Said Bouteflika fait sa pub dans « le Point »

Le magazine français « le Point » consacre sa « une » et un dossier épais aux « heures crucilales » que vit aujourd’hui l’Algérie confrontée à un président, Abdelaziz Bouteflika, affaibli et malade. Normal, nous sommes trois semaines avant le voyage officiel du président français, Emmanuel Macron, dans un pays uni à la France par des liens profonds et anciens.

Mais encore aurait-il fallu que « le Point », un hebdomadaire qui nous avait habitué à plus de professionnalisme, présente un vrai travail journalistique, et non un publi-reportage à  la gloire du frère du président algérien et régent du régime, Said Bouteflika. Les vrais rapports de force au sein du pouvoir algérien exacerbés aujourd’hui sont gommés au profit d’une image d’épinal grossière

Guerre de succession

Dans la guerre de succession qui fait rage à Alger, deux hommes jouent un rôle déterminant: le frère du président, Said Bouteflika, et le chef d’état-major, le général Gaïd Salah. Or ces deux personnalités n’ont pas droit, dans cette enquête, à un traitement comparable. Loin de là.

Le premier, Said Bouteflika, désigné comme « le vice roi de l’ombre » par « le Point », bénéficie d’un portrait de quatre pleines pages plus qu’élogieux. On apprend tout d’abord que cet ancien enseignant, engagé syndicalement, n’hésitait pas à braver dans sa jeunesse les pouvoirs en place. On découvre que « Monsieur frère », qui n’a aucune fonction officielle et pas la moindre légitimité institutionnelle, est  « l’homme fort » du pays et l' »un des piliers du régime ».

Naturellement « loyal » et « discret », l’ami Saïd serait très apprécié pour « sa capacité d’écoute des doléances » (sic), notamment « dans les circuits du pouvoir » (re sic). Qulles doléances? Quels circuits? Rien ne le précise.

Ce qui n’empêche pas le frère du Président  « de partager des cafés » avec les jeunes des quartiers populaires, cultivant « une dimension humaine et de solidarité ». Quand on connait la proximité du Régent de Zéralda avec les oligarques algériens et l’impossibilité de conclure une affaire ou d’obtenir un marché à Alger sans son aval, un tel portrait est juste grossier.

 Gaïd Salah? Inconnu!

Le second poids lourd du régime actuel, le chef d’état-makor Gaïd Salah, n’apparait jamais dans les quinze pages de cette enquête. Son nom n’est même jamais cité.

Quant à  l’armée, qui reste la colonne vertébrale du pouvoir algérien, elle jouerait les seconds rôles. Ainsi, selon un haut cadre, une source plus que vague, « les militaires, et à leur tète le chef d’état-major, ont été recadrés par Bouteflika, pour n’être que des …militaires ». Pourtant tout citoyen algérien sait pertinemment que le successeur de l’actuel chef de l’Etat ne sera pas désigné sans l’accord formel de l’armée, hostile dans son immense majorité à une succession familiale. Le poids de Gaïd Salah et des chefs de région militaire ne peut être que décisif dans ces difficiles tractations.

Autant dire que ce long article consternant, le « Point » travestit totalement la situation d’une Algérie qui rester, avec un tel traitement,trop mal connue de ses voisins français.

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Nicolas Beau
Ancien du Monde, de Libération et du Canard Enchainé, Nicolas Beau a été directeur de la rédaction de Bakchich. Il est professeur associé à l'Institut Maghreb (Paris 8) et l'auteur de plusieurs livres: "Les beurgeois de la République" (Le Seuil) "La maison Pasqua"(Plon), "BHL, une imposture française" (Les Arènes), "Le vilain petit Qatar" (Fayard avec Jacques Marie Bourget), "La régente de Carthage" (La Découverte, avec Catherine Graciet) et "Notre ami Ben Ali" (La Découverte, avec Jean Pierre Tuquoi)