ce débat de révision constitutionnelle. Un comité de rédaction d’une nouvelle constitution avait même été nommé. Ce projet avait connu un coup d’arrêt en septembre 2022 : La Cour constitutionnelle l’avait rejeté, le jugeant contraire à la loi fondamentale. Un mois plus tard, la présidente de la Cour, Danièle Darlan, qui avait porté cette décision, avait été mise à la retraite par un décret présidentiel. Cette éviction avait provoqué l’ire de l’opposition politique et de certains acteurs de la société civile, qui dénoncent depuis ces manœuvres de l’exécutif. Jean-Pierre Waboé, le nouveau président de la Cour, ne s’est pas opposé à la volonté de l’exécutif de remanier la constitution.