Le Conseil de sécurité de l’ONU a fait droit à la proposition de la Russie de faire une exception à l’embargo sur les armes à destination de la Centrafrique, en vigueur depuis 2013.
L’Union européenne, la France et les États Unis d’Amérique n’ont pu qu’acquiescer, en exigeant un contrôle de l’utilisation de cet armement. La visite du président Touadera à Sotchi, le 9 octobre 2017, et sa rencontre avec le ministre russe des Affaires étrangères, Serge Lavrov, a donc très vite trouvé une conclusion positive. Le président Touadera peut désormais compter sur de nouveaux alliés qui ne vont pas s’embarrasser avec les questions de droits de l’homme, de corruption et de démocratie.
L’horreur du vide
Quasiment lâché militairement par la France, reçu à l’Élysée sans empathie par Emmanuel Macron le 25 septembre 2017, le président Touadera n’a plus que des relations quasi protocolaires avec l’ambassadeur de France à Bangui dont l’extrême discrétion tranche avec l’interventionnisme tous azimuths de son prédécesseur.
La France ne sera plus le seul soutien de la Centrafrique auprès de l’Onu. La Russie compte bien jouer son rôle, notamment au Conseil de sécurité. Le président Touadera peut aussi compter sur le président Kagame, prochain président en exercice de l’Union africaine. N’en déplaise aux militaires français, le président Kagame a donné au président centrafricain une garde présidentielle professionnelle et des commandos militaires qui ont forcé l’admiration des Centrafricains dans le rétablissement de l’ordre dans l’Ouest du pays.
La récente visite prometteuse du président Touadera à Khartoum, laisse aussi entrevoir une fructueuse coopération militaire avec le régime de Omar el-Bechir, sous sanctions internationales et passible de la CPI. De même, surtout sur le plan économique et de l’exploitation minière, les relations avec l’Angola et l’Afrique du sud se sont intensifiées. Mais c’est surtout sur la Russie de Poutine que le Président Touadera et surtout son Premier ministre, Simplice Sarandji, admirateur de l’Urss dans sa jeunesse, comptent pour contrebalancer l’influence du bloc occidental à l’Onu et donner un mandat plus robuste à la Minusca qui accumule les échecs.
La Russie, nouvel espoir de coopération
L’ambassadeur de Russie à Bangui, Sergueï Lobanov, est en poste depuis le 10 juin 2011. Il aura connu cinq chefs de l’Etat ( Bozizé, Djotodia, Nguendet, Samba-Panza et Touadera), cinq gouvernements et quatre ambassadeurs de France. Nul doute qu’avec les bouleversements politiques en France avec trois chefs de l’Etat, aux États-Unis d’Amérique avec le président Trump et à l’Onu avec les changements de responsables, la stabilité de la diplomatie russe et de sa chancellerie à Bangui constitue un indéniable avantage comparatif. Le président Touadera et son équipe ne sont pas en terrain inconnu, lui qui fut premier ministre de Bozizé de 2008 à 2013. Ils ont trouvé des interlocuteurs qui ne découvrent pas la crise et qui répondent à leurs souhaits.
La coopération avec la Russie va se développer dans les domaines de l’éducation, de la santé, des échanges parlementaires et de l’exploitation des ressources du sous sol. Mais ce seront la sécurité et la formation de la future armée nationale qui seront au coeur de ce nouveau partenariat. La mission de formation militaire de l’Union européenne (Ue) en Centrafrique ( EUTM RCA) avec ses 170 formateurs, dont une trentaine venant de Georgie non membre de l’Ue, aura bientôt terminé la formation d’officiers et du dernier des deux bataillons soit 1300 militaires. Faute d’armement et de logistique ces militaires n’auraient pas été opérationnels, ce qui montre bien les limites de l’aide européenne. La Russie va donc fournir 900 pistolets Makarov, 5200 fusils d’assaut, 840 kalachnikovs, , 270 lance-roquettes, 140 armes de précision, 20 armes anti-aériennes. La formation, toute théorique de l’Union européenne, devra être complétée voire reprise par des formateurs russes, notamment pour l’utilisation de ces armes. Cet important stock d’armes va rejoindre ceux qui existent déjà, comme celui restitué il y a quelques mois par le Cameroun, lors de sa saisie en 2013, et ceux qui proviennent des importants trafics transitant par Douala, la RDC, les Soudan ou en provenance de la Libye.
Il sera quand même bientôt temps de reparler de DDRR, de Réforme des systèmes de sécurité dans un pays où les armes circulent librement et où la notion d’armurerie est encore à inculquer. L’afflux d’armes de tous calibres et des munitions afférentes va-t-il annoncer la paix dans un pays devenu l’un des plus dangereux de la planète ?