Durant des décennies, de nombreux Parcs nationaux africains constituaient des réserves de biosphère de l’UNESCO en Afrique centrale. Aujourd’hui, la plupart de ces Parcs nationaux sont devenus des sanctuaires pour les » terroristes sans frontières », comme on le voit avec l’enlèvement; le 1er mai 2019, de deux touristes au Parc national du Pendjari.
Le Parc national du Pendjari, situé à l’extrême nord-ouest du Bénin, aux frontières du Burkina-Faso et du Niger et peu éloigné du Nigeria vient de faire la une des médias. Deux touristes français et un guide béninois y ont disparu, lors d’un safari photo, et ce dernier retrouvé mort.
Cette réserve de biosphère de 2 800 km2 est un territoire idéal pour les terroristes de Boko Haram et les groupes armés djihadistes sahéliens, en recherche d’ expansion territoriale. Avec en ligne de mire le port de Cotonou, débouché de tous les trafics.
Le Parc national de Pendjari va-t-il contribuer à déstabiliser l’État béninois, comme certains Parcs nationaux le font au Cameroun et en Centrafrique ?
Les Parcs nationaux d’Afrique centrale à l’abandon
A l’instar des États de l’Afrique centrale, livrés à la corruption, au népotisme des gouvernants, à la vente à l’encan des richesses nationales et aux nombreuses atteintes à l’État de droit, la plupart des Parcs nationaux sont devenus des zones de non-droit où la violence règne en toute impunité, chassant les derniers habitants. Ces vastes territoires échappent à tout contrôle et permettent des mouvements transnationaux, car la plupart de ces Parcs nationaux sont situés à la limite de plusieurs frontières.
Évidemment les gouvernements concernés et notamment les ministères chargés des Eaux, Forêts, Chasse et Pêche n’ont pas de moyens suffisants pour gérer ces territoires éloignés de la capitale, désormais en jachère. Ces aires naturelles jadis protégées, vidées de leur population, sont devenues quasiment des territoires « vacants et sans maître ». Les gardes forestiers ont fui ces zones livrées à des groupes armés devenant subsidiairement des braconniers d’espèces normalement protégées.
Les Parcs nationaux de Waza au Cameroun, d’Andre-Félix et de Saint-Floris en Centrafrique en sont de bons exemples.
Le Parc de Waza, cible de Boko Haram
Jusqu’à ‘a la fin de la décennie 1980-1990, le Parc national de Waza était un paradis pour les amateurs de safaris. Les touristes y affluaient par centaines. En 2019, c’est une zone de guerre occupée par les Bataillons d’intervention rapide de l’Armée camerounaise pourchassant les hordes de Boko Haram qui y ont établi leurs camps de base. Waza n’est qu’à une centaine de kilomètres de la capitale tchadienne Ndjamena et à un peu plus de 200 km de Maiduguri, le centre névralgique de Boko Haram. Cette réserve de biosphère de l’Unesco semi-montagneuse, vaste de 1 700 km2, est difficilement contrôlable et peu habitée. Situé aux frontières du Tchad et du Nigeria, le Parc national de Waza a subi l’élimination de sa faune, jadis exceptionnelle. Ce territoire stratégique a donc perdu sa vocation touristique pour devenir un sanctuaire de djihadistes se réclamant de Boko Haram et un point de départ de leur raids sanglants dans cette zone du Lac Tchad.
Les Parcs André-Félix et Saint-Floris, territoires de non-droit
Le Parc national André-Félix n’est plus centrafricain que de nom. La souveraineté de l’État centrafricain est un lointain souvenir. Situé dans l’extrême nord-est du pays, il est contigu au Parc national soudanais de Radom (12 500 km2). Il est surtout occupé par les Djandjawids du Darfour qui y pratiquent le braconnage à grande échelle et y ont constitué des bases arrières pour leurs rezzous en Centrafrique. Les trafics d’armes, de diamants et de faune se font en toute impunité des deux côtés d’une frontière purement cartographique.
Le Parc national du Manovo-Gounda- Saint-Floris est frontalier du Tchad. D’une superficie de 17 400 km2, il est situé dans le nord-est du pays dans le Bamingui-Bangoran, près de Ndele. Cette réserve de biosphère exceptionnelle, patrimoine de l’Unesco, a été décimée par les braconniers soudanais et exploitée par les combattants Rounga du FPRC qui en ont fait leur fief du Dar-el-Kouti. Grâce à l’Accord de Khartoum, du 6 février 2019, et en vertu de la cogestion du pays entre les autorités de Bangui et les rebelles criminels qu’il instaure, Nourredine Adam, leader du FPRC, a imposé au président Touadera la nomination de l’un de ses proches comme ministre des Eaux, Forêts, Chasse et Pêche. C’est cet ancien rebelle qui a désormais la « gestion » des Parcs nationaux. Faisant partie des 80 % du territoire national échappant à l’autorité de Bangui, les Parcs nationaux de Centrafrique sont des sanctuaires inexpugnables permettant de vivifier les nombreux groupes armés qui sont désormais officiellement reconnus et légitimés, avec l’Accord de Khartoum, par l’ONU et l’Union africaine.
Avec les crises politiques en Afrique centrale qui s’amplifient, les groupes armés commencent à muter en mouvements islamistes, suivant en cela l’exemple de Boko Haram. Ils développent des liens avec le Proche et le Moyen-Orient.
Echappant à l’autorité de l’État et à la presence des ONG d’assistance humanitaire, les Parcs nationaux du Cameroun et de Centrafrique offrent des opportunités pour l’État islamique de s’implanter dans cette région d’Afrique centrale.