Faute d’avoir construit le rapport de force favorable lors des négociations, les pays du Sud, particulièrement ceux d’Afrique, repartent de la COP 21 les mains vides sur la question des financements.
Le compte n’y est pas ! A quelques heures de la clôture de la 21 ème Conférence des Nations unies sur le climat (COP21), la question des financements aux adaptations aux changements climatiques n’est toujours pas réglée ; elle ne le sera probablement pas.
Juste contrepartie
Selon la ministre sud-africaine de l’environnement Edna Molewa, l’avant-dernière mouture de l’accord de Paris ne garantit « ni la visibilité, ni la montée en puissance » du montant de 100 milliards de dollars par an promis aux pays en développement à partir de 2020 pour accompagner leurs adaptations climatiques. Pour les pays africains, qui en avaient un enjeu dès le début de la COP 21, les financements ne sont pas la charité ; mais une sorte de justice.
Leur argument principal repose sur le fait que l’Afrique consomme 3% d’énergie mondiale seulement, elle émet moins de 4% de gaz a effet de serre alors qu’elle abrite 15% de la population mondiale. Elle est cependant la première la première victime des effets du changement climatique. Le déboisement se poursuit à grande échelle dans les pays du Sahel, entraînant des hausses de température qui pourraient rendre la zone hostile à toute vie humaine dans les prochaines années.
Des compensations financières justes
Mais, il y a surtout la baisse considération de la pluviométrie qui a pour conséquences des cycles de sécheresse et de famines au Sahel. Dans le Golfe de Guinée, les effets du changement climatique se traduisent par l’érosion maritime qui menace dangereusement des villes côtières comme Cotonou, la capitale économique du Bénin. Comme viennent de le montrer les inondations meurtrières enregistrées à Kinshasa, la capitale de la république démocratique du Congo, les effets du changement climatique peuvent se manifester de façon inattendue et dramatique.
L’autre argument soutenu par les délégations africaines, c’est que les financements attendus à Paris sont la contrepartie des sacrifices que le continent consent pour préserver des intérêts planétaires. Pour les officiels africains à la COP, si le reste du monde veut que l’Afrique respecte sa part d’engagement en préservant les forêts du Bassin du Congo, deuxième poumon écologique au monde, en renonçant à son industrialisation avec des énergies fossiles, en s’engageant résolument dans la production des énergies propres et coûteuses, il faut des compensations financières. Les pays africains ne les ont pas obtenues à Paris.
Erreur de stratégie
Alors qu’elle avait dégagé une stratégie commune pour la conférence de 2009 à Copenhague confiant le rôle de porte-parole à l’ancien Premier ministre éthiopien feu Melès Zenawi, l’Afrique a agi en ordre dispersé à la COP 21. En effet, chaque Etat avait défini, dans son coin, ses engagements chiffrés et les a transmis à la France presque secrètement. Les pays d’Afrique centrale, par exemple, avaient une carte en main dans les discussions puisqu’ils abritent le Bassin du Congo, un des deux « poumons écologiques du monde ».
Ils disposent par ailleurs d’un mécanisme commun appelé Commission des forêts d’Afrique centrale et d’une Conférence des ministères en charge des forêts d’Afrique centrale (COMIFAC). Pourquoi n’ont-ils pas préparé la COP ensemble ? Pourquoi n’ont-ils pas mis sur la table de la COP21 des engagements communs alors que les forêts et les défis qu’elles posent sont transnationaux ? A la désunion africaine est venue s’ajouter la division du Sud pendant la Conférence de Paris. L’Inde, la Chine, le Brésil avaient des agendas différents qui ne portaient pas forcément sur la question du financement aux adaptations aux changements climatiques. Finalement, le Sud n’a pas réussi à construire à Paris le rapport des forces qui lui aurait permis de faire aboutir ses revendications.
Que faire maintenant ?
Avant même la fin des travaux de la COP 21, de nombreuses voix s’élèvent sur le continent pour appeler les pays africains à compter désormais sur eux-mêmes. D’abord en mettant en place des politiques environnementales et minières qui prennent en compte les intérêts des populations et non ceux des multinationales exploitant le bois, le pétrole et l’uranium. « C’est facile pour les dirigeants africains de se poser en victimes. En réalité, eux-mêmes sont des alliés objectifs des multinationales qui exploitent le pétrole, le bois, l’or dans nos pays. Si nos dirigeants mettent fin à leur collusion actuelle avec les multinationales, les retombées seraient plus grandes que les financements promis à Copenhague mais qui ne sont jamais arrivés », argumente le responsable d’une ONG d’Afrique centrale. Ses propos sont confortés par les dégâts environnementaux observés dans l’exploitation pétrolière dans le Delta du Niger, de l’uranium au Niger et au Gabon, du bois au Cameroun. L’Afrique doit donc réinventer ses relations avec Exxon-Mobile, Shell, Areva, Total, Rougier….
Le continent peut également trouver une alternative aux financements internationaux qu’il n’a pas obtenus à Paris en accélérant la bonne gouvernance politique et économique. Il s’agit non seulement d’associer les populations concernées à la gestion des questions environnementales mais surtout à l’usage des retombées financières de l’exploitation de la forêt, du pétrole, du bois, de l’or ou de l’uranium. « Des sommes colossales sont tirées de l’exploitation des ressources naturelles et minières en Afrique mais elles profitent plus à des gouvernements corrompus qu’aux populations. Commençons par mettre fin à cela avant d’aller frapper à la porte des autres pour obtenir leur aide », insiste le Gabonais Marc Ona Secrétaire exécutif de l’ONG Brainforest. En clair, même si l’Afrique avait obtenu à Paris les financements qu’elle espérait, leur gestion par certains gouvernements aurait nécessité des garde-fous. Nous en sommes hélas même pas encore là.
Voir notre interview avec Marc Ona, écologiste gabonais, grande figure de la société civile africaine :