Niger, l’échec d’une tentative de coup d’état

La tentative de coup d’état qui a eu lieu au Niger dans la nuit du mardi 30 au mercredi 31 mars et qui a échoué illustre les fractures qui existent au sein de l’institution militaire malmenée par l’ex président Ossoufou. Un passé qui pèse lourd dans le début de la présidence de Mohamed Bazpum, héritier du régime.

Aux dernières nouvelles, des militaires auraient été arrêtés après ce qui est qualifié de « tentative de coup d’État », a appris l’AFP de source sécuritaire. « Il y a eu des arrestations parmi les quelques éléments de l’armée qui sont à l’origine de cette tentative de coup d’État. Ce groupe de militaires n’a pas pu s’approcher du palais présidentiel lorsque la garde présidentielle a riposté », a indiqué cette source en affirmant que la situation était « sous contrôle ». 

Une source proche de Mohamed Bazoum a confirmé à l’AFP qu’il y a eu ce qu’il a qualifié de « petite tentative de coup d’État vite maîtrisée par les forces légitimistes ». Le quartier présidentiel a été quadrillé par les forces de l’ordre, mais, dans le reste de la ville, la situation était normale mercredi

Mondafrique revient sur les relations contrastées qui ont existé, ces dernières années, entre l’armée nigérienne et le clan Issoufou  

En avril 2011, lorsqu’il s’installe dans le fauteuil présidentiel au Niger, le président Issoufou n’avait qu’une obsession : tout faire pour empêcher qu’il soit victime d’un coup d’Etat militaire. A vrai dire, sa crainte n’était pas totalement infondée dans un pays qui a connu quatre coups d’Etat militaires depuis l’indépendance : 1974, 1996, 1999, 2010.  

Le sort de son successeur, Mohamed Bazoum, officiellement élu avec 55% des voix, pourrait bien être aujourd’hui dans les mains de l’institution militaire nigérienne qui est face à une alternative délicate: soit consolider le président élu, en soutenant la répression; soit bloquer le processus démocratique actuel, contesté dans la rue et sur les réseaux sociaux par une grande partie de l’opinion publique.

Un retour en arrière sur la façon dont le Président Issoufou a géré son armée ces dix dernières années est un bon éclairage des équilibres actuels au Niger.

Des promotions accélérées

En 2011, celui qui est le nouveau président nigérien se donne pour objectif de bâtir une armée totalement acquise à son régime. Pour cela, il nomme aux postes de commandement des officiers non pas pour leurs faits d’armes, mais pour leur loyauté à sa personne. Dans cette logique, la Présidence de la république s’octroie un droit de véto sur les nominations et les promotions dans l’armée, y compris pour des fonctions subalternes comme chefs d’unités, commandants de compagnies.

Même les mises en positions de stage et les détachements ont fait l’objet d’arbitraire et de clientélisme. Certains officiers sont actuellement généraux sans que l’on sache quel miracle ces promotions ont été décidées; d’autres sont restés colonels ou colonels-majors pendant dix ans sans que l’on sache d’avantage pourquoi. Une pratique qui alimente la rancœur et le ressentiment dans le rang.  

Des placards pas très dorés

Dans cette stratégie de prévention de toute prise de pouvoir par l’armée, des « officiers douteux » pour les régimes ont été envoyés comme attachés militaires dans les ambassades, de préférence dans des pays avec lesquels le Niger entretient une coopération militaire très embryonnaire : Turquie, Afrique du Sud, Italie, Allemagne…  

L’essentiel étant pour le régime d’Issoufou que l’officier affecté dans ce « placard » diplomatique ne soit plus au Niger. Alors que la tradition diplomatique veut que l’officier affecté comme attaché de défense y reste cinq ans, certains des « militaires indésirables » pour Issoufou en sont à leur dixième année à l’étranger. Ils ne reviendront pas, sans doute, avant son départ.

 En Mai dernier, la radiation pour « indiscipline » du général Mahamadou Mounkaila, un gradé très populaire, par le président Issoufou avait illustré de façon éclatante le malaise entre l’armée nigérienne et le pouvoir à Niamey. 

Au Burkina, le président Campaoré a été victime
d’une gestion arbitraire de l’institution militaire

Aux petits soins pour la garde prétorienne  

Outre la gestion erratique du personnel militaire, la stratégie de peur du coup d’Etat s’est traduite par la montée en puissance de la garde prétorienne du président Issoufou au détriment de l’armée. Ce qui est toujours très risqué, comme le prouve le précédent burkinabé où on vit en 2014 l’ex homme fort du pays, Blaise Campaoré, chassé par son armée pour avoir favorisé les corps d’élite. proches de la Présidence

Preuve de cette bienveillance du pouvoir nigérien à l’endroit de la garde présidentielle, l’ancien directeur de cabinet d’Issoufou, Hassoumi Massaoudou, également ancien ministre de la défense, de l’intérieur et des Finances, avait révélé, à la faveur d’un scandale de cession de l’uranium nigérien à Orano (ex-Areva), que 800 millions de FCFA (environ 1,2 millions d’euros), ont été réservés sur le produit de cette vente à l’achat d’équipement militaire au profit de la garde présidentielle.  

Une armée en partie sacrifiée

De l’aveu même de l’actuel ministre de la défense Issoufou Katambé, l’armée nationale a, de son côté, été la victime de fournisseurs véreux des proches du pouvoir qui lui ont fourni du matériel défectueux. Ce déficit d’équipement explique d’ailleurs le lourd tribut humain payé par les forces de défense nigériennes dans la lutte contre les groupes djihadistes du nord Mali et Boko Haram, sur la frontière du sud-est. 

Entre les attaques djihadistes meurtrières  d’Inatètes, de Chinagoder (frontière avec le Mali) et Karamga (lit du Lac Tchad), l’armée nigérienne aura perdu depuis 2015 entre 500 et 1000 hommes.  

Sauf accident de toute dernière minute, Issoufou aura donc réussi son pari d’empêcher tout coup d’Etat militaire contre son régime. Mais à quel prix y est-il arrivé ?

Une sorte de trêve a été signée, ces dernières années entre le pouvoir nigérien et son armée. Pour combienn de temps? et son armée. Pour combien de temps?

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