Sérieusement diminué par un accident cardio-vasculaire (AVC), le président gabonais Ali Bongo Ondimba a fait venir à ses côtés son fils Nourredin Bongo Valentin. Histoire de lui mettre le pied à l’étrier et de le préparer à prendre la relève pour assurer les arrières du clan Bongo Ondimba.
On n’est jamais mieux servi que par son fils ! Ali Bongo Ondimba, président de la république gabonaise, qui a appris cette sagesse de son père Omar Bongo Ondimba, se l’applique à son tour. L’ancien ministre de la défense de papa Bongo, devenu président de la république en 2009 au décès de celui-ci, a nommé en décembre 2019 son fils Nourredin Bongo Valentin, 29 ans, au poste de Coordinateur général des affaires présidentielles (CGAP).
Profil anglo-saxon
Diplômé en commerce et relations internationales en Grande Bretagne, le pays de cœur de sa mère Sylvia Bongo Ondimba, Noureddin Bongo se destinait plutôt aux affaires. A 22 ans à peine, il entre en 2014 chez le géant de l’agro-alimentaire singapourien Olam. Il y effectue une carrière fulgurante et devient directeur général adjoint de ce groupe qui a investi ces dernières années près de deux milliards de dollars au Gabon, pays dans lequel il est le premier employeur privé. En octobre 2018, un événement imprévu vient changer le destin de Noureddin : son père est victime d’un AVC à Ryad. Noureddin se tient en retrait, laissant sa mère Sylvia monter au charbon pour affronter les querelles d’ambitions de ceux qui rêvent alors de succéder à Ali Bongo Ondimba. Avec l’aide de son ami le Roi Mohamed VI, le président gabonais suit au Maroc puis au Gabon une longue et lente convalescence. De retour aux commandes de l’Etat, il prend soin d’écarter tous ceux qui avaient manifesté de manière ostentatoire leur volonté de s’installer dans son fauteuil. Mais, le président gabonais, conscient qu’il ne pourra plus gérer le Gabon comme avant, décide de s’appuyer sur son fils Noureddin. A en croire la version officielle, « le CGAP assiste le président dans la conduite de ses missions, veille à ce que ses directives soient bien exécutées et en assure le suivi ».
Des termes de référence de la fonction suffisamment vagues pour que Noureddin se transforme en une sorte de vice-président de la république avec les prérogatives mais sans le titre. Il écrit directement à des ministres pour leur donner des ordres, sans passer par la Première ministre Rose Christiane Ossouka Raponda ; il coordonne la task force sur la dette intérieure, prend le leadership du Plan triennal d’accélération de la transformation (PAT, 2021-2023).
Mise à mort des rivaux
A la présidence de la république, sur le bord de mer à Libreville, Noureddin joue sa propre carte tout en servant son père. Il s’entoure des fidèles parmi les fidèles: Ghislain Ngoulou comme directeur de cabinet ; Max-Samuel Oboumadjogo communicant, Laetitia Yuinang conseiller juridique. Ensemble, ils définissent les différentes étapes de la longue marche de Noureddin vers le pouvoir.
Une ascension qui passe, notamment, par la mise à mort des rivaux potentiels du fils prodige. À la faveur d’une campagne de lutte contre la corruption, plusieurs hauts fonctionnaires susceptibles de faire de l’ombre à Noureddin, dont Bruce Laccruche Alihanga, le principal collaborateur de son père (1), ont été jetés en prison. Sauf miracle, ils sont définitivement neutralisés de la course au fauteuil présidentiel.
La face cachée de Noureddin Bongo Valentin est celle d’un tueur sans état d’âme qui n’hésite pas à placer ses rivaux en prison
Cette opération a révélé aux Gabonais une face cachée de Noureddin Bongo Valentin : un tueur sans état d’âme. Profitant de l’espace libéré par la mise à mort politique de ses rivaux, sous le regard bienveillant de sa mère Sylvia, l’héritier du clan Bongo tisse sa toile, particulièrement, dans la haute administration. Il a ainsi placé Boris Atchougou à la direction générale des douanes gabonaises, Gabin Otha Ndoumba à la tête de direction générale des Impôts. Dans le même temps, il entre au bureau politique du Parti démocratique gabonais (PDG, pouvoir) pour mieux utiliser les réseaux de son père. Outre les qualités de son fils, Ali Bongo Ondimba a sorti un argument massue, dans un entretien à la presse, pour justifier son souhait de voir son fils reprendre le flambeau : « Noureddin, a-t-il dit, a également une vision affirmée du développement du Gabon à long terme ».
Restera à Noureddin Bongo à régler, d’ici à la présidentielle de 2023, son déficit de relais dans l’armée gabonaise. Un pari qui est d’autant moins gagné qu’un autre Bongo, Frédéric, colonel-major de son état, n’a pas dit son dernier mot dans la course à la succession d’Ali Bongo Ondimba.
(1) Le magistrat instructeur du tribunal de Paris, Elodie Meyrianne, saisie d’une plainte en détention arbitraire par les frères Laccruche, vient d’ordonner une commission rogatoire internationale en direction des autorités gabonaises. Faisant suite à des demandes des conseils des frères Laccruche, il s’agit de questionner les autorités gouvernementales et judiciaires du Gabon sur le processus qui a conduit à l’incarcération des frères Laccruche (et d‘autres) à Libreville.
Frédéric Bongo, le come back d’un prince banni