« Fils de » (2/4), le guinéen Teodoro Obiang Nguema, l’irrésistible ascension d’un fêtard

Le prochain président de la Guinée-Equatoriale aura le même patronyme que l’actuel : Teodoro Obiang Nguema. Sauf accident, ce sera bien en effet le fils Mangue qui succédera au père Mbassogo au pouvoir depuis 1979. Ni les frasques, ni les poursuites judiciaires en France et aux Etats-Unis ne semblent s’y opposer

La cour d’appel de Paris a en effet condamné Teodorin Obiang, vice-président de Guinée équatoriale, à trois ans de prison avec sursis et 30 millions d’euros d’amende pour s’être frauduleusement bâti un patrimoine considérable en France.  

La justice alourdit ainsi la condamnation prononcée en première instance. Le 27 octobre 2017, à l’issue du premier procès dit des « biens mal acquis » devant la justice française, le tribunal correctionnel de Paris avait prononcé la même peine d’emprisonnement mais avait assorti du sursis l’amende de 30 millions d’euros.

La Guinée équatoriale n’est ni un royaume, ni un émirat. Et pourtant tout y ressemble : le président Teodoro Obiang Nguema Mbassogo va mourir au pouvoir. Ensuite, son fils Teodoro Obiang Nguema Mangue va lui succéder. Tout a été déjà réglé comme sur une feuille de musique. 

Record de longévité  

Lorsque son père accède au pouvoir en 1979, Teodoro Obiang Nguema Mangue, de son petit nom, Teodorin n’a que dix ans. Il en a 52 aujourd’hui. Bien qu’ils soient à la tête de l’unique colonie espagnole d’Afrique subsaharienne, ses parents décident de l’envoyer poursuivre ses études secondaires en France. Il atterrit alors dans le pensionnat de l’école des Roches, un établissement privé de Normandie. A cet âgé déjà, il prend goût à la vie. Entre frasques et cours séchés, il obtient laborieusement son baccalauréat et s’inscrit ensuite à l’Université Paris-Dauphine. Teodorin n’obtiendra aucun diplôme de cette université prestigieuse. Il ne sera guère plus brillant en Californie où ses parents l’envoient se perfectionner en anglais. Au bout de cinq mois de fréquentation buissonnière, il jette l’éponge. Persuadé que la réalisation de son destin ne passe pas par des sacrifices à consentir dans des études. Surtout lorsqu’on est le fils du président d’une république de Guinée-Equatoriale où tout appartient au clan familial. Irréductible accroc aux voyages, celui qui n’était pas encore tout à fait le dauphin désigné partage son temps entre les continents africain, européen, américain, asiatique et même sud-américain pour faire du shopping, passer du bon temps sur les yachts ou jouer au golf après un bon cigare.  

Le MBS africain  

Les frasques de Teodorin alimentent alors les manchettes des gazettes. Lui n’en a cure et n’hésite pas à s’afficher dans des lieux emblématiques des grandes villes européennes ou américaines qu’ils visitent. A Paris, on le croise sur les Champs-Elysées et à la Place Vendôme où il a acheté 28 montres d’exception en 2009 pour près de dix millions d’euros.  

 Pour mieux esquiver les critiques, le fils du président Obiang Nguema Mbassogo s’occupe de la forêt plutôt que du pétrole. De conseiller de son père en matière de forêts pendant deux ans (1995-1997), il devient ministre de l’Agriculture et des forêts entre 1997 et 2012.  

Selon des enquêtes américaines, sa fortune bondit alors grâce à un « impôt révolutionnaire » qu’il lève auprès des multinationales travaillant dans l’exploitation pétrolière.  A mesure qu’il monte dans la hiérarchie de l’Etat, Teodorin ne se met plus aucune barrière dans les dépenses de prestige. Devenu deuxième vice-président en charge de la sécurité et de la défense en 2012, il place ses hommes de confiance aux postes clefs de la hiérarchie militaire et à la tête des services de renseignement.  

Succession dynastique 

Confondant l’argent de l’Etat avec le sien, il se lance dans des acquisitions qui font jaser le monde entier. Il achète ainsi un lot d’objets d’art estimé à près de 18 millions d’euros lors de la dispersion des biens du couturier Yves Saint Laurent. En Afrique du Sud, Teodorin achète deux propriétés immobilières estimées à près de 7 millions de dollars. Outre une autre propriété achetée à environ 23 millions de dollars, celui qui est devenu entretemps le prince héritier de la Guinée-Equatoriale se lance dans une collection de voitures de luxe comprenant 7 Ferrari, 5 Bentley, 4 Rolls-Royce, 2 Lamborghini, 2 Mercedes-Benz, 2 Porche, 2 Marbach, 1 Aston Martin, 2 Bugatti-Veyron. Un parc automobile évalué à près de 10 millions d’euros. Deux enquêtes sont ouvertes en France et aux Etats-Unis pour faire toute la lumière sur l’origine de ces sommes d’argent dépensées sans compter par un homme qui n’a d’autres revenus que ceux assurés par ses activités officielles. 

 Leur issue n’aura, de toute façon, aucune incidence sur le plan de succession dynastique déjà arrêté en Guinée-Equatoriale. En effet, malgré les indignations exprimées dans les médias sur les errances de Teodorin et l’hypothèque judiciaire en France et aux Etats-Unis, il sera bien le prochain président de Guinée-Equatoriale : telle est la volonté de son père qui en a déjà fait le premier vice-président de la république. Il ne lui restera donc plus qu’une marche à franchir pour s’asseoir dans le fauteuil de papa. Ce sera quand il mourra et aura des obsèques grandioses. 

La Cour de cassation confirme la condamnation de Teodorin Nguema Obiang Mangue