Burkina Faso - Mondafrique https://mondafrique.com/tag/burkina-faso/ Mondafrique, site indépendant d'informations pays du Maghreb et Afrique francophone Wed, 27 Nov 2024 02:58:41 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=6.7.2 https://mondafrique.com/wp-content/uploads/2017/11/logo_mondafrique-150x36.jpg Burkina Faso - Mondafrique https://mondafrique.com/tag/burkina-faso/ 32 32 Bras de fer au Mali autour de la fermeture d’une télévision privée https://mondafrique.com/decryptage/bras-de-fer-au-mali-autour-de-la-fermeture-dune-television-privee/ Wed, 27 Nov 2024 02:58:22 +0000 https://mondafrique.com/?p=122333 Le gouvernement malien semble en passe de reculer devant la spectaculaire mobilisation des médias de ce pays contre la suspension de la télévision privée Joliba, à la demande, chose inédite, des autorités du Burkina Faso. Joliba TV, connue pour son indépendance éditoriale, a été sanctionnée suite à la plainte, le 12 novembre dernier, du Conseil […]

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Le gouvernement malien semble en passe de reculer devant la spectaculaire mobilisation des médias de ce pays contre la suspension de la télévision privée Joliba, à la demande, chose inédite, des autorités du Burkina Faso.

Joliba TV, connue pour son indépendance éditoriale, a été sanctionnée suite à la plainte, le 12 novembre dernier, du Conseil supérieur de la communication du Burkina Faso, deux jours après un débat télévisé à l’occasion duquel l’activiste malien Issa Kaou N’Djim avait douté de la réalité de récentes tentatives de déstabilisation du pays voisin.  

Ces déclarations jugées « gravissimes » par la junte burkinabè ont envoyé leur auteur en prison dès le lendemain pour « offense commise publiquement envers un chef d’État étranger ».

La procédure administrative lancée parallèlement a, elle, abouti au retrait de la licence de Joliba TV, devenu effectif ce 26 novembre. Mais les média maliens, jaloux d’une liberté durement acquise par la lutte à l’orée des années 1990, ne se sont pas laissé faire.

Toutes les organisations socioprofessionnelles se sont mobilisées autour de la Maison de la Presse, qui a mené lundi une première tentative de négociation auprès de la HAC, demandant l’indulgence de l’instance de régulation. Les médias menacent, au cas où ces discussions n’aboutiraient pas, de rediffuser l’émission en cause pour contraindre la Haute Autorité à les suspendre tous.  

Une solidarité militariste menaçante pour la presse

«La Maison de la Presse et l’ensemble des organisations professionnelles des médias condamnent avec la dernière rigueur cette décision disproportionnée (et) exhortent la Haute Autorité de la Communication à reconsidérer sa décision. Face aux mesures extrêmes, (elles) se réservent le droit d’entreprendre toutes les actions qu’elles jugent nécessaires, y compris la diffusion synchronisée de l’élément incriminé par l’ensemble des médias maliens», écrit Bandiougou Dante, le Président de la Maison de la Presse, dans un communiqué du 23 novembre.

Les Maliens restent très attachés à la liberté de pensée, d’expression et de presse malgré la crise politique et sécuritaire qui ravage le pays depuis douze ans. Issus de la révolution du 26 mars 1991 qui a renversé le régime du général Moussa Traoré, les médias de ce pays, comme leurs frères de toute l’Afrique de l’Ouest, sont souvent en première ligne des tempêtes politiques. Le nouveau contexte militariste de l’Alliance des Etats du Sahel fait peser sur eux, on le voit à l’occasion de cette affaire, des menaces accrues. 

Dans les publications de presse de ces deux derniers jours, perce l’inquiétude d’une tentative de musèlement total des médias privés, à laquelle le Burkina Faso semble succomber malgré la sanctuarisation de la presse qui avait suivi l’assassinat de Norbert Zongo en 1998. La fermeture de Joliba serait «un précédent fâcheux dans l’histoire médiatique du Mali», écrit Sekou Tangara. Le Président de l’Union des Journalistes de la Presse libre africaine (UJPLA), de son côté, regrette «les menaces qui pèsent sur la liberté d’expression au Mali, au Burkina Faso et au Niger» et voit dans le retrait de la licence de Joliba «un recul de 30 ans pour la démocratie, la liberté d’expression et de presse au Mali.» Et de prédire : «aujourd’hui, c’est Joliba TV qui est ciblée, demain ce sera un autre média.»

«C’est ça la solidarité de l’AES ? Se liguer pour museler la presse au lieu de combattre efficacement les terroristes?», s’indigne Elhadji Ibrahima Thiam, sur sa page Facebook, dénonçant «une soldatesque galonnée réfractaire à tout son de cloche discordant».

Espérons que les négociations en cours permettront d’éviter le scénario du pire. Après tout, la mission première de la Haute Autorité de la Communication, selon l’ordonnance du 21 janvier 2014, est bien « de garantir et de protéger la liberté de l’information et de la communication, ainsi que de garantir et de protéger la liberté de la presse », tous droits également proclamés par la nouvelle Constitution du Mali adoptée en 2023.

Sur sa page Facebook, l’ancien Premier ministre Moussa Mara a fait part de sa profonde tristesse et d’une grande inquiétude. Il a invité le gouvernement à «oeuvrer à garantir les libertés de presse et d’opinion et à les protéger car, sans elles, aucune stabilité sociale, politique ou institutionnelle ne sera durable.»

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Mali, le discours de vainqueur du chef djihadiste Hamadoun Koufa https://mondafrique.com/a-la-une/mali-le-dechryptage-du-chef-de-la-premiere-force-djihadiste-hamadoun-koufa/ Thu, 31 Oct 2024 17:00:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=121333 Interviewé le 23 octobre en arabe par le journaliste Wassim Nasr, le chef de la Katiba Macina, la première force djihadiste malienne, dresse les contours de la guerre qu’il mène depuis près de dix ans dans le delta central du Niger : alliés, ennemis, cibles, moyens. Pour décrypter le langage parfois allusif de l’émir issu […]

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Interviewé le 23 octobre en arabe par le journaliste Wassim Nasr, le chef de la Katiba Macina, la première force djihadiste malienne, dresse les contours de la guerre qu’il mène depuis près de dix ans dans le delta central du Niger : alliés, ennemis, cibles, moyens. Pour décrypter le langage parfois allusif de l’émir issu de la communauté peule, Mondafrique a fait appel au chercheur Boubacar Ba, du Centre d’analyse sur la gouvernance et la sécurité au Sahel, excellent connaisseur des dynamiques sécuritaires régionales. Ce dernier a écouté l’interview dans sa version audio en fulfulde, la langue peule, traduite de l’arabe par le porte-parole de Hamadoun Koufa, Mahmoud Barry.

Mondafrique : Qu’est-ce-qui vous a frappé, d’emblée, dans cette interview ?

Boubacar Ba : Hamadou Koufa parle à un moment où il pense avoir étendu son pouvoir, sa vision et son ordre politique dans une grande partie du pays, bien au-delà du delta central du Nger. C’est un discours de puissance. Cette interview est une réponse à l’Alliance des Etats du Sahel (AES) : à la vision sécuritaire des trois pays du Sahel central, il répond par un projet djihadiste régional cohérent, même s’il ne développe pas les situations du Burkina Faso et du Niger qui ne relèvent pas de sa responsabilité.

Ce projet est assis, selon lui, sur un ordre idéologique tiré de l’Islam, une gouvernance et un ordre politico-juridique. Cette dynamique de réponse aux Etats n’est pas nouvelle. On l’a déjà vue à l’oeuvre lorsque Barkhane puis le G5 Sahel ont vu le jour en 2014 et 2015 : Hamadoun Koufa et ses amis ont alors créé le Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM) avec une stratégie sahélienne et des branches autonomes. Maintenant qu’ils font la guerre aux armées nationales et aux Russes, les «moudjahidine» (terme utilisé par Koufa et ses combattants) ont créé une formule de recentrage du GSIM dans les trois pays, à travers une action coordonnée de la Katiba Macina, la Katiba Serma et la cadette burkinabè de la Katiba Macina, Ansaroul Islam. Ils se déploient surtout dans le centre et le sud du Sahel oriental ainsi que le nord et l’est du Burkina Faso. Au Niger, selon plusieurs sources, ils ont créé un  «mandiga»  ou Almantaqa (une entité régionale) qui couvre la région ouest de Tillabéri, jusqu’à la frontière du Bénin, dans la réserve transnationale du parc W. Koufa sous-entend qu’un émirat autonome est en train de  se construire dans ce pays après l’émirat du Mali et celui du Burkina Faso. Enfin, en réponse à une question de son intervieweur, il menace clairement les pays côtiers qui «oppriment et maltraitent leurs peuples.» Des attaques et des infiltrations des groupes apparentés à la Katiba Macina sont rapportées depuis des mois au Bénin, au Togo, au Ghana et au Burkina Faso.

Boubacar Ba

Mondafrique : Cette interview, c’est une sorte de leçon de guerre de l’ancien prêcheur du delta. Qui sont ses alliés ?

B.B.: En l’écoutant, on comprend qu’il s’appuie sur deux alliés essentiels : l’organisation faîtière, le Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM), commandé par Iyad Ag Ghali, qui est sa couverture dans le djihad global, et l’organisation soeur du Burkina Faso, Ansaroul Islam, à laquelle il rend un hommage appuyé.  

On dit parfois que «la force du cheval, c’est son sabot». Koufa est le sabot du GSIM, sa force de frappe principale. Et le GSIM assure l’articulation avec la vision globale d’Al Qaida. Les responsabilités de chacun sont décrites avec précision.

Mondafrique : Quelle est, selon Koufa, la source de sa légitimité et ses buts de guerre ?

B.B. : il pense qu’il est un envoyé de Dieu ; il est légitimé par l’Islam. Il n’est pas, dit-il, entré dans le djihad à cause du projet de code de la famille de 2009 au Mali, qu’il avait contesté à l’époque.  « Les problèmes et la tragédie des musulmans au Mali et dans d’autres pays musulmans sont plus importants et plus dignes de sacrifice» que les enjeux de personnes et de familles», dit-il. «Nous combattons pour restaurer la règle islamique dans notre pays (…) mise à mal par ces apostats qui usurpent la règle de Dieu par la force, l’injustice et la tyrannie.»

Mais à cette défense de l’Islam, il ajoute celle des communautés peules. En réponse à une question de Wassim Nasr sur le risque que les actions de Koufa feraient courir à ces groupes, Koufa ne répond pas, sinon pour dire que l’appel islamique a pour but d’unir et non de diviser. Cette communauté pastorale à laquelle il appartient, il estime qu’elle est aujourd’hui discriminée par les gouvernants dans sa pratique de l’Islam et dans son mode de vie. Mais il ne cantonne pas le djihad à ce groupe : «Les Peuls, comme d’autres races musulmanes, vivent en marge de la religion et du monde. Ils ont été privés de leur religion et de moyens de subsistance décents pendant un certain temps. (…) Au fil du temps et de l’adversité, les Peuls ont compris qu’il n’y avait aucun autre moyen de regagner leur droit de vivre honorablement sous la domination de l’Islam que par le djihad.»

Koufa pense ici, sans les préciser, aux droit pastoraux, à la transhumance, aux systèmes de production, aux conditions de vie. Dans le Macina, il a imposé son ordre sur tous ces sujets. Il a fixé un prix plafond aux gestionnaires des pâturages pour l’accès aux éleveurs venus des zones exondées.  Mais pour lui, le djihad va au-delà. Tous ceux dont les droits sont violés doivent y adhérer. Il glisse subtilement vers les autres groupes communautaires. L’homme qui a revendiqué l’attaque de l’école de la gendarmerie de Bamako, le 17 septembre, s’appelait Abou Houzeifa Al Bambari : le Bambara.  

Le delta intérieur du Niger vu par satellite en novembre 2007. Fin de saison des pluies. La végétation est luxuriante. On aperçoit le fleuve Niger au sud-ouest.

Mondafrique : Qui sont les ennemis de Koufa ?

B.B. : Les ennemis sont multiples. Il y a des Etats : ceux du Sahel mais aussi la France, l’Occident, la Russie. Il se montre plus critique envers la Russie qu’envers la France pour son action au Mali. Même si la France est fortement prise à partie, en fin d’interview, pour son action dans le djihad global. «Les crimes odieux commis par les mercenaires de Wagner et l’armée malienne ont accru la colère et le mécontentement du peuple car ils ont dépassé les crimes et les violations des Français (…)  contre des civils désarmés. Ces derniers n’ont pas fait ce que les Russes ont fait», dit Koufa dans son interview.

De façon très politique et un peu paradoxale, il récupère le dégagisme anti-français actuellement très fort au Sahel en attribuant à ses frères d’armes le mérite du départ de l’armée française de la région, même si ce puissant sentiment de rejet a conduit à l’arrivée au pouvoir des gouvernements militaires que le chef djihadiste combat par ailleurs.  «Il s’agit d’une victoire triomphale que Dieu nous a accordée. (…) C’est une revanche divine sur les dirigeants français qui se sont moqué de l’Islam (…) et ont soutenu ceux qui insultaient le Prophète de l’Islam Mohamed (…) Dieu a répandu dans le coeur des partisans et esclaves (de la France) le courage de se révolter contre elle, l’un après l’autre. (…) Ce qui a contraint la France à partir, brisée et humiliée.» S’éloignant du théâtre sahélien, Koufa s’offre le luxe d’y voir une «leçon pour la France» qui devrait «arrêter les injustices et les provocations à l’égard des musulmans en général et des musulmans africains en particulier (…) et leur montrer du respect.»

Mondafrique : l’autre grand ennemi, c’est l’Etat islamique. Les deux groupes divergent sur les cibles, les modes opératoires et la gouvernance.

B.B. : Pour Koufa, la guerre entre les deux groupes n’est pas de son fait. «Nous n’avons décidé de combattre cette secte égarée (…) qu’après avoir tout fait pour convaincre ses adeptes de suivre la vérité. (…) Malheureusement, nos appels sont restés vains car ils ont persisté dans leur égarement et se sont enorgueillis de leur puissance. Ils ont commencé à tuer des innocents sans discernement et à semer le désordre sur la terre», dit Koufa.

Il privilégie la litote, disant avoir été contraint «de les prendre par la main, de mettre fin à leur agression et d’endiguer leur méchanceté.» Après des années de durs combats, l’Etat islamique au Sahel a dû reculer devant les troupes du front constitué par la Katiba Macina, la Katiba Serma et Ansaroul Islam. La route du sud est désormais coupée. Le groupe se trouve confiné dans les régions de Menaka et Gao, au Mali, et de Tillabéri et Tahoua au Niger. Koufa s’en félicite, remerciant Dieu «de les avoir fait reculer dans des zones limitées.» Cependant, il affirme que «la porte des négociations pour résoudre les différends et régler les conflits est ouverte à tous ceux qui le veulent» et il reconnaît des «trêves locales et ponctuelles quand la situation l’exige.» Il refuse de répondre aux questions de Wassim Nasr sur les aspects communautaires du conflit entre les deux franchises djihadistes, qui recrutent toutes les deux largement dans les groupes peuls.

 

Capture d’écran vidéo 2021

Mondafrique: Koufa clarifie les cibles et les moyens employés par son organisation. Mais sa vision de la licéité des actions varie largement, au gré des situations. Qu’en dites-vous?    

B.B. : Koufa réaffirme dans cette interview que son groupe ne s’en prend ni aux ONG, surtout humanitaires, ni aux légitimités locales, ni, plus généralement, aux civils. «Les institutions humanitaires et les ONG ne font pas partie de notre stratégie», dit Koufa, sauf lorsqu’elles se mettent au service de ses ennemis. Plus généralement il affirme qu’il «ne fait pas partie de notre approche de la guerre de cibler des personnes innocentes ; nous combattons ceux qui nous combattent.» En effet, la majorité des actions menées ces derniers mois au Mali ont visé des cibles militaires. Mais il existe des exceptions. Que Koufa justifie. Quand des villages sont harcelés par les djihadistes, c’est pour de bonnes raisons, dit-il, et cela n’arrive qu’après «avoir épuisé tous nos efforts pour leur exposer nos arguments, leur répéter nos avertissements et avoir consulté les savants.»

Une même action peut être licite ou illicite en fonction de qui la commet et dans quel but. En somme, la fin justifie les moyens. Le même acte de guerre «peut, selon son auteur, être juste, à saluer ou à récompenser, ou erroné, à blâmer et désavouer.» C’est ainsi que Koufa justifie le blocus contre des villes par l’histoire du Prophète et de ses compagnons qui «assiégeaient parfois les ennemis dans des forteresses pendant de longues périodes et les chassaient de leurs pays vers des lieux où ils ne pourraient plus les menacer.» «En cela, ils avaient raison», insiste-t-il.

De même, il refuse de dénigrer les nombreuses exactions contre les civils commises par le groupe frère Ansaroul Islam, qu’il félicite au contraire pour sa guerre. «Nos frères du Burkina (…) ont atteint un haut niveau de Ribat (Garde) et de Djihad dans le Sahel. Et ils ont bien travaillé.» Pour Koufa, les actions du groupe sont licites puisqu’il réagit aux exactions commises par les volontaires de la patrie et punit les civils complices des forces de sécurité locales.  

Hamadoun Koufa, 2021

Mondafrique : que sait-on de la gouvernance de Koufa ?  

B.B. : Koufa se rapproche de la guerre par le droit islamique développée par les Talibans en Afghanistan. Il s’appuie sur le Coran, les hadith et la jurisprudence développée au fil du temps par ses juges islamiques dans les zones qu’il contrôle. Il est vrai que cette justice, perçue comme plus rapide et moins corrompue que la justice de l’Etat, est bien accueillie sur le terrain. C’est cette justice, d’ailleurs, qui a accéléré l’expansion territoriale de la Katiba Macina. La Katiba Macina a aussi prôné davantage de justice sociale et familiale et d’équité entre les communautés peules autochtones et allochtones. Depuis 2016, 2017, les ressources pastorales et les fruits de la location des pâturages dans le delta central du Niger  sont ramenés dans la cellule familiale, afin que personne ne soit laissé de côté.

Les éleveurs de la zone exondée, qui payaient un loyer pour faire paître leurs grands troupeaux dans la zone inondée, ont été entendus des chefs djihadistes du delta, souvent originaires de même communauté. Ils ont obtenu la baisse des loyers et un prix fixe pour l’accès aux bourgoutières, les pâturages situés sur les berges du fleuve. Ceci a créé des  frustrés parmi les gestionnaires des pâturages qui redistribuaient une partie de leurs gains aux services étatiques. Les dioros (ou jowro), (les propriétaires coutumiers des pâturages) se sont appauvris ces dernières années avec la baisse forcée des loyers. Ils sont mécontents de leur perte d’influence, y compris dans la famille. Mais ils ne peuvent rien faire. Certains disent même que désormais, l’hivernage fait trois pauvres : l’herbe (le pâturage), la carpe (le poisson) et le dioro. Koufa a cependant souhaité garder un certain équilibre. Il ne conteste pas que les pâturages appartiennent aux autochtones. Mais il prône une utilisation plus juste des ressources, au nom de l’Islam.

Mondafrique : l’intervieweur d’Amadou Koufa insiste beaucoup sur le dialogue. Amadou Koufa y est favorable mais pas sans conditions.

B.B. : C’est la question la plus intéressante aujourd’hui : faut-il, peut-on négocier avec eux? Koufa répond par l’affirmative. Je pense qu’au-delà de son discours un peu guerrier, il accepte qu’il y a une opportunité et une possibilité de dialogue mais il n’en clarifie pas les formes. Alors que le Mali s’engage dans l’élaboration d’une charte de paix, cette interview apparaît comme un appel au dialogue, certes, mais à condition qu’il soit conforme aux intérêts de l’Islam et des musulmans. Koufa est favorable au dialogue mais imprécis sur sa forme.

Il distingue aussi le dialogue politique de la trêve locale. Le dialogue politique relève d’Iyad et la trêve locale des acteurs locaux. Elle n’est pas forcément durable. Elle est conclue quand «la situation l’exige.»   

 

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Kémi Séba, figure de l’anti colonialisme au Sahel, aurait été arrêté en France https://mondafrique.com/politique/kemi-seba-un-funambule-au-sahel/ Tue, 15 Oct 2024 06:59:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=112448 Si l’arrestation de Kemi Séba, le célèbre panafricaniste, n’est pas encore rendue publique ni par les autorités ni par les médias français, elle tourne en boucle depuis quelques heures sur tous les réseaux africains. L’activiste et président de l’organisation Urgences panafricanistes Kémi Séba aurait été arrêté le 14 octobre alors qu’il déjeunait dans un restaurant du […]

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Si l’arrestation de Kemi Séba, le célèbre panafricaniste, n’est pas encore rendue publique ni par les autorités ni par les médias français, elle tourne en boucle depuis quelques heures sur tous les réseaux africains. L’activiste et président de l’organisation Urgences panafricanistes Kémi Séba aurait été arrêté le 14 octobre alors qu’il déjeunait dans un restaurant du 15ème arrondissement. Les raisons de ces interpellations sont inconnues. En juillet 2024, Kemi Séba s’est vu retirer sa nationalité française, quelques semaines plus tard, les autorités nigériennes lui ont délivré un passeport diplomatique qui toutefois ne lui permettrait pas de séjourner en France sans visa.

L’activiste béninois Kémi Séba affiche résolument ses positions panafricanistes et anti françaises aux côtés des dirigeants militaires des trois pays de l’Alliance des Etats du Sahel et un terreau favorable à ses idées dans toute la région. Depuis les luttes anticoloniales et indépendantistes du XXeme siècle, le mouvement panafricaniste porté par des intellectuels, artistes et militants, promeut l’émancipation du « monde noir » centré sur le continent africain.

Un portrait signé par Olivier Vallée.

 

Le monde yoruba organise ses divinités, que l’on retrouve dans le vaudou béninois, autour d’une figure mythique entre héros et bouffon, reliant le sacré au trivial, pas loin d’un désordre nécessaire à la vérité. Les anthropologues adoptent le terme de trickster pour définir ce Janus ce qui, en français, peut paraître péjoratif. Par de nombreux aspects, Kémi Séba, de culture fon et yoruba, joue de ces répertoires.

La consolidation de la trilatérale de l’Alliance des États du Sahel a donné au leader de l’afrocentricité une position d’allié institutionnel, formant quasiment la quatrième figure du panthéon des dirigeants militaires du Sahel, dans une sorte de carré d’as où il symbolise la force toujours oubliée des nations africaines, la jeunesse. Ces jeunes citadins ont été la base de la mobilisation contre les menaces militaires françaises au Niger et une masse de manœuvre au Mali que les colonels se sont employés à détacher du populaire imam Mahmoud Dicko.

Au Burkina Faso, le ralliement des élites civiles au régime d’Ibrahim Traoré reste équivoque. Pour certains, la société burkinabé reste encore engluée dans les formes coloniales et bourgeoises de son passé récent. L’activiste Hassane Bationo, connu sous le nom de Bationo de Kyon sur les réseaux sociaux, se réclame du soutien à la transition. Il s’est institué chef du Bataillon d’Intervention Rapide (BIR) de la communication. Le BIR de l’agit-prop est, pour lui, le complément idéologique des Forces de Défenses et de Sécurité et des Volontaires de la Patrie, vivier de la popularité du capitaine Traoré.

Au Faso, l’apparition dans les médias de Kémi Séba viendra donner un brevet internationaliste et moderne à la dynamique engagée de bouleversement des messages et des acteurs de la communication. Après la prise à partie de l’ancien colon, place au revivalisme des croyances ancestrales et des traditions culturelles africaines, en rupture avec l’héritage colonial du christianisme en Afrique, particulièrement notable au Faso.

Le socle kémitique

En 2002, Kémi Séba trouve son pseudonyme : « Étoile Noire » en medu netjer (égyptien ancien). Le propagandiste fait directement référence au kémitisme, grand prêtre de l’infusion lente de cette spiritualité dans la diaspora noire française. Les accusations d’antisémitisme ont eu raison de la Tribu Ka, le groupe qu’il avait fondé pour défendre la singularité du kémitisme. Au nom de l’antisémitisme, Gérald Darmanin, le ministre français de l’Intérieur, a demandé le retrait de la nationalité française de l’activiste né à Strasbourg.

Pour Kémi Séba, l’Egypte est « la matrice civilisationnelle de (notre) peuple, comme l’enseignait le professeur Cheikh Anta Diop ». (Voyage en Egypte, 2023)

Qu’est que le kémitisme ? « C’est un mouvement spiritualiste qui promeut le retour aux ‘sources’, c’est-à-dire aux valeurs et croyances ancestrales comme seules conditions pour la renaissance de l’Afrique », explique le professeur Bony Guiblehon, enseignant-chercheur au département d’anthropologie et de sociologie de l’université de Bouaké et spécialiste des religions. Mais cette version académique du kémitisme semble molle et restreinte face à sa réinterprétation actuelle. Kémi Séba va en effet plus loin, puisant aux origines qui rejettent les religions révélées et ancrent l’Afrique dans une généalogie sacrée et pharaonique. Cela lui permet « de tirer paradoxalement (ses) références autant dans la Bible que dans le Coran mais également aux divinités de l’Égypte antique ou encore aux rastafaris », poursuit le professeur Guiblehon.

Le sociologue sénégalais Abdou Khadr Sanogo complète en soulignant que le kémitisme était, à la base, un mouvement culturel qui cherchait à prouver l’interdépendance entre les peuples noirs d’un point de vue idéologique, linguistique et culturel. On pouvait alors l’assimiler au panafricanisme et même à la négritude.

Kémi Séba introduit ainsi la Kabbale dans son bricolage idéologique.

Cet assemblage reste flou sur son contenu en matière de panafricanisme. Pourtant, l’ensemble thématique qui se dégage parait beaucoup plus riche que la caricature qui en est faite par les influenceurs stipendiés et les oukases sécuritaires. Il offre aujourd’hui une vaste palette identitaire à Kémi Séba. En Afrique, il se met à disposition de nationalismes officiels qui le récupèrent avec l’étiquette souverainiste. Par étapes, on assiste au changement de registre et de niveau pour l’activiste français, longtemps la cible des organes réactionnaires de son pays et de ceux qui en faisaient le parangon de l’antisémitisme noir.

Des Black Panthers à la lagune du Dahomey

En 2006, Jeune Afrique le présente comme le « Farrakhan français ». C’est donner beaucoup d’importance à Farrakhan, patron de « Nation of Islam », car Kémi Séba a parcouru un chemin plus complexe que l’inventeur d’un Islam africain-américain qui connaît peu d’adeptes. Au contact des Africains-Américains qu’il rencontre, bien que se situant dans un autre imaginaire, Kémi Séba assimile que le puissant mouvement hip hop d’outre-Atlantique est sensible au discours de l’afrocentricité triomphante. On cite Tupac Shakur, Sista Souljah, X-Clan, Public Ennemy, Scar-Face, Shaquille O’Neil, Erykah Badu, Lauren Hill, Dead Prez, Capone N’Noriega, Black Lyrical Terrorist : des personnalités et des groupes écoutés, admirés, adulés, du secteur A de Niamey à Dakar Fann. Avec le rap, l’Égypte ancienne se métisse de violence, d’argent et de masculinité comme modes d’affirmation.

En meeting avec son mouvement « Urgences panafricanistes ».

Kémi Séba a 21 ans seulement lorsqu’il fonde le Parti kémite, rassemblement de Noirs afrodescendants, pour la revalorisation de la dignité noire, sans victimisation. Il dénonce le jeu des puissances occidentales qui, depuis la nuit des temps, pillent l’Afrique. Suit la Tribu Ka, déjà évoquée, dissoute le 28 juillet 2006 par Nicolas Sarkozy, première organisation noire interdite sous la Ve République. A sa sortie de prison, il écrit le « Politik Street Show », qu’il joue à plusieurs reprises au Théâtre de la Main d’Or. En 2009, il est recruté par Malik Zulu Shabazz, ex-bras droit de feu Khalid Abdul Muhamad, comme porte-parole de la cellule française du New Black Panther Party. La police française le suit de près et lui interdit de quitter le territoire. Cependant, il rejoint l’Afrique et, à partir de Dakar, s’active dans l’édition, la radio et les media sociaux, sillonnant les universités à l’invitation de ses sympathisants. Il appartient à la famille béninoise Capochichi, un nom prestigieux que l’on pourrait traduire par «chef puissant»  et trouve un cadre d’expression à Cotonou, le groupe de presse de la Gazette du Golfe. Kémi Séba y tient une chronique et ajoute à son portefeuille de combat le franc CFA. La part fon et yoruba de son système de pensée prend de l’importance, et d’Afrique, il s’adresse à la diaspora noire, surtout francophone.

La rupture nigérienne

Les coups d’État, et en particulier le renversement de Mohamed Bazoum au Niger, incitent les autorités béninoises à le rappeler à l’ordre après sa participation à la grande marche de soutien au régime du général Abdourahamane Tiani à Niamey en septembre 2023. Cette démonstration de solidarité survient quelques jours après le coup d’État du 26 juillet. Les autorités béninoises le visent en mettant en garde la presse et les usagers des réseaux sociaux contre toute «apologie des coups d’État». Le groupe de presse la Gazette du Golfe, qui comprend une télévision, une radio, un hebdomadaire et des plates-formes sur internet, est suspendu le 8 août 2023 dans ce contexte. Le bras de fer avec Patrice Talon commence. Il rebondit quand Kémi Séba se range du côté nigérien dans le conflit récent de la frontière entre les deux pays, s’inscrivant délibérément comme un acteur paraétatique dans une lutte autorisant la dénonciation de l’impérialisme français et des oligarchies africaines.

La propagande française veut, dans ce cadre, en faire un agent russe, ce qui est assez drôle quand on sait le nombre de Français blancs dont les revenus proviennent de Poutine. En réalité, il semble plutôt s’agir d’un opportunisme politique encouragé par l’effondrement de la Françafrique.

Photo de famille du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) en novembre 2023. Kémi Séba est en blanc, au centre.

Le piège de la consécration ?

Dans la sphère culturelle et intellectuelle, Kémi Séba est associé aux influenceurs, au rap, à la jeunesse et il ne suscite pas de sympathie de la part des autorités religieuses musulmanes. Le kémitisme autochtone existe ainsi au Mali et s’affirme outrageusement hostile à toutes les religions, dont l’Islam, sans s’attirer les foudres du nouveau pouvoir militaire. Malgré la tentative pour amalgamer Kémi Séba à la décolonialité, maladroitement esquissée par le gouvernement français et ses relais, il s’en distingue. La plupart des militants décoloniaux actuellement en vue, de Norman Ajari à Maboula Soumahouro et Rokhaya Diallo, se réfèrent davantage aux courants de pensées anciens et récents venus des Etats-Unis qu’à l’Afrique profonde. Ces intellectuels se penchent davantage sur W.E.Dubois et le mythe du retour à Afrique que sur l’utopie d’une Égypte nègre.

Leurs conceptions contemporaines – intersectionnalité, blanchité, queer, privilège blanc – ne font pas partie de la grille d’interprétation des activistes africains comme Kémi Séba. Pour l’économiste et écrivain sénégalais Felwine Sarr, le discours simpliste du trublion pointe de vraies questions, auxquelles il faut apporter des réponses de fond.  « Le doigt de Kémi, aussi grossier puisse-t-il nous paraître, pointe une lune qui existe bel et bien et un problème qui est réel : les rapports de domination économiques, politiques et militaires, qui font que, malgré des indépendances obtenues dans les années 1960 pour la plupart des nations africaines, la décolonisation est un processus qui est loin d’être achevé », disait Felwine Sarr au journal Le Monde le 28 août 2017. Si Kémi Séba ne se préoccupe pas de reconnaissance outre-Atlantique, Harvard et d’autres universités le comptent comme une des facettes des changements de l’opinion continentale, caraïbe et africaine-américaine. Il a critiqué le troisième mandat d’Alassane Ouattara et également Alpha Condé, qui le bannit alors de Guinée pour trois ans. Plus épineux, en mai 2021, il proteste contre les actions des forces militaires du Rwanda en République démocratique du Congo, y compris les viols et le pillage des ressources naturelles. 

Le panafricaniste de 42 ans qui doit rejoindre le Faso dans quelques heures est fondamentalement un tenant de l’afrocentricité. Celle-ci se dilue pourtant, peu à peu, dans l’énonciation de questions diverses comme le franc CFA ou la souveraineté, domaines où les intellectuels professionnels et les bureaucrates reprennent aisément la main. La proximité récente avec les responsables suprêmes des pays du Sahel ressemble à une consécration pour celui qui s’est découvert une nouvelle identité à l’âge de 18 ans. Cependant, avec les années et les honneurs, il lui sera de plus en plus difficile de marcher sur la ligne de crête entre la jeunesse africaine et le pouvoir des armes.

Kemi Seba menacé de perdre la nationalité française

 

 

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Les autorités burkinabè dénoncent un énième complot préparé au Niger https://mondafrique.com/politique/les-autorites-burkinabe-denoncent-un-enieme-complot-prepare-au-niger/ Wed, 25 Sep 2024 14:18:36 +0000 https://mondafrique.com/?p=119004 Dans une longue déclaration lue à la télévision nationale, le ministre burkinabé de la Sécurité, Mahamadou Sana, a fait état du démantèlement d’un vaste réseau qui s’apprêtait à déstabiliser la junte au pouvoir. Le même Mahamadou Sana a affirmé qu’ «un certain Serge Mathurin, journaliste nigérien d’origine ivoirienne (1)» avait joué un rôle logistique dans […]

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Dans une longue déclaration lue à la télévision nationale, le ministre burkinabé de la Sécurité, Mahamadou Sana, a fait état du démantèlement d’un vaste réseau qui s’apprêtait à déstabiliser la junte au pouvoir.

Serge Mathurin, journaliste nigérien d’origine ivoirienne, aurait été un des instigateurs du complot visant à renverser la junte militaire au pouvoir au Burina

Le même Mahamadou Sana a affirmé qu’ «un certain Serge Mathurin, journaliste nigérien d’origine ivoirienne (1)» avait joué un rôle logistique dans une série d’opérations avortées visant à déstabiliser le régime de Ouagadougou.Dès le 31 août, la femme nigérienne de Serge Mathurin avait lancé l’alerte, relayée plus tard par l’Union nationale des journalistes de Côte d’Ivoire et l’Union des journalistes de la presse libre africaine (UJPLA) également basée en Côte d’Ivoire. Le 18 septembre, le porte-parole du gouvernement ivoirien, Amadou Coulibaly, avait annoncé l’ouverture d’une enquête, disant n’avoir pas obtenu d’information auprès des autorités judiciaires du Niger. Or le journaliste se trouvait plutôt entre les mains de la Direction générale de la documentation et de la sécurité extérieure. la sécurité d’Etat. 

Le complot aurait été découvert au Niger, à l’occasion de l’arrestation, le 29 août dernier, de «deux individus suspects à un poste de contrôle à l’entrée de Niamey.»  L’interrogatoire de ces deux hommes a conduit les autorités nigériennes sur la piste du commandant Ahmed Kinda, ex-chef de corps des forces spéciales burkinabè et chef militaire supposé de l’opération clandestine, qui aurait été hébergé par Serge Mathurin. L’homme a été interpellé à la gare de bus de Niamey le lendemain.

Un melting pot tentaculaire

Il ne se passe pas un mois sans que la junte au pouvoir au Burkina Faso annonce avoir déjoué un complot fomenté parfois par des gendarmes, parfois par des militaires. Ces allégations, qui ne sont pas toutes infondées, prouvent qu’au sein des Forces de Défense et de Sécurité existent de nombreuses tensions, de multiples raisons de mécontentements, et/ou que beaucoup ambitionnent de prendre la place du capitaine Ibrahim Traoré.

Mais la dernière tentative de déstabilisation telle qu’elle a été révélée par le ministre de la Sécurité à la télévision est d’une toute autre nature. Il s’agit d’une entreprise tentaculaire dans laquelle se retrouveraient : des combattants de l’Etat islamique associés à des hommes politiques en exil en lien avec des « puissances occidentales », la Côte d’Ivoire et le Ghana ; deux ex ministres des Affaires étrangères, des journalistes, un colonel travaillant pour les Nations Unies en Centrafrique, des militaires et Paul-Henri Damiba, ancien président de la transition auteur du coup d’Etat qui a renversé le président Roch Marc Christian Kaboré. Tout ce beau petit monde travaillant de concert…

Le vrai, le faux, l’improbable et le possible…

Le ministre de la Sécurité promet de donner des preuves accréditant ses dires. Ses services disposeraient d’audio incriminant les personnalités dont les noms ont été jetés en pâture à la télévision nationale. Un officier de l’armée burkinabè, Ahmed Kinda a été arrêté au Niger dans le cadre de cette affaire. A-t-il parlé ? Son téléphone a-t-il révélé de funestes projets ? L’avenir le dira, mais d’ores et déjà plusieurs éléments indiquent que l’affaire tentaculaire se dégonflera comme une baudruche. D’une part, dans son allocution, Mahamadou Sana, déclare que la première étape du plan de déstabilisation était l’attaque de Barsalogho du 24 août dernier qui a fait des centaines de victimes. Or, cette attaque a été revendiquée par le JNIM.

Comment croire en tout cas que cet improbable regroupement  de journalistes, d’hommes politiques, de militaires, de marabouts, ait pu collaborer avec « 150 terroristes de l’Etat islamique qui devaient se diriger vers la zone de Sapouy puis remonter sur Ouagadougou en vue de prendre le palais présidentiel » le 29 août dernier, comme l’annonce le gradé burkinabè.

Au final que reste-t-il de ce salmigondis ? Tout porte à croire que les autorités burkinabè ont profité d’un fait réel et marginal pour se dédouaner de la responsabilité du drame terrible de Barsalogho et incriminer ceux qu’elles considèrent comme ses ennemis intérieurs comme extérieurs.

La présence d’un journaliste venu de Côte d’Ivoire dans ce mauvais peplum est un retour à l’envoyeur, puisque selon FR24, Abidjan aurait arrêté des Burkinabè qui tentaient de la déstabiliser ! Le fait que la presque totalité des noms cités à la télévision soient Peuls n’est pas non plus anodin, est-ce une manière de livrer une nouvelle fois cette communauté à la vindicte populaire ? Le Burkina Faso ne sort pas de l’ornière. 

(1) Le journaliste qui ne couvrait aucun sujet politique avait rejoint, au tout début des années 2000, Radio Horizon, puis le groupe Canal 3 où il présentait le journal télévisé et assurait la chronique sportive pour BBC en français. Serge Mathurin avait assuré récemment l’animation de la semaine culturelle organisée pour célébrer l’anniversaire du coup d’Etat ayant porté les militaires au pouvoir. 

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Le Bénin accueille 5.000 réfugiés burkinabè https://mondafrique.com/video/le-benin-accueille-5-000-refugies-burkinabe/ Mon, 22 Jul 2024 15:02:46 +0000 https://mondafrique.com/?p=115018 Face à la menace terroriste qui sévit au Burkina Faso, des milliers de Burkinabè ont cherché refuge dans les pays voisins. Le Bénin a récemment accueilli une nouvelle vague de réfugiés, témoignant de son engagement humanitaire et panafricaniste. Ce dimanche, lors d’une émission télévisée, Wilfried Léandre Houngbédji, intellectuel et porte-parole du gouvernement béninois, a annoncé […]

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Face à la menace terroriste qui sévit au Burkina Faso, des milliers de Burkinabè ont cherché refuge dans les pays voisins. Le Bénin a récemment accueilli une nouvelle vague de réfugiés, témoignant de son engagement humanitaire et panafricaniste.

Ce dimanche, lors d’une émission télévisée, Wilfried Léandre Houngbédji, intellectuel et porte-parole du gouvernement béninois, a annoncé que 5 000 Burkinabè ont trouvé refuge dans le nord du Bénin. « Il y a à peine 48 heures, une vague de 5 000 Burkinabè est arrivée dans le nord du Bénin en quête de sécurité et de tranquillité », a-t-il précisé. Ce mouvement massif est attribué à la menace terroriste qui sévit dans leur pays. Malgré les récentes attaques verbales du capitaine Ibrahim Traoré, le Bénin a choisi de maintenir ses portes ouvertes aux réfugiés burkinabè. Des mesures ont été mises en place pour alléger leur souffrance. Le porte-parole du gouvernement a affirmé que ces réfugiés ne sont pas refoulés. « Ceux qui se déplacent ainsi recherchent la quiétude. S’ils avaient la quiétude chez eux, ils ne viendraient pas ici », a déclaré Wilfried Léandre Houngbédji.

Engagement panafricaniste

Le Bénin démontre ainsi son engagement envers le panafricanisme et la libre circulation des personnes et des biens au sein de l’espace CEDEAO. « Pour ces raisons, nous leur fournissons toute l’assistance humanitaire nécessaire afin que, lorsque les conditions seront réunies dans leur pays, ils puissent y retourner. Mais en attendant, qu’ils se sentent en sécurité et protégés comme les Béninois », a assuré le secrétaire général adjoint du gouvernement béninois. Ce n’est pas la première fois que le Bénin accueille une vague de réfugiés. En 2021, plus de 200 réfugiés burkinabè fuyant la menace terroriste avaient trouvé refuge dans la commune de Matéri, dans le département de l’Atacora, au nord-ouest du Bénin. Ils venaient de Yabtankouagou, dans la commune de Madjaouri au Burkina Faso.

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Des exercices militaires internationaux au Niger…sans la France https://mondafrique.com/confidentiels/des-exercices-militaires-internationaux-au-niger-sans-la-france/ Sat, 01 Jun 2024 15:50:33 +0000 https://mondafrique.com/?p=111972 Le Niger accueille depuis le 20 mai un exercice militaire international « d’envergure » avec le Mali, le Burkina, le Tchad et le Togo. Ce qui rappele les grandes heures de la Task Force Takuba, qui rassemblait des forces spéciales européennes sous commandement français jusqu’à leur départ forcé du Mali en 2022.   Au Centre de formation des […]

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Le Niger accueille depuis le 20 mai un exercice militaire international « d’envergure » avec le Mali, le Burkina, le Tchad et le Togo. Ce qui rappele les grandes heures de la Task Force Takuba, qui rassemblait des forces spéciales européennes sous commandement français jusqu’à leur départ forcé du Mali en 2022.  

Au Centre de formation des forces spéciales de Tillia, dans le nord-ouest du Niger, les forces spéciales de cinq pays – les trois pays membres de l’Alliance des Etats du Sahel (Niger, Burkina Faso, Mali) et « les pays amis » du Tchad et du Togo – participent jusqu’au 3 juin à l’exercice baptisé Tarha-Nakal (Amour de la patrie en tamachek), a annoncé le ministère nigérien de la Défense. 

Il s’agit de « renforcer l’interopérabilité et la coopération » entre les militaires des pays participants. Mille-cinq-cents hommes et plusieurs centaines de véhicules sont mobilisés.

Tarha-Nakal a pour but de cultiver « l’esprit de camaraderie entre les sections de combat des différents pays dans la rigueur professionnelle et le sens de l’honneur face à une simulation réaliste d’une tentative de sécession par un groupe rebelle bénéficiant d’un fort appui extérieur et ayant des connections avec des groupes armés terroristes ou criminels. » 

Fruit du « partenariat militaire entre le Niger et des pays amis tels que le Mali, le Burkina Faso, le Togo et le Tchad », l’exercice comprend « des manœuvres tactiques » et « des initiatives visant à renforcer les liens avec les populations locales ».

Les armées de quatre des cinq pays participants se sont déjà côtoyées au sein de l’éphémère et infructueux G5 Sahel, créé à l’initiative de Paris. Le nouveau venu est le Togo, qui s’est rapproché des trois membres de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) pour contourner le blocus du Niger ordonné par la communauté économique ouest-africaine au lendemain du coup d’Etat contre Mohamed Bazoum. La pression des groupes djihadistes qui ont essaimé à partir du Mali s’exerce désormais dans les régions nord des pays du Golfe de Guinée, comme le Togo. Si le Tchad continue d’abriter une grande base militaire française, il a refusé, cependant, de servir de base arrière à une action de déstabilisation contre son voisin nigérien. Sa présence à l’exercice en cours est un nouveau signal d’une certaine complicité du Président tchadien avec l’AES. 

Tchad, le dernier bastion français au Sahel encerclé par les Russes

 

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La diplomatie française tente de se refaire une place au Sahel https://mondafrique.com/a-la-une/la-diplomatie-francaise-tente-de-se-refaire-une-place-au-sahel/ Mon, 27 May 2024 17:29:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=111455 Des signaux émanant de l’Elysée, du ministère des Affaires étrangères français et de l’Agence française de Développement sur un possible dégel français au Sahel sont apparus ces derniers jours. La France ne peut pourtant pas renoncer totalement à toute influence dans la région, dans un contexte de compétition aigüe entre les puissances. Olivier Vallée Rejoignez […]

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Des signaux émanant de l’Elysée, du ministère des Affaires étrangères français et de l’Agence française de Développement sur un possible dégel français au Sahel sont apparus ces derniers jours. La France ne peut pourtant pas renoncer totalement à toute influence dans la région, dans un contexte de compétition aigüe entre les puissances.

Olivier Vallée

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Il semble qu’à l’Élysée, le nouveau conseiller Afrique d’Emmanuel Macron, Jérôme Robert, manifeste de meilleures dispositions vis-à-vis des trois États du Sahel regroupés au sein de l’Alliance des Etats du Sahel (AES): le Niger, le Mali et le Burkina.  L’atmosphère type Fort-Chabrol qui a régné ces derniers mois pendant le rapatriement calamiteux des troupes françaises du Niger semble dissipée. Les contacts ont repris avec les journalistes et les chercheurs français qui n’étaient pas toujours dociles aux injonctions de l’autoritaire service de communication de l’Élysée.

Le véritable ministre de l’Afrique avec son portefeuille de directeur général de l’Agence Française de Développement, Rémi Riou, a toujours dit d’ailleurs, en privé, que les projets de l’agence sur l’espace de l’AES n’étaient pas interrompus.  

Il reste, cependant, difficile, d’interpréter, au-delà du sérail, les messages du ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères et de savoir s’ils augurent d’une légère prise de conscience de la faillite française en Afrique.

Une nouvelle directrice Afrique

Selon « Le Monde », Christophe Bigot, alors directeur de l’Afrique et de l’océan Indien (DAOI) du ministère des Affaires étrangères, était à New York pour participer à des discussions sur la Somalie aux Nations unies lorsque son remplacement par l’actuelle ambassadrice de France au Nigeria (ut annoncé, le 12 décembre, dans le compte rendu du conseil des ministres : « Mme Emmanuelle Blatmann, ministre plénipotentiaire, est nommée DAOI.» Au Quai d’Orsay, les collaborateurs de Christophe Bigot n’avaient pas été informés de cette éviction brutale qui marquerait, pour le journal du soir, « la volonté d’ouvrir un nouveau chapitre après la succession des coups d’État au Sahel et le recul de l’influence de l’ancienne puissance coloniale dans la région ».

La vieille garde du Quai d’Orsay, fidèle à la stratégie de la tension à l’égard du Sahel reste active et elle s’est retrouvée au Bénin le mois dernier. Sylvain Itté, qui hantait le sommet France Afrique de Montpellier, s’adressait déjà martiallement aux opposants africains. Malgré ses erreurs au Niger, il s’est affiché avec son livre à Cotonou. Il a reçu, avec son équipe enfermée dans l’ambassade de France à Niamey, le témoignage de reconnaissance et d’estime de la secrétaire générale du ministère.

Réception à Cotonou le 23 mai

Les signaux embarrassés pour une reprise française des échanges avec le Sahel viennent du haut de la pyramide décisionnelle – sans impliquer le Président lui-même – mais ils sont reçus, au sein de la diplomatie, de l’université, de la police et de l’armée par des échelons inférieurs soit désemparés, soit hostiles et revanchards. Le bilan devra être fait du silence de Paris devant les colossaux détournements du budget de la Défense au Mali et au Niger. Les analystes de l’IFRI, Alain Antil et Thierry Vircoulon, dans une note de l’Institut français des relations internationales (IFRI), chiffrent la fraude et la corruption sur les dépenses militaires et sécuritaires à 46% des montants décaissés entre 2014 et 2019. L’IFRI fait pudiquement l’impasse sur l’implication de Mohamed Bazoum dans le vol de l’argent destiné à assurer la sécurité du Niger.

La pause observée dans l’exigence de libération du Président nigérien déchu, encore tout récemment présenté comme un intellectuel et plaint comme une victime, traduit un début de prise de conscience. Mais cela n’empêche pas les milieux français de continuer à perpétuer le mythe de la responsabilité des Panafricanistes et des activistes russes dans la désaffection africaine vis-à-vis de la France.

Une stratégie européenne … sans la France

Reprendre langue d’une manière ou d’une autre s’avère nécessaire pour Paris. La carte magique des forces spéciales françaises en Afrique n’est plus crédible à Washington ni à Berlin. L’Union européenne est ravie de se défausser sur la France de ses propres crimes, fautes et bévues. Le papier de Rossella Marrangio, Sahel reset: time to reshape the EU’s engagement indique bien qu’avec l’échec militaire français, la stratégie commune Afrique-UE de lutte contre l’insurrection dans les États du Sahel est morte. Il faut en inventer une autre, selon une architecture ouverte, qui vise une coopération intégrée associant Maghreb et Sahel. En ligne de mire, pour l’UE, l’immigration, les groupes armés, les trafics illicites et la menace sur les importations d’énergie. Il est temps à Bruxelles de réaliser (faute de le calculer) que l’argent dépensé au profit des organisations économiques régionales, l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), n’a produit aucun effet dans le domaine de la sécurité ni de l’intégration du Sahel. Les subventions européennes ont alimenté les coffres personnels des hauts fonctionnaires des Commissions de l’UEMOA et de la CEDEAO et des bureaux d’études fantoches.

Le Maroc est un partenaire dans ce recentrement vers le nord de l’Afrique et dans  l’association de la façade atlantique à l’aire de prospérité africaine. C’est l’une des raisons des visites ministérielles françaises à Rabat et de la diplomatie des sœurs du roi Mohamed VI auprès de Brigitte Macron. Il n’y a plus de leadership français ni de reliques de l’autonomie stratégique européenne en Afrique jadis fantasmée par le Président français.

En défiant la CEDEAO, l’AES a montré que l’organisation ouest-africaine n’était qu’un tigre de papier et que ses propres troupes, longtemps moquées, constituaient une masse dissuasive. L’intervention de quelques centaines de mercenaires russes, sans l’équipement et le confort des forces spéciales françaises et des casques bleus, a permis plus de résultats en dix mois que d’autres en dix ans. Le château de sable du Sahel français s’est écroulé. Cependant, l’émergence de l’Alliance des Etats du Sahel et les préoccupations de l’Union européenne et de Berlin en faveur d’une véritable action d’endiguement obligent Paris à ne pas complètement se désister.

La porte étroite de Bamako

Jérémie Robert, le nouveau Monsieur Afrique de l’Elysée

Le Mali semble le partenaire avec lequel le nouveau monsieur Afrique, bon connaisseur du Cameroun, s’essaie à partager quelques canaux de communication et à  délimiter quelques enjeux qui ne soient pas trop conflictuels. Le Mali reste dépendant de la Côte d’Ivoire, en particulier sa partie frontalière avec le géant montant en l’Afrique de l’Ouest. C’est de cette région qu’est originaire le Président de la transition malienne Assimi Goïta. Dans ses recommandations, le récent dialogue national inter-Maliens a prôné le dialogue avec les groupes armés djihadistes à travers la définition d’une base doctrinale via «une structure de suivi et d’appui aux efforts déployés par les autorités maliennes pour promouvoir le processus de paix. » La solution du conflit par la négociation avec les groupes armés non étatiques (GANE) ressurgit au profit des savants plutôt que des militaires. Du temps de Moussa Traoré déjà, à Bamako, la colline du pouvoir (Koulouba) et la colline du savoir (Badalabougou) collaboraient à la formation d’une relation civilo-militaire dont le Mali a le secret.

Avec la Côte d’Ivoire, la Mauritanie, qui possède une longue et poreuse frontière avec le Mali, reste alliée de la France. Elle pourrait accueillir la relocalisation d’une partie du contingent français basé au Sénégal. Surtout, certains réfugiés maliens en Mauritanie pourraient  faire l’objet d’un plan de bonne volonté des trois pays mentionnés en faveur de leur retour pacifique dans leurs terroirs. L’appel de Goïta à l’académie suit aussi son désaveu des radicaux du parti SADI (Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance) dont le leader, Oumar Mariko, n’a jamais été tendre avec Paris. Le Président de la transition a également dissous l’organisation des partisans de l’imam Mahmoud Dicko, qui a bénéficié de la tendresse de Français ignorants de son agenda. A l’Elysée, Jérôme Robert laisse entendre qu’il est difficile d’avoir une relation ouverte avec un régime qui interdit les partis politiques. Or ces dissolutions sont motivées et visent des mouvements souvent à la limite de la subversion.

Berlin se positionne en alternative de Paris

Les Allemands, comme le raconte Afrique Intelligence dans sa publication du 24 mai, ont un ambassadeur à Bamako apprécié des autorités maliennes : Dietrich Pohl restera en fonction jusqu’en 2025. « Depuis le coup d’État d’août 2020, la diplomatie allemande tente de maintenir des canaux de discussion avec la junte malienne et de renforcer plusieurs de ses programmes de coopération. Ainsi, lorsque Paris a suspendu en août 2023 la délivrance de visas, notamment à destination des artistes et des étudiants, Berlin a accéléré son propre programme de soutien à la culture. Intitulé ‘Donko ni Maaya’, ce projet à 10 millions d’euros fait actuellement l’objet de discussions pour être prolongé au-delà de mars 2025. La diplomatie allemande a également maintenu son programme de stabilisation politique, particulièrement actif dans la province de Gao, dans le nord-est du pays. Avec une enveloppe de plus de 32 millions d’euros, ce programme entamé en 2016 est ainsi arrivé jusqu’à son terme en mai 2024. Il a notamment été mis en place par l’agence allemande de coopération GIZ (Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit), qui avec plus de 300 employés présents au Mali, y est l’une des plus actives.»

Pour ce qui est des visas, le ministère de l’Intérieur français, qui a des rapports de coopération étroits avec la police malienne pour l’encadrement de la diaspora présente en nombre dans la région parisienne, a été tolérant pour les déplacements des travailleurs maliens disposant de titres de séjour et même sans travail. Des responsables maliens continuent de transiter à Paris et de s’y faire soigner. Mais il y a encore des efforts à accomplir pour que l’Agence française de développement puisse prétendre être un partenaire du Mali à l’égal de l’Allemagne. Pour le moment, en Afrique, elle préfère miser sur cinq pays qui ne font pas partie du Sahel : le Maroc, la Côte d’Ivoire, l’Afrique du Sud, la Tunisie et l’Égypte. Le Conseil national du développement et de la solidarité internationale, chargé de définir les grandes orientations politiques de financement de l’aide publique au développement, reste tétanisé par l’ostracisation des pays membres de l’Alliance des Etats du Sahel et la dissolution des relais sur place. En effet, sur le terrain, ce sont les ambassadeurs français qui assument le rôle de coordinateurs et ils manquent cruellement d’ancrage politico-stratégique.

Les interventions militaires, ainsi qu’un assez grand nombre d’erreurs de jugement politiques, telles que le double standard à l’égard des régimes militaires du Mali et du Tchad ou l’incapacité à appréhender les dynamiques politiques du Niger, rendent malaisé un dégel franco-africain au Sahel.

La primauté française à l’encan 

L’Institut de recherche pour le développement et Expertise France rapatrient les personnels du Mali alors qu’il serait temps de sortir du débat imputant le désamour de la France à des manipulations politiques et communicatives de la part de concurrents stratégiques ou de démagogues locaux. Or, ceux-ci n’ont de capacités d’influence que parce que l’écosystème sahélien a été négligé en termes de financement, de développement et de crise climatique. Tout changement réel dans le cap de la France au Sahel et en Afrique de l’Ouest dépendra de la profondeur variable de la vision d’Emmanuel Macron et de son petit cercle de conseillers à l’Élysée, qui n’écoutent pas toujours JR. Comme l’écrit Denis M. Tull, de la division de recherche sur l’Afrique et le Moyen-Orient de l’Institut allemand des affaires internationales, chef du projet Megatrends Africa (en charge de la prospective) : « Pour l’Allemagne et d’autres gouvernements européens, le Sahel pourrait être l’occasion d’entamer un dialogue politique avec la France qui ne soit pas déterminé a priori par la supériorité des idées politiques de Paris et la primauté des intérêts français en Afrique. Les défis ne manquent pas. Les multiples conséquences de la guerre en Ukraine ainsi que la politique climatique, énergétique et migratoire en font partie, en plus du passé colonial de l’Europe en Afrique. »

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L’escalade militaire entre les armées du Sahel et les groupes djihadistes https://mondafrique.com/a-la-une/escalade-militaire-entre-les-armees-du-sahel-et-les-groupes-djihadistes/ Sun, 12 May 2024 06:46:00 +0000 https://mondafrique.com/?p=106536 C’est une course contre la montre. Entre les soldats du Niger, du Mali et du Burkina Faso et les groupes armés terroristes actifs dans les trois pays et affiliés à Al Qaida et l’Etat islamique, environ une petite dizaine de milliers de combattants. Mais peut-être pour la première fois depuis 2012, les armées nationales, désormais […]

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C’est une course contre la montre. Entre les soldats du Niger, du Mali et du Burkina Faso et les groupes armés terroristes actifs dans les trois pays et affiliés à Al Qaida et l’Etat islamique, environ une petite dizaine de milliers de combattants. Mais peut-être pour la première fois depuis 2012, les armées nationales, désormais au pouvoir au Sahel central, ont un coup d’avance. 

Les chefs d’état-major des trois pays membres de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), voici trois mois,  ont baptisé au Niger une nouvelle force conjointe avec son cadre d’emploi, «un concept opérationnel cohérent et adapté aux exigences de notre espace» et «un schéma des forces». Le général nigérien Moussa Salaou Barmou, qui accueillait ses homologues à Niamey, a affirmé à l’issue des travaux que cette force serait «opérationnelle dans les plus brefs délais.»

Au-delà de leur nouvelle synergie, cruciale pour prendre en tenaille les groupes djihadistes qui évoluent dans les régions frontalières, les armées nationales peuvent aussi compter sur leur maîtrise des airs, renforcée par l’acquisition d’hélicoptères et, surtout, de drones turcs et bientôt peut-être, iraniens, ainsi que sur le renfort en matériel militaire et en hommes de la Russie.

En face, c’est surtout le Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GSIM, affilié à Al Qaida) qui dicte le tempo, sous le commandement  du Touareg Iyad Ag Ghali, à travers plusieurs katibas maliennes, burkinabè et nigérienne. «Une guerre, ça se prépare», aurait asséné, impitoyable, Iyad Ag Ghali aux anciens maîtres de Kidal, les combattants de la Coalition des Mouvements de l’Azawad, chassés presque sans combattre de leur fief en novembre dernier. En se repliant devant les drones, les chefs rebelles ont réussi à garder leur force presque intacte. Mais ils sont sortis du jeu pour le moment, ruminant leur défaite. Les plus amers d’entre eux rejoignent le GSIM. 

Pression d’Al Qaida au sud du Mali

Iyad, lui, mène sa guerre comme un marathon. Il faut dire que c’est un professionnel. Il n’a pratiquement jamais rien fait d’autre de toute sa vie. Délaissant le nord où il a été battu, son groupe se concentre sur de nouvelles régions, toujours plus proches de Bamako : le Sahel occidental et le sud, Sikasso, Kayes, Koulikoro, Niono. Il garde l’initiative et multiplie les attaques complexes. Pour renflouer ses caisses et s’approvisionner en recrues et en matériel, il continue de libérer des otages occidentaux. Le 27 février, trois otages italiens ont retrouvé la liberté après deux ans de captivité. Leur prix, selon la rumeur : 20 millions d’euros. Certains observateurs pensent qu’il prépare une nouvelle vague  d’attaques complexes impliquant des kamikazes.

Dans le centre du Mali, une situation de ni paix ni guerre s’installe, avec des poches de calme et d’autres de conflictualité, en fonction des priorités opérationnelles de la grande filiale du GSIM dans le delta central, la Katiba Macina, la plus nombreuse des unités combattantes. Milices communautaires et chasseurs dozos continuent d’être une cible privilégiée. Le nombre de victimes parmi eux a triplé en 2023.

Pour le moment, le septentrion est abandonné aux forces armées maliennes et à ce qui reste de Wagner, en cours d’absorption par Africa Corps, avec son sillage de mort et de destructions. Mais l’Algérie, en froid avec Bamako, vient de mener des manoeuvres militaires  de grande ampleur à la frontière le 27 février, comme pour rappeler la ligne rouge aux autorités maliennes.« Tempête du Hoggar 2024 » s’est déroulé dans la Bordj Badji Mokhtar, une zone désertique très proche du bastion d’Iyad Ag Ghali. L’exercice était supervisé par le chef d’état-major de l’armée algérienne en personne, le général Saïd Chanegriha.

Montée en puissance des frappes de drone

Au Niger, la situation est stable. L’ennemi, ici, c’est surtout l’Etat islamique, qui continue à taxer les populations. Il s’est déplacé un peu vers l’est, vers le nord de la région de Dosso et le sud de celle de Tahoua. Il poursuit ses activités, continue de cibler les forces de sécurité nationales, de placer des engins explosifs improvisés sur les routes et s’attaque, à l’occasion, aux convois de ravitaillement provenant du Burkina et du Mali. Le GSIM, une extension de la katiba Macina sur la rive droite du fleuve Niger, venant du Burkina, ne semble avoir ni reculé ni progressé non plus.

Les frappes de drones en augmentation nette font parfois des victimes civiles à côtés des djihadistes visés. L’armée nigérienne a reconnu, pour la première fois, une de ces bavures au sud de Tera, dans la zone minière de Gotheye, en janvier.  Mais les drones devraient être de plus en plus utilisés car ils permettent d’épargner la vie des soldats. 

Après plusieurs mois de trêve, l’Etat islamique et Al Qaida se sont affrontés tous récemment ces dernières heures, dans la région des trois frontières, à Intilit au Mali. C’est une bonne nouvelle pour les armées nationales car la trêve a permis aux deux groupes de se renforcer et de se concentrer contre les cibles militaires. En fin d’année d’ailleurs, ils avaient mené des attaques coordonnées qui auraient coûté la vie à 200 soldats.

A l’inverse, il y a quelques jours, tentant de prendre le camp de Labezanga, à la frontière nigéro-malienne, l’Etat islamique a subi de très grosses pertes sous le feu des armées malienne et nigérienne agissant de manière coordonnée.

Au Burkina Faso, un fleuve de sang

Des combattants djihadistes secourent des enfants après un massacre dans un village du Burkina Faso, mars 2024

Le maillon le plus faible de la région est, depuis plusieurs mois déjà, le Burkina Faso, toujours au bord de la submersion. L’armée burkinabè s’appuie sur le renfort de milliers de volontaires (volontaires pour la défense de la patrie, VDP) pour affronter l’ennemi, qui contrôle de très vastes territoires dans le nord et l’est du pays. Ansaroul Islam est ici le groupe le plus puissant et le plus nombreux, frère de la katiba Macina malienne qui jouxte la frontière et avec laquelle il mène parfois des opérations.

Les civils payent un très lourd tribut et les massacres dans les villages se multiplient. Les derniers en date ont été commis le 25 février dans le département de Thiou, province du Yatenga, à la frontière nord-ouest puis, il y a quelques jours, dans l’est du Burkina Faso, côté Niger, dans la province de la Komondjari. Sur le premier événement, le procureur du Burkina Faso du tribunal de grande instance de Ouahigouya a ordonné une enquête. Dans son communiqué, rendu public le 1er mars, il évoque «des attaques meurtrières massives» dont le bilan provisoire d’ensemble s’élève à «environ 170 personnes exécutées.» Il a saisi la police judiciaire et lancé un appel à témoins. Plusieurs sources, dont des rescapés, y voient une action de représailles de l’armée burkinabè et des VDP après une attaque djihadiste contre leurs rangs. Le second massacre pourrait être le fait d’une unité de l’armée burkinabè contre un village soupçonné de complaisance avec les djihadistes. Plusieurs images désespérantes ont circulé sur les réseaux sociaux : elles montrent de très jeunes enfants hagards au milieu de dizaines de cadavres, surtout de femmes et d’enfants, à même le sol. Sur une autre vidéo, des combattants djihadistes peuls tentent de les réconforter, leur donnent de l’eau à boire puis les emportent sur leurs motos.

Dans le Global Terrorist Index 2024, le Burkina Faso est désormais le pays le plus touché par les attaques terroristes, devant l’Afghanistan et Israël. Depuis la création de cette publication, il y a treize ans, «c’est la première fois qu’un pays autre que l’Afghanistan ou l’Irak est en tête de l’index. Environ 2000 personnes ont péri dans des attaques terroristes au Burkina Faso au cours de 258 incidents, soit près du quart du total de tous les décès par terrorisme dans le monde. En 2023, les morts du terrorisme ont augmenté de 68%, bien que les incidents aient diminué de 17%.»

Carte ACLED.

En janvier 2024, l’analyste Héni Nsaibia, pour ACLED (Armed Conflict Location and Event Data Project), a d’ailleurs prédit une nouvelle page mortelle au Sahel après dix ans de conflit. S’appuyant sur les données collectées par ACLED, il souligne la dégradation de la situation au Sahel central qui franchit de nouveaux records de violence. En 2023, affirme-t-il, le Burkina Faso se place juste après le Nigéria en termes de personnes tuées dans le cadre de violences politiques. Ce chiffre, pour tout le Sahel central, a progressé de 38% en 2023 et le nombre de civils tués de plus de 18%. Selon lui, ces tendances devraient se poursuivre en 2024, «dans un contexte d’escalade de la guerre contre-insurrectionnelle contre les tactiques toujours plus agressives des insurgés.» Il estime, lui, à plus de 8000 morts le nombre de tués au Burkina Faso «dans un conflit national qui atteint des proportions de guerre civile».

Héni Nsaibia décrit également un triplement des violences commises par les mercenaires de Wagner au Mali pendant cette même année 2023 «impliqués dans des meurtres de centaines de civils, la destruction d’infrastructures et le pillage, qui ont déclenché des déplacements massifs de population.» L’auteur estime que plus de 100 000 nouveaux déplacés pourraient arriver en Mauritanie dans les prochains mois, fuyant les régions frontalières. Quant au Niger, dont la situation, dit-il, s’était «légèrement améliorée» avant le coup d’Etat, il et redevenu une cible plus fréquente des attaques de l’Etat islamique au Sahel, conduisant à un pic de victimes militaires et civiles. « La réponse des forces nigériennes a été proactive et transfrontalière, s’engageant dans des opérations au sol et des frappes aériennes à l’intérieur du territoire malienne pour cibler les bastions de l’Etat islamique au Sahel.»

En 2024, écrit l’auteur, on devrait continuer d’assister à une escalade militaire dans les trois pays gouvernés par des juntes, qui ont décidé d’écraser les groupes djihadistes par la force.

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Human Rights Watch accuse le Burkina Faso d’enlèvements d’opposants https://mondafrique.com/a-la-une/human-rights-watch-accuse-le-burkina-faso-denlevements-dopposants/ Wed, 28 Feb 2024 18:53:19 +0000 https://mondafrique.com/?p=105874 La junte au pouvoir au Burkina Faso organise l’enlèvement d’activistes de la société civile et d’opposants politiques « dans le cadre de sa répression de la dissidence pacifique » accuse Human Rights Watch dans un communiqué diffusé le 28 février.  Depuis fin novembre 2023, précise Human Rights Watch, « des hommes non identifiés ont enlevé au moins six […]

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La junte au pouvoir au Burkina Faso organise l’enlèvement d’activistes de la société civile et d’opposants politiques « dans le cadre de sa répression de la dissidence pacifique » accuse Human Rights Watch dans un communiqué diffusé le 28 février. 

Depuis fin novembre 2023, précise Human Rights Watch, « des hommes non identifiés ont enlevé au moins six activistes et membres de partis d’opposition dans la capitale, Ouagadougou, dans ce qui semble constituer des disparitions forcées. » 

« Les autorités burkinabè ont recours à des méthodes de plus en plus brutales pour punir et réduire au silence les personnes perçues comme des détracteurs et des opposants », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur le Sahel au sein de l’ONG de défense des droits humains. « Les autorités devraient enquêter de toute urgence et de manière impartiale sur tous les enlèvements, les disparitions forcées et les conscriptions abusives, et remettre en liberté les personnes injustement détenues ».

Un mode opératoire identique

Le 20 février 2024, des hommes armés en tenues civiles ont enlevé Rasmané Zinaba, un membre du Balai Citoyen, à son domicile à Ouagadougou. « Au moins quatre hommes en armes sont venus le chercher entre 6h15 et 6h30 du matin », a affirmé un membre du Balai citoyen à Human Rights Watch. « Ils l’ont emmené à bord d’un véhicule civil ».

Le lendemain, ce fut le tour de son collègue Bassirou Badjo, enlevé au ministère des Affaires humanitaires. Ce jour-là, le Balai citoyen a publié une déclaration condamnant les enlèvements et exigeant la libération immédiate de ses membres. Les familles de ces hommes et le Balai citoyen ont porté plainte auprès de la police mais cette démarche n’a connu aucune suite. 

Un peu plus tôt, dans la nuit du 24 au 25 janvier, des hommes non identifiés ont enlevé, à l’aéroport international de la capitale, Guy Hervé Kam, avocat de premier plan et coordinateur du mouvement politique Servir et non se servir (SENS). Dans les heures suivantes, le mouvement a publié un communiqué affirmant que « des hommes en civil se présentant comme des membres des services nationaux de renseignement du pays » avaient appréhendé Guy Hervé Kam et l’avaient emmené en voiture vers une destination inconnue.

Un mois plus tôt, le 24 décembre 2023 vers 18h30, Ablassé Ouédraogo, 70 ans, ancien ministre des Affaires étrangères du Burkina Faso et président du parti d’opposition Le Faso Autrement, avait également été pris à son domicile à Ouagadagou par « des individus qui se sont présentés comme étant des éléments de la police nationale ». 

Avant lui, le 1er décembre, c’est Daouda Diallo, éminent défenseur des droits humains et secrétaire général du Collectif contre l’Impunité et la Stigmatisation des Communautés (CISC), qui avait été emmené de force en sortant du service des passeports du gouvernement, après y avoir rencontré des agents pour renouveler son passeport. On ignore toujours où il se trouve.

Le même sort avait été réservé le 29 novembre à Lamine Ouattara, un membre du Mouvement burkinabè des Droits de l’Homme et des Peuples (MBDHP).

La conscription forcée 

Début novembre, les forces de sécurité burkinabè, s’appuyant sur une loi d’urgence de vaste portée, avaient notifié à au moins une douzaine de journalistes, d’activistes de la société civile et de membres de partis d’opposition, dont Daouda Diallo, Ablassé Ouédraogo, Rasmané Zinaba et Bassirou Badjo, qu’ils seraient enrôlés pour participer aux opérations de sécurité du gouvernement. 

Le 18 février, Ablassé Ouédraogo et Daouda Diallo sont apparus dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, en tenue de camouflage militaire, munis de fusils d’assaut kalachnikov et participant à des exercices militaires, probablement dans une zone de conflit. Human Rights Watch n’a pas été en mesure de vérifier l’authenticité de cette vidéo. Les autorités n’ont jamais fourni la moindre information à propos du lieu où se trouvent Ablassé Ouédraogo et Daouda Diallo ou à propos des autres personnes récemment enlevées.

Les autorités militaires de transition ont affirmé que les ordres de conscription émis en novembre étaient autorisés dans le cadre de la mobilisation générale décrétée le 13 avril 2023, qui s’inscrit dans un plan de reconquête des zones tombées aux mains des groupes armés islamistes, soit environ la moitié du territoire national. Ce plan vise à créer un « cadre juridique, légal à l’ensemble des actions à mettre en œuvre pour faire face » aux insurgés et il donne au Président des pouvoirs étendus pour combattre l’insurrection, notamment celui de réquisitionner des personnes et des biens et de restreindre les libertés publiques. Cependant, des organisations de la société civile nationale, des organisations de protection des médias, des syndicats et des organisations internationales de défense des droits humains ont fermement condamné le décret de mobilisation générale, arguant qu’il a été utilisé pour réduire au silence la dissidence pacifique.

« Si les gouvernements sont effectivement habilités à conscrire des membres de la population civile âgés de plus 18 ans à des fins de défense nationale, la conscription ne devrait avoir lieu que si elle a été dûment autorisée et est conforme à la loi nationale. La loi de conscription doit respecter des normes d’équité dans la répartition de la charge du service militaire. Elle doit être appliquée de manière à ce que le conscrit potentiel soit informé de la durée du service militaire et qu’il ait la possibilité de contester l’obligation de servir à ce moment-là. La conscription doit aussi être effectuée selon des normes conformes aux principes de non-discrimination et d’égalité devant la loi », martèle Human Rights Watch.

Des conscriptions illégales, selon un tribunal

Le 6 décembre, un tribunal de Ouagadougou saisi par une plainte du journaliste Issiaka Lingani et des activistes du Balai citoyen Bassirou Badjo et Rasmané Zinaba, qui avaient reçu des notifications de conscription en novembre, avait déclaré que ces conscriptions étaient illégales, violaient leurs droits à la liberté d’expression et de déplacement et constituaient un risque pour leur intégrité physique, avant d’ordonner leur suspension. Guy Hervé Kam, l’avocat enlevé en janvier, était l’un de leurs défenseurs. 

Des activistes des droits humains et des journalistes ont déclaré à Human Rights Watch qu’ils évitaient de s’exprimer publiquement sur la junte de peur d’être conscrits. « Nous sommes paralysés par la peur », a déclaré un membre du SENS le 26 janvier. « Même organiser une conférence de presse, l’un de nos droits les plus fondamentaux, devient un acte héroïque ». Un défenseur des droits humains basé dans la région du Sahel a déclaré : « Un journaliste m’a appelé pour que je commente une récente attaque par des combattants islamistes armés présumés dans la ville d’Essakane. Je lui ai dit : ‘Voulez-vous que je sois conscrit ?’ Exprimer votre opinion sur la situation du pays en matière de sécurité peut vous envoyer directement au front, c’est la réalité ».

« Depuis le coup d’État d’octobre 2022, la junte militaire du Burkina Faso réprime de plus en plus la dissidence pacifique et les médias, réduisant l’espace civique dans le pays. Les journalistes nationaux et internationaux, ainsi que les membres de la société civile, subissent de plus en plus d’actes de harcèlement, de menaces et d’arrestations arbitraires », écrit Human Rights Watch.

L’organisation rappelle à cette occasion que « le Burkina Faso est un État partie à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées », en vertu de laquelle « un État commet une disparition forcée lorsque les autorités gouvernementales ou leurs agents détiennent une personne tout en refusant de reconnaître la privation de liberté ou en dissimulant le sort de la personne ou le lieu où elle se trouve, ce qui la soustrait à la protection de la loi. » 


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Les faux semblants de la CEDEAO face aux juntes militaires https://mondafrique.com/international/les-faux-semblants-de-la-cedeao-face-aux-juntes-militaires/ Fri, 16 Feb 2024 07:42:50 +0000 https://mondafrique.com/?p=105347 Réagissant à l’annonce, le 30 janvier, du départ de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) du Mali, du Burkina Faso et du Niger, l’organisation a réitéré, le 8 février à Abuja,  ses affirmations mensongères sur la légalité des sanctions infligées depuis plus de six mois maintenant aux populations nigériennes. Le Conseil de […]

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Réagissant à l’annonce, le 30 janvier, du départ de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) du Mali, du Burkina Faso et du Niger, l’organisation a réitéré, le 8 février à Abuja,  ses affirmations mensongères sur la légalité des sanctions infligées depuis plus de six mois maintenant aux populations nigériennes.

Le Conseil de Médiation et de Sécurité s’était réuni au niveau ministériel pour réagir à la fracture politique historique causée par le communiqué conjoint des trois pays enclavés membres de la nouvelle Alliance des Etats du Sahel. Dans ce texte, confirmé ensuite par des lettres officielles, Bamako, Ouagadougou et Niamey accusaient l’organisation de trahir les idéaux de ses pères fondateurs sous l’influence de puissances étrangères hostiles. Ils reprochaient surtout à l’organisation d’être devenue «une menace pour ses Etats membres et ses populations», à travers son projet d’intervention militaire au Niger et les sanction «illégales, illégitimes, inhumaines et irresponsables» infligées «en violation de ses propres textes».  

Malgré la présence des «hautes personnalités» représentant l’Union africaine1 et le Secrétariat Général des Nations Unies2,  qui ont exhorté leurs pairs au dialogue pour sortir de la crise, les ministres du Bénin, du Cap Vert, de Côte d’Ivoire, de Gambie, du Ghana, de Guinée Bissau, du Liberia, du Nigeria, du Sénégal, de Sierra Leone, du Togo ont campé dans le déni, incapables de se hisser à la hauteur de la situation. Le communiqué final en témoigne.

«Les sanctions imposées au Niger ne sont ni illégales ni inhumaines car elles sont ancrées dans les Protocoles de la CEDEAO dont ces trois pays sont signataires», affirment les signataires, au mépris de la vérité des textes qu’ils connaissent parfaitement.

L’enjeu du Président Bazoum

«Les sanctions contre le Niger devaient être progressivement levées une fois qu’une feuille de route pour la transition aurait été adoptée et que le Président Bazoum aurait été libéré», poursuit le communiqué du Conseil de Médiation et de Sécurité, avouant ainsi que les promesses de tentatives de résolution de la crise par le dialogue en décembre étaient lettre morte, puisque la position de l’organisation n’avait pas varié depuis le premier jour bien que la junte ait fait savoir son refus absolu de libérer le Président renversé.

Le fameux protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance3 en vertu duquel ont été prises les mesures de fermeture totale des frontières – y compris pour les médicaments et la nourriture – est pourtant tout à fait clair. En son article 45, il énumère les sanctions pouvant être prononcées contre un Etat membre «en cas de rupture de la Démocratie par quelque procédé que ce soit.»

Les voici, par graduation, telles qu’elles peuvent être prononcées par la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement :

«- Refus de soutenir les candidatures présentées par l’Etat membre concerné à des postes électifs dans les organisations internationales

– Refus de tenir toute réunion de la CEDEAO dans l’Etat membre concerné ;  

– Suspension de l’Etat membre concerné dans toutes les Instances de la CEDEAO ; pendant la suspension, l’Etat sanctionné continue d’être tenu au paiement des cotisations de la période de suspension.»

Les mesures de fermeture des frontières, ça n’existe pas dans le traité de la CEDEAO

Le Président Bazoum, un mois et demi après le renversement du Président nommé par les militaires au Mali, l’avait d’ailleurs dit lui-même le 9 juillet 2021 sur le perron de l’Elysée, aux côtés d’un Emmanuel Macron opinant : « Le protocole sur la bonne gouvernance et la démocratie, que le Mali a souscrit en même temps que nous dans le cadre de la CEDEAO, prévoit que lorsqu’il y a un coup d’Etat, on prenne un certain nombre de mesures qui consistent notamment dans l’exclusion de ces pays des instances de la CEDEAO. C’est ça que nous avons demandé au sommet que nous avons tenu à Accra. (…) Nous avons dit ‘nous sommes partisans de l’état de droit. L’état de droit prévoit quelque chose de très précis ici. Il s’agit de l’appliquer. Les mesures de fermeture des frontières et tout le reste, ça n’existe pas dans le traité de la CEDEAO. Voilà pourquoi, nous Niger, nous n’avons pas préconisé cela.»

Pourtant, six mois après cette allocution de Mohamed Bazoum, le 9 janvier 2022, toujours à Accra, la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement se réunissait en sommet extraordinaire pour prononcer contre le Mali les sanctions dont le Président nigérien avait dit qu’elles «n’existaient pas dans le traité de la CEDEAO.» Pour réagir contre la mauvaise volonté de Bamako à respecter ses promesses de retour rapide à l’ordre constitutionnel, la Conférence avait imposé avec effet immédiat des sanctions économiques et financières4 qui sonnent comme l’avant-goût de ce qui serait ordonné fin juillet 2023 contre le Niger, en pire, sans les exemptions «humanitaires» accordées au Mali. Médicaments, matériel médical et nourriture sont en effet bloqués aux frontières du Niger depuis le 30 juillet 2023.

Le 25 mars de la même année, le sommet suivant maintenait les sanctions contre le Mali, sans les étendre à la Guinée et le Burkina Faso, ce pays restant soumis aux sanctions «classiques» de suspension des instances communautaires pour le moment.

Réviser le protocole pour légaliser les sanctions à posteriori

Consciente de l’illégalité du dispositif mis en branle contre le Mali, la Commission de la CEDEAO se voyait alors chargée de réviser le protocole de 2001 pour donner une base juridique aux sanctions économiques et financières et pouvoir aussi, dans l’avenir, ramener dans le rang d’éventuels régimes récalcitrants.

Ce protocole révisé, dont une copie est parvenue à Mondafrique, fut soumis le 10 juin 2022 à la 47e session du Conseil de médiation et de sécurité au niveau ministériel, toujours à Accra.  

Que prévoyait-il?

A son article 49, la liste des mesures de suspension prévues par l’ancien texte s’allongeait comme suit :

« – Embargo général sur les armes contre le nouveau régime ou les nouvelles autorités ;

– Interdiction de voyager des dirigeants du nouveau régime, des membres de leurs familles, de leurs proches alliés et collaborateurs ;

– Gel des avoirs financiers des dirigeants du nouveau régime et de leurs proches alliés qui ont fomenté ou participé au renversement de l’autorité constituée dans l’État membre. Ces avoirs financiers peuvent être confisqués au profit de l’État ;

– Gel de tous les comptes et autres avoirs de l’État Membre dans les banques multilatérales et commerciales dans le pays, et dans les autres État Membres ;

– S’il s’agit d’un pays enclavé, l’État Membre se verra refuser l’accès aux ports des États membres,

– Boycott des activités sportives de l’État Membre par les États membres de la CEDEAO.»

Notons que la fermeture totale des frontières et, a fortiori, une intervention militaire contre un Etat membre, n’étaient nullement prévus dans ce texte.

Sénégal, Côte d’Ivoire et Togo vent debout contre la limitation des mandats 

Le protocole révisé ne fut pas adopté. Et ce n’est pas l’article 49 qui fit problème. Le débat fit rage dès l’article 1er qui réaffirmait d’emblée, en son premier point sur la durée du mandat présidentiel : «les États membres prennent les dispositions dans leurs Constitutions respectives pour qu’à terme, aucun citoyen de la Communauté ne puisse exercer plus de deux (2) mandats présidentiels ou proroger le mandat qu’il exerce pour quelque motif ou sous quelque forme que ce soit.» Les représentants du Sénégal, de la Côte d’Ivoire et du Togo s’insurgèrent contre l’interdiction du troisième mandat. Et faute d’unanimité, le texte fut enterré.

Ce n’est donc pas une surprise si le même Conseil de Médiation et de Sécurité continue de camper, des mois plus tard, sur ses positions.

Dans son communiqué du 8 février contre les Etats sécessionnistes, il prétend que la CEDEAO a fait la preuve de sa volonté de dialogue tandis que ses interlocuteurs ne cessaient de mentir, «de s’adonner à des sentiments et des discours populistes anti CEDEAO, tout en faisant obstacle aux interactions avec les représentants de la CEDEAO».

La nature de ces obstacles n’est pas précisée mais, côté nigérien, on a plutôt noté une lenteur remarquable à engager le dialogue : après la visite de la délégation conduite par le Nigérian Abdou Salami le 18 août 2023 à Niamey, il a fallu attendre le 10 décembre pour que se réunissent les chefs d’Etat puis, le 25 janvier, pour un ultime faux rendez-vous. Durant tout ce temps, la CEDEAO a maintenu ses sanctions extrêmement dures et une menace d’intervention militaire contre le Niger. https://mondafrique.com/international/la-cedeao-joue-double-jeu-avec-le-niger/

Finalement, conclut le communiqué du 8 février, le Conseil ne voit dans «les raisons avancées par les trois États membres pour justifier leur retrait» que «de la poudre aux yeux, cachant la véritable raison qui est leur intention de ne pas remplir leurs obligations au titre du traité et du protocole» et, en particulier, de ne pas «renoncer, dans un futur proche, au pouvoir politique qu’ils ont obtenu par des voies non constitutionnelles».

L’inquiétude transpire tout de même, au-delà de la chicotte, et le Conseil reconnaît les « préoccupations légitimes des trois Etats membres».

Mais point de solution politique à l’horizon. Mali, Burkina Faso et Niger ont déjà largué les amarres.

1 Bankole ADEOYE, Commissaire aux Affaires politiques, à la Paix et à la Sécurité, Commission de l’Union africaine

 2Leonardo Santos SIMÃO, Représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies et Chef du Bureau des Nations Unies pour

l’Afrique de l’Ouest – UNOWAS

3Protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance additionnel au protocole relatif au mécanisme de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité, adopté à Dakar le 21 décembre 2001

4la fermeture des frontières terrestres et aériennes entre les pays de la CEDEAO et le Mali; la suspension de toutes les transactions commerciales et financières entre les pays de la CEDEAO et le Mali, à l’exception des produits alimentaires de grande consommation, des produits pharmaceutiques, des matériels et équipement médicaux, des produits pétroliers et de l’électricité, le gel des avoirs de la République du Mali dans les banques centrales de la CEDEAO, le gel des avoirs de l’Etat malien et des entreprises publiques et parapubliques dans les banques commerciales des pays de la CEDEAO, la suspension de toute assistance et transaction financières en faveur du Mali par les institutions de financement de la CEDEAO, particulièrement la BIDC et la BOAD.

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