L’institution militaire prend l’eau de toutes parts au Burkina

Mahamadou Bonkoungou, le puissant patron burkinabè et principal allié du capitaine Ibrahim Traoré, a pris la fuite en Turquie après le coup d’Etat manqué.

Le putsch raté du 20 septembre à Ouagadougou continue de faire des vagues et de susciter de curieuses prises de positions: l’un prend la poudre d’escampette, l’autre tente de se justifier, pendant que des officiers
sont mis aux arrêts. Alors que l’armée est déstabilisée, le capitaine Ibrahim Traoré, patron de la junte, se bunkérise à Ouagadougou, où l’atmosphère est irrespirable.



Les raisons d’un départ précipité

L’homme d’affaires burkinabè, Mahamadou Bonkoungou, a été le principal soutien du capitaine Ibrahim Traoré depuis sa prise de pouvoir en septembre 2022. Comme Mondafrique l’écrivait le 28 septembre dernier, leurs relations se sont brusquement détériorées ces dernières semaines. Selon une source sécuritaire burkinabè, le contentieux porterait sur de sombres histoires d’argent.

Pour autant, cette brouille n’explique pas le départ aussi précipité du patron d’Ebomaf en Turquie, ni la mise en sécurité de sa famille. Faut-il interpréter cette fuite subite après le coup d’Etat manqué comme un aveu de culpabilité ? De quoi le puissant Mahamadou Bonkoungou aurait-il donc peur ?

Le chef de la gendarmerie sur un siège éjectable

Cette échappée belle place son allié, Evrard Somda, chef d’état-major de la gendarmerie nationale dans une situation particulièrement inconfortable. Une situation d’autant plus fâcheuse que trois de ses hommes, un commandant et un lieutenant-colonel font partie des quatre officiers mis aux arrêts au secret. Pointé du doigt sur les réseaux sociaux comme un artisan du putsch raté, Evrard Somda a réuni ses troupes pour tenter de se disculper en mutualisant la faute sur toute l’institution. Dans son discours, qui a opportunément fuité sur les réseaux sociaux, il déclare : « Nous avons trébuché, mais nous ne sommes pas tombés, la semaine a été très difficile pour chacun de nous et pour chacun de notre institution. »

Il poursuit: « Qu’avons-nous fait ? que n’avons-nous pas fait ? Que n’avons-nous pas bien fait pour mériter cela ? (…) Nous sommes vilipendés, la faute est partagée, nous avons certainement notre part de responsabilité, Il va falloir identifier et assumer collectivement. » Il suffirait de remplacer le « nous » par un «
je » pour que l’aveu soit consommé.

Pendant qu’Evrard Somda essaye de se laver de tout soupçon et de reprendre la main ses hommes dorment en prison. Quid de la solidarité d’armes ? Survivra-t-il à cette séquence ? Rien n’est moins certain.
D’autant qu’au sein de son corps comme au sein des forces de défense et de sécurité sa notoriété est déjà sérieusement entachée.

Sous Roch Marc Christian Kaboré, il avait été nommé commandant de l’unité d’intervention spéciale de la gendarmerie. Une unité vraiment très spéciale qui sous couvert de lutte anti-terroriste se livrait à une
campagne anti-peuls. Ces faits sont connus dans les milieux sécuritaires et associatifs au Burkina Faso, même si personne n’ose l’accuser publiquement. Néanmoins, sans le citer nommément, en 2018, son unité
avait été épinglée par Human Rights Watch dans un rapport intitulé « Le jour nous avons peur de l’armée et la nuit des terroristes. »

Quand les morts ressuscitent !

Autre affaire dans l’affaire du coup manqué, l’annonce de l’assassinat à Korhogo en Côte d’Ivoire de l’ancien directeur adjoint de l’Agence nationale des renseignement Burkinabè. Le meurtre de Sékou Ouédraogo aurait été perpétré à cause de son implication dans le complot. En réalité, selon des sources à Abidjan, l’homme est bien vivant et l’histoire aurait été montée de toutes pièces pour impliquer Alassane
Ouattara dans l’histoire. Réponse du berger à la bergère, l’histoire le dira…

La corde raide

Au vu de tous ces faits avec en prime une dégradation de la situation sécuritaire, économique, humanitaire, autant dire que l’atmosphère est tendue dans la capitale. Ibrahim Traoré sait qu’il marche sur une fine
corde raide. Il sait que le mécontentement est réel dans tous les corps de l’armée, qui ont en outre très mal vécu l’annonce de l’aide au Niger en cas d’attaque de la CEDEAO. Les militaires ne sont pas en mesure de
sécuriser leur territoire comment pourraient-ils livrer une bataille hors de leurs frontières ?

Le capitaine sait également que son habile communication ne suffira plus à le protéger. Il a renforcé sa sécurité autour de sa résidence, ne dort jamais deux nuits de suite au même endroit, se méfie de tous. Pour l’instant, il résiste encore, jusqu’à quand ?

1 COMMENTAIRE

  1. Le feuilleton du pyscho drame intra militaires au Faso continue. Traoré est plus que jamais sur la sellette, c’est juste une question du temps, comme je l’avais déjà dit ici dans ce magazine dans les articles parlant de ces intrigues au Burkina de ces derniers temps.

    Et en parlant du chef de la gendarmerie qui était menacé de perdre son poste, eh bien c’est chose faites, le magazine “Jeune Afrique” a publié une information dans ce sens, aujourd’hui 5 Octobre 2023, voici le lien pour les intéressés et pour ceux qui n’ont pas l’info: https://www.jeuneafrique.com/1489439/politique/au-burkina-faso-ibrahim-traore-limoge-le-chef-de-la-gendarmerie-nationale/

    À mon avis, avec ce limogeage, Traoré croyant bien faire pour s’éloigner du danger, cela ne fait que le rapprocher, ce limogeage risque de donner l’effet inverse qu’il soit vite renversé par les déchus, ça aura l’air du déjà-vu au…..Niger, rires, quand Bazoum a voulu limoger Tchiani, même si à la différence du Niger où Bazoum n’était pas passé à l’acte bien qu’il avait l’intention de le limoger, au Burkina, Traoré lui est déjà passé à l’acte et avec ça, il a signé son acte de destitution accélérée à mon avis.
    Les russes sur qui il compte, croyant qu’il est leur chouchou, et il est irremplaçable au Burkina aux yeux des russes, ils ne feront rien, rires, ils traiteront avec le nouvel homme fort du pays, personne n’est irremplaçable, et car le pragmatisme ou la real politik est celui qui guide les pays, et ils trouveront un nouveau chouchou en la nouvelle personne, s’il faut parler de Chouchou, et si Traoré se croit le chouchou des russes, rires. Voyons…!

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