Chroniques Palestiniennes (7) : Hébron, quintessence de la colonisation israélienne

Prochaine étape du périple de l’association « Un oeil sur la Palestine », Hébron, ville sainte au sud de la Cisjordanie, déchirée entre une Autorité palestinienne affaiblie et une colonisation israélienne massive.

IMG_5211Sur la route, la beauté du paysage nous fait presque oublier que l’on partait pour Hébron. Les accompagnateurs nous avaient prévenu que cette journée serait l’une des plus éprouvantes. Nous allions très vite le constater par nous-mêmes.

Hébron, ville d’apartheid

Mouafaq est venu à notre rencontre, souriant,  le regard vif, son empressement à nous faire constater la situation dans les différentes rues de sa ville était perceptible. El Khalil, a été renommée Hébron par Israël, nous avions évoqué dans une chronique précédente cette stratégie israélienne de falsification de l’histoire. Mouafaq nous apprend qu’en 1994, lorsque le colon Baruch Goldstein a massacré plus de 29 personnes dans la mosquée d’Ibrahim, la vieille ville sous contrôle israélien a été séparée en deux. A l’époque il y avait plus de 2000 palestiniens habitants la rue El Shouhada, artère principale de la ville aujourd’hui ils sont moins de 1000.

À l’entrée de la rue nous attend un imposant check-point.  Nous y rencontrons Moufid El Shourabati, père de cinq enfants, habitant depuis toujours la rue El Shouhada. Il nous raconte le quotidien : menaces, intimidations et surtout la violence subie quotidiennement par tous les membres de sa famille. Des riverains se regroupent autour de nous. Après avoir écouté leurs récits, tous poignants, nous nous décidons à passer le check-point. La couleur de nos passeports nous permet de passer sans aucun contrôle. Mouaafaq lui subira contrôle d’identité et fouille.  Tout comme à Jérusalem Est il y a quelques jours, nous constatons que notre statut d’internationaux nous accorde une liberté de circulation interdite aux palestiniens sur leur propre terre. A une vingtaine de mètres de nous, un jeune avec une charrette est arrêté par d’autres militaires, raison : il circulait en zone H2, la zone contrôlée par l’armée israélienne, omniprésente.

« Israël nous a été donné par Dieu »

Une atmosphère lourde règne sur cette ville fantôme ou plus de 500 magasins ont fermés sur ordre militaire.  Les check-points sont nombreux et certaines routes interdites aux palestiniens. Ils subissent quotidiennement humiliations, agressions et spoliations de la part de colons armés et protégés par la police et l’armée. Il y a environ 2000 soldats pour la sécurité de plus de 800 colons. De l’autre côté, des militaires retiennent deux enfants depuis une trentaine de minutes, des volontaires d’EAPPI (Programme œcuménique d’accompagnement en Palestine et Israël)  observent la scène. Selon eux la situation est de plus en plus tendue  » les colons coupent l’eau, agressent impunément. Une femme enceinte a perdu son bébé cette semaine après avoir subi une agression par ces derniers ». Troublés, désemparés, nous demandons à un soldat Israélien comment il peut trouver une légitimité à sa mission, il nous répond «  Israël nous a été donnée par Dieu ». Son discours est formaté et comme toute propagande religieuse n’a que faire du droit international qu’Israël ne cesse de bafouer dans l’indifférence générale.

Nous quittons le centre-ville d’Hébron avec un terrible sentiment d’injustice et d’impuissance. Notre journée s’achève avec la visite de la dernière usine de keffieh, crée en 1956. Cette entreprise familiale Hirbawi résiste de génération en génération malgré l’occupation. Elle emploie 12 salariés, hommes et femmes, et fabrique 250 pièces par jour. Le propriétaire des lieux, Abed Hirbawi, nous informe que ces dernières années leurs ventes sont en hausses et que le premier pays importateur est la France. Et ce, malgré la tentation qu’ont beaucoup de s’approvisionner ailleurs, pour réduire les couts et éviter les tracasseries liées à l’occupation israélienne.

En quittant la ville, on se dit que le seul fait d’habiter Hébron, comme partout ailleurs en Palestine, est en soi, un acte de résistance.