La Coupe du monde de football 2022 va mettre le Qatar sous le feu des projecteurs. Organisée par le petit émirat, cette vingt-deuxième édition est présentée comme la plus décriée de l’histoire. Les dérives du pays organisateur ne doivent pourtant pas nous faire oublier les dérives de la FIFA, instance responsable de la dégradation du football, sport qu’elle est supposée promouvoir.
On ne reviendra pas en détails sur les polémiques qui accompagnent depuis 2010 le choix du Qatar comme pays organisateur… L’opération de sportwashing, destinée à améliorer la réputation du Qatar grâce à la popularité du football, lui est revenue dans la figure comme un boomerang, jusqu’à tourner dans le monde occidental au Qatar bashing.
La Coupe du monde de football 2022, vingt-deuxième du nom, débute ce dimanche au Qatar. Le petit émirat gazier va connaître son mois de célébrité, son quart d’heure warholien prolongé en nos temps globalisés.
Recrutées à grand renfort de gazodollars, quelques stars européennes se sont compromises dans des promotions à la gloire du pays organisateur. L’Italien Andrea Pirlo, vainqueur du Mondial 2006 avec la Nazionale, prête son image d’épicurien rassurant à des spots touristiques. Dans une série de films, l’Anglais David Beckham, ancienne tête de gondole du « QSG », parle lui du Qatar comme d’un « pays incroyable », d’une « perfection » telle qu’il a « tellement hâte de faire venir [ses] enfants ».Plus grand monde n’adhère donc à ce discours empreint de béatitude, si tant est que les Qatariens eux-mêmes y aient cru un jour.
Dès le lendemain de la désignation de l’émirat, des investigations ont été conduites. Plus personne n’ignore le prix payé par l’émirat pour obtenir ce Mondial et par les malheureux embauchés pour construire les stades de la Coupe du monde dans des conditions inhumaines. Entretenue à coup de messages lénifiants par les organisateurs, la croyance en les vertus intégralement positives du sport a volé en éclats. Le football n’est pas à l’abri des vicissitudes de la marche du monde. Quelle bonne nouvelle !
La FIFA, le véritable coupable
Faut-il pour autant verser dans cette vague d’emportements à distance, amplifiée par des réseaux sociaux toujours prompts à réduire l’actualité à des hashtags aussi viraux qu’éphémères. Au « moment Ukraine » succède ces jours-ci un « moment Qatar », qui cédera bientôt sa place à une autre vague d’indignation.Boycotter ce Mondial au Qatar, répandre des mots dièses hostiles à l’émirat le temps de passer à autre chose, ce serait se donner bonne conscience à peu de frais et oublier le vrai coupable de ce Mondial de la discorde : la Fédération internationale de football association, la FIFA, responsable universel de la dégradation incessante du football.
Cette association de droit suisse à but non lucratif, qui brasse des milliards et les redistribue en fonction de ses agendas cachés sur les cinq continents, a transformé le sport le plus populaire du monde en moyen d’influence au service de ses intérêts. La FIFA gave la poule aux œufs d’or, surcharge les calendriers au mépris de la santé des joueurs et de la qualité du spectacle, pour faire gonfler droits TV et autres recettes publicitaires. Elle met le football africain sous tutelle et en fait un laboratoire pour son projet de Ligue fermée réservée aux clubs les plus fortunés. Le vrai méchant de ce James Bond, ce n’est pas le cheikh Tamim ben Hamad Al Thani, émir du Qatar, mais Gianni Infantino, le président de la FIFA.
Gianni Infantino et « le relativisme culturel »
Ce technocrate italo-suisse, qui a succédé au patriarche Sepp Blatter sur le fauteuil présidentiel de la FIFA, a poussé à fond tous les curseurs mercantilistes de l’instance. Quitte à donner l’impression d’évoluer dans une dimension parallèle. « J’ai connu la discrimination, l’intimidation, en tant qu’étranger, dans un pays étranger. En tant qu’enfant, à l’école, j’ai été victime de harcèlement parce que j’avais les cheveux roux, avec des taches de rousseur. J’étais d’origine italienne, je ne parlais pas très bien l’allemand », a-t-il raconté en conférence de presse, à la veille du coup d’envoi de la compétition.
Et d’entonner le grand air du relativisme culturel : « Je suis européen. Pour ce que nous avons fait au cours des 3 000 dernières années dans les quatre coins du monde, nous devrions nous excuser pour les 3 000 prochaines années avant de critiquer, de donner des leçons aux autres. » Circulez, il n’y a rien à voir au Qatar, ce pays de cocagne, présenté comme « un pays souverain » et « une opportunité pour les migrants venus légalement ».
Comme Gianni Infantino semble porté sur la plaisanterie, on lui rappellera cette devinette, qui avait coûté son poste au directeur de la communication de la FIFA d’alors, Walter De Gregorio. « Le président de la FIFA, son secrétaire général et le directeur de la communication sont dans une voiture. Qui conduit ? Réponse : la police ! » Les noms ont changé depuis 2015 mais la blague reste hélas d’actualité. La grande chance d’Infantino et de ses sbires ? La beauté du sport qu’ils sont supposés mettre en valeur. Cette beauté irréductible appartient aux joueurs, et pas à la FIFA.
Mais dès que la balle roulera, la magie peut opérer de nouveau, et atténuer les polémiques qui frappent l’instance. Jusqu’au prochain scandale.